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Déposé à la SACD


LA NAISSANCE DE L'ETAT D'ISRAËL
*
par Michel Fustier
(toutes les pièces de M.F. sur : http://theatre.enfant.free.fr )

PERSONNAGES
L'historien de service,
Ben Gourion, président du comité exécutif de l'Agence juive,
Golda Meïr membre du même comité,
un terroriste arabe, Deux terroristes juifs
le délégué américain aux Nations Unies,
le président des États-Unis Harry Truman,
Le roi Abdulhah de Jordanie


- 1 -
L'HISTORIEN DE SERVICE - A la suite des massacres de la seconde guerre mondiale, les Nations Unies se demandèrent si le temps n'était pas venu de donner aux Juifs une vraie patrie et de leur permettre de fonder en Palestine leur Etat. C'est ce qu'elles firent en novembre 1947. Mais il y avait sur le terrain en face des six cent mille Juifs un million deux cent mille Arabes, légitimes citoyens d'un pays qu'ils habitaient depuis… le commencement des temps. Mais voici que Golda Meïr, le 29 novembre 1947, vient de bonne heure réveiller Ben Gourion. Ils sont tous les deux des personnalités importantes de la communauté juive...
GOLDA MEÏR - Réveille-toi, David Ben Gourion!
BEN GOURION - J'étais tellement fatigué… Je me suis endormi… Alors?
GOLDA MEÏR - Alors, nous avons gagné! Les Nations Unies ont voté le partage de la Palestine. Moitié pour les Arabes, moitié pour nous. Nous avons maintenant, nous les Juifs, une terre à nous, une patrie pour nous. Bientôt nous fonderons un Etat!
BEN GOURION - (après un silence pensif) Chère Golda Meïr, je suppose qu'il faut que nous nous réjouissions! …Par quelle majorité?
GOLDA MEÏR - Oh, confortable… Trente voix contre treize! A Jérusalem, c'est une explosion de joie. On danse dans les rues. Tu n'es pas content?
BEN GOURION - Je ne suis pas content…? Si, je suis content, mais je suis aussi terrifié… Si le vote avait été négatif et si la Palestine n'avait pas été partagée, pour obtenir d'exister nous aurions dû faire la guerre aux Arabes. Mais maintenant que le partage est voté, c'est les Arabes qui vont nous faire la guerre. Les Arabes ne peuvent pas accepter d'être ainsi dépossédés d'une partie de leur territoire.
GOLDA MEÏR - Ecoute… Pour demain les craintes. Aujourd'hui, savourons notre victoire. Ne pense à rien d'autre. Allons, viens, ne boude pas…
BEN GOURION - J'ai désiré passionnément ce vote, mais maintenant qu'il est là… De toute façon, je refuse l'internationalisation de Jérusalem que nous impose le plan des Nations Unies. A cela, nous nous opposerons. Et puis les Arabes sont là, prêts à nous envahir! Les Syriens d'abord, au nord, qui vont déferler sur la Galilée…
GOLDA MEÏR - Pas très redoutables, les Syriens!
BEN GOURION - En effet, mais il faudra quand même s'occuper d'eux! Et au sud, les Égyptiens …
GOLDA MEÏR - Les Égyptiens, c'est ça qui te fait peur?
BEN GOURION - Leur armée n'est pas très organisée, mais ils ont des chars et des canons. Pour les empêcher de remonter jusqu'à Jérusalem nous n'avons que quelques fusils. Et à l'est, nous sommes menacés à la fois par l'Irak et par la Jordanie.
GOLDA MEÏR - L'Irak est loin. Quant à la Jordanie, je ne crois pas que la Légion arabe de Glubb Pacha ait l'intention de faire plus que le minimum. Le roi Abdulhah est notre meilleur ami…
BEN GOURION - Il ne peut pas se désolidariser de ses frères arabes… De toute façon, contre ces quatre armées, nous n'avons ni canons, ni chars, ni avions… et même pas assez de fusils pour armer tous nos soldats. Quelques mitrailleuses tout au plus. Mais tu as raison, ce soir réjouissons-nous… A condition que les Arabes nous en laissent le temps.

- 2 -
L'HISTORIEN DE SERVICE - Quelque mois après, à Jérusalem au début de 1948, alors que les Anglais occupent encore officiellement le territoire, chacun des deux partis, juif et arabe, essaye de "terroriser" l'autre...

LE TERRORISTE ARABE - (entrant d'un côté de la scène) Il faut que nous obligions les Juifs à renoncer à fonder leur Etat et pour cela nous avons choisi de porter la terreur dans le quartier juif de Jérusalem! Je suis arabe, mais j'ai été élevé en Angleterre et on peut facilement me prendre pour un Anglais. Je vais en profiter. De plus, j'ai soudoyé trois déserteurs anglais qui sympathisent avec notre cause… Je prendrai la tête du convoi dans une automitrailleuse de Sa Majesté et ils me suivront en conduisant trois camions bourrés de trinitrotoluène. Nous passerons facilement les barrages anglais et nous irons nous ranger le long de la rue Ben Yehuda, là où les Juifs vivent entassés les uns sur les autres... J'ai ajouté au trinitrotoluène un mélange de potassium et d'aluminium qui en double la puissance… Dès que nous aurons allumé les mèches, nous nous éclipserons. Les dégâts seront considérables… Allons-y! (il sort. Après quelques instants on entend l'explosion)

PREMIER TERRORISTE JUIF - (entrant de l'autre côté de la scène) Il faut faire sauter l'hôtel Sémiramis: c'est le quartier général des Arabes de Jérusalem.
SECOND TERRORISTE JUIF - (le suivant) Je suis prêt… Mais quartier général de Arabes ou pas, tu as vu le temps qu'il fait!
PREMIER TERRORISTE JUIF - Justement! Avec cette pluie, ils auront relâché leur surveillance.
SECOND TERRORISTE JUIF - Il faut quand même faire attention. Tu veux vraiment y aller?
PREMIER TERRORISTE JUIF - Bien sûr! C'est le moment ou jamais. Nous devrons d'abord faire sauter la petite porte qui donne sur la rue de derrière. Tu as la grenade?
SECOND TERRORISTE JUIF - Oui… Ils vont l'entendre!
PREMIER TERRORISTE JUIF - Ne t'inquiète pas. Avec la pluie et le vent, elle passera inaperçue. Ensuite nous porterons nos deux valises d'explosif dans la cave de l'hôtel, nous les fixerons autour des piliers qui supportent le bâtiment… Et dès que nous aurons allumé la mèche nous nous enfuirons… Normalement les trois étages de l'hôtel Sémiramis devraient s'effondrer sur eux-mêmes… Allons-y, prend le volant.
SECOND TERRORISTE JUIF - Puisque tu insistes… Passe devant! (ils sortent. Après quelques instants on entend l'explosion)

- 3 -
L'HISTORIEN DE SERVICE - L'affaire est toujours en suspens... En mai 1948, les Nations Unies se préparent à voter pour ou contre la fondation d'un Etat juif sur le territoire qui a été attribué à Israël... Les personnages sont tous sur scène et se parlent à travers les frontières.
LE DELEGUE AMERICAIN - Je suis le délégué américain aux Nations Unies. Je le déclare, la violence est telle entre les Juifs et les Arabes que nous avons jugé préférable de demander qu'on établisse pour dix ans un protectorat sur la Palestine: le temps qu'ils s'habituent à vivre ensemble!
TRUMAN - Dix ans de ¨Protectorat…! Ce n'est pas ce que je voulais! Moi, Harry Truman, président des États-Unis, j'avais confidentiellement promis aux Juifs de soutenir le projet de partition de la Palestine et de leur permettre ainsi de fonder un Etat juif. Mais pendant ce temps, mon délégué aux Nations Unies demandait de geler pendant dix ans la situation sur le terrain… Je suis persuadé que Juifs et Arabes ne s'habitueront jamais à vivre ensemble, mais je ne peux pas ne pas soutenir mon délégué.
BEN GOURION - Les États-Unis nous lâchent: dix ans de protectorat, ça n'est pas admissible! Moi, Ben Gourion, président du Conseil juif, je déclare que nous ne pouvons pas accepter de cette reculade. Tant pis pour les Nations Unies et leur résolution: nous allons: mettre le monde devant le fait accompli et déclarer nous-mêmes la naissance de l'État d'Israël…
ABDULHAH - Ah non! La présence des Juifs en terre arabe est déjà insupportable. A plus forte raison s'ils veulent créer un Etat… Attention, moi, le roi Abdulhah de Jordanie, je vous préviens, vous, les Juifs: Nations Unies ou pas, si vous faites cela, ce sera la guerre immédiate avec tous les Arabes. Séance tenante les Syriens, les Égyptiens, les Jordaniens et les Irakiens vous envahiront.
BEN GOURION - Vous pouvez toujours menacer… La guerre, de toute façon, nous l'aurions eue, je ne me fais pas d'illusion. Mais si nous devenons un véritable Etat, nous aurons au moins la liberté de lever une armée, d'importer des armes et de recevoir des immigrants. Ce que jusqu'ici les Anglais nous empêchent de faire.
TRUMAN - Je vous le fais savoir à toutes fins utiles : si vous déclarez l'État d'Israël…
ABDULHAH - (interrompant) Vous les États-Unis, vous n'allez tout de même pas soutenir les Juifs! Faites attention, souvenez-vous que nous possédons la moitié des réserves de pétrole du monde!
TRUMAN - Nous ne l'oublions pas. Mais cela n'empêchera pas les Etats-Unis de reconnaître immédiatement l'État juif. Nous sommes remplis de sollicitude pour les Juifs. Les Juifs du monde entier, qui ont été si cruellement persécutés, ont le droit d'avoir un Etat à eux. Ne le pensez-vous pas?
ABDULHAH - Non, nous ne le pensons pas. Pourquoi les Arabes, qui n'ont pas persécuté les Juifs, eux! devraient-ils faire les frais de l'opération et céder aux Juifs une partie de leur territoire? Nous n'y consentirons jamais. Vous autres, Américains, vous n'y pourrez rien: dans la semaine qui suivra nous, les Arabes, nous aurons repoussé jusqu'à la mer tous les Juifs qui se sont incrustés en Palestine. Bon débarras!
BEN GOURION - C'est bien ce que j'attendais! Mais vous autres Arabes, vous ne savez pas encore ce que c'est que le peuple juif. On ne se débarrasse pas si facilement du peuple juif. Nous nous battrons férocement et vous ne nous rejetterez pas à la mer. C'est vous qui reculerez… De toute façon, vous êtes tellement divisés entre vous que vous ne pourrez rien contre nous…
ABDULHAH - Ne nous défiez pas!
BEN GOURION - C'est au contraire ce que nous allons faire en procédant maintenant au vote de notre conseil, le Conseil de l'Agence juive … Nous sommes onze… Voilà, c'est fait, aujourd'hui, 14 mai 1948, par six voix contre cinq le Conseil vient de donner naissance à l'État d'Israël. Nous en jetons la proclamation à la face des Nations.


RAPPEL HISTORIQUE

En 1897 l'Autrichien Théodore Herzl, témoin de la montée de l'antisémitisme dans les nations d'Europe (il avait en particulier assisté en tant que journaliste à certains épisodes de l'affaire Dreyfus en France) proposa de créer un Etat juif où les Juifs qui le désireraient pourraient se réfugier. A la suite de quoi furent timidement fondées quelques implantations juives en Palestine, terre arabe.
Pendant la première guerre mondiale, en 1917, les troupes anglaises ayant défait l'armée turque et occupé la Palestine, le ministre des affaires étrangères anglais, Lord Balfour, fit savoir aux juifs du monde entier qu'ils pouvaient vraiment se réfugier en Palestine où fut fondé un Foyer national juif.
En 1933, l'arrivée d'Hitler au pouvoir en Allemagne accéléra le mouvement d'immigration juive et les Arabes de Palestine manifestèrent violemment leur inquiétude de les voir arriver si nombreux. Pour sauvegarder ses liens d'amitié avec les Arabes (qui ont tant de pétrole à leur disposition!) l'Angleterre, qui en 1923 avait reçu des Nations unies un mandat de protectorat, bloqua progressivement l'immigration juive en Palestine, à partir de 1940. En 1947, cent mille soldats anglais occupaient le pays et s'efforçaient d'une part d'empêcher de nouveaux Juifs d'entrer en Palestine, d'autre part de maintenir l'équilibre entre les six cent mille Juifs déjà arrivés et les Arabes, qui étaient au nombre d'un million deux cent mille…
C'est de cette époque que se produisit le fameux épisode de l'Exodus, un vieux bateau chargé de cinq mille immigrants que les Anglais refoulèrent… Un film célèbre en a été tiré.
Cependant, à la suite de la Shoah et des persécutions subie par les Juifs, les nations du monde se sentaient mauvaise conscience et l'opinion commune était qu'il fallait vraiment d'une façon urgente donner aux les Juifs la possibilité de fonder un Etat à eux en Palestine… Ceci d'autant plus que la Palestine avait été autrefois, depuis Moïse jusqu'à l'Empire romain, une terre juive et que, de plus, les Juifs la considéraient comme une patrie donnée à eux par Yahvé, la Terre promise! La cause juive fut plaidée aux Nations Unies par Chaïm Weizmann et l'on donna aux Juifs une bonne moitié de la Palestine.
Le drame naquit du fait que deux mille ans d'occupation permettaient aussi aux Arabes de revendiquer sur la Palestine un droit indiscutable. Bref, ce fut la guerre, comme David Ben Gourion le craignait. Plusieurs guerres même: la guerre d'indépendance d'abord, lorsque les Anglais rendirent leur mandat (en 1948-49). Puis la campagne du Sinaï (en 1956), la guerre de Six Jours (en juin 1967) suivie de la guerre d’usure sur le canal de Suez (de septembre 1968 à août 1970), puis la guerre du Kippour (en octobre 1973) et les opérations au Liban (opération paix pour la Galilée») à partir de juin 1982. Il y en aura probablement d'autres...
En 1987 commença une nouvelle forme de guerre, qui dure encore aujourd'hui, en 2005, l'Intifada, ou lutte terroriste entre deux peuples refusant de vivre en paix sur le même territoire… A tel point que ce minuscule point de friction entre deux civilisations fait aujourd'hui courir un grand péril à la paix du monde Si les Nations Unies avaient pu le prévoir, elles auraient peut-être choisi une autre solution.