Déposé à la SACD
STALINGRAD
(en fin de texte, une version abrégée)
Michel Fustier
(site http://theatre.enfant.free.fr )
PERSONNAGES
L'historien de service, le général Paulus, Hitler,
un soldat russe, deux aviateurs allemands, deux soldats allemands,
le soldat allemand, Johnson, James.
1
L'HISTORIEN DE SERVICE - La deuxième Guerre mondiale, qui fit, toutes
pertes confondues, de quarante à cinquante millions de morts et un nombre
incalculable de blessés – n'oublions pas les blessés, ils
sont dans un sens plus misérables que les morts – ...cette seconde
Guerre mondiale donc, qui commença par l'invasion de l'Autriche en 1938
et finit par la chute de Berlin en 1945, fut marquée pendant les trois
premières années par un stupéfiant mouvement de conquête
des troupes allemandes...
JOHNSON - On a beau dire, moi, Américain, j'ai une sacrée admiration
pour les généraux allemands!
JAMES – Les généraux allemands! Tu pourrais garder ça
pour toi! Admiration... Pourquoi ça?
JOHNSON - En deux ans, ils ont occupé toute l'Europe... Tu te rends compte?
Ou presque toute... Je ne crois pas qu'on n'ait jamais vu dans l'histoire un
pareil exploit! L’Autriche, la Tchécoslovaquie, la Pologne, la
Norvège, la Finlande, le Danemark, la Hollande, la Belgique, la France,
la Roumanie, la Bulgarie, la Grèce, l'Albanie, l'Italie...
JAMES - L'Italie... par procuration! Il y avait Mussolini...
JOHNSON - Oui, mais ils ne seront pas longs a s'en rendre maître! Et le
Luxembourg, je l'avais oublié...
JAMES - Oui, quand on met tout ça bout à bout... Oui c'est impressionnant.
Grande armée, grands généraux! Ce qui n'empêche pas
qu'ils se sont cassé les dents en Russie...
JOHNSON - D'accord, ils ont reculé devant Moscou. Mais c'était
l'hiver! C'est arrivé à d'autres....
JAMES - Dans un an ce sera encore l'hiver... et d'hivers en hivers... De toute
façon, plus ils occupent de territoires, plus ils sont fragiles.
JOHNSON - Au contraire! Qu'est-ce que tu racontes là?
JAMES - Qu'est-ce que je raconte...? Ecoute! Les frontières de l'Europe
allemande ont maintenant, je ne sais pas exactement, peut-être huit ou
dix mille kilomètres... Et il leur faut les défendre toutes...
Tu les vois courant de Rotterdam à la Mer noire, de la Norvège
à l'Italie? Et s'efforçant de mettre partout des troupes parce
qu'ils ne savent pas si le débarquement que les Américains préparent
aura lieu en Roumanie, ou à Naples, ou à Bordeaux, ou en Norvège,
ou à Calais...
JOHNSON - Tu oublies la Normandie!
JAMES - C'est vrai, j'oublie la Normandie! C'est bien possible... oui, la Normandie.
JOHNSON - En tout cas, ne rêve pas, ça ne sert à rien que
de refuser de voir. Ils sont partout! Et maintenant, ils vont entrer dans Stalingrad,
sur la Volga, qui est le plus important nœud de communication russe. Et
ils vont anéantir l'Union Soviétique.
JAMES - Ils n'y sont pas encore...
JOHNSON - Combien tu paries? Ce sera le tournant de la guerre.
2
L'HISTORIEN DE SERVICE - En effet, Johnson avait raison, la bataille de Stalingrad
allait être le tournant de la guerre... Mais pas de la façon dont
Johnson le pensait... A la fin de l'année 1942, alors que les troupes
allemandes tournoient dans l'immense Russie, le chancelier Hitler, en pleine
bataille, appelle le général Paulus...
HITLER - Général Paulus, m'entendez-vous...? Je vous téléphone
de mon poste de commandement en Prusse orientale...? Vous savez bien, la Tanière
du loup!
LE GENERAL PAULUS - Mon Führer, je vous entends... La tanière du
loup... Oui, je vous entends.
HITLER - Alors si vous m'entendez, écoutez ce que je vais vous dire...
Je vous fais maintenant l'honneur de vous donner la mission de prendre possession
de Stalingrad.
LE GENERAL PAULUS - Mais, mon Führer, je suis sur la route de Bakou où
vous m'avez déjà fait l'honneur de me demander d'aller chercher
du pétrole... Ça fait beaucoup d'honneurs! Mais je croyais que
Bakou, le pétrole, ça pressait!
HITLER - L'ai-je vraiment dit? En tout cas, ce qui presse encore plus aujourd'hui
c'est de faire demi-tour et d'occuper Stalingrad. Nous prendrons ensuite les
Russes en tenailles. Tout cela fait partie d'un vaste plan que j'ai préparé.
Après quoi, nous rejoindrons la Mer noire, l'Iran et l'Inde. et nous
ferons notre jonction à travers la Sibérie avec les Japonais...
Ce sera bientôt la fin. Nous serons les maîtres du monde.
LE GENERAL PAULUS - Vous voyez loin, mon Führer.
HITLER - Naturellement, général Paulus! Je ne serais pas qui je
suis si je ne voyais pas loin. Je m'y exerce tous les jours.
LE GENERAL PAULUS - Bien! Pendant que vous regardiez vers l'Orient... ça
y est, je me suis dépêché de suivre vos ordres et aujourd'hui
je suis en train d'assiéger Stalingrad. Rude bataille, maison par maison...
Mais pour mieux comprendre ce qui se passe, écoutez ce que dit le Russe...
Il parle à Staline...
LE SOLDAT RUSSE - Je ne sais pas, ô mon Petit Père des Peuples, si tu sais ce que c'est que de défendre contre les Allemands une ville comme Stalingrad.... De toute façon, pour commencer et comme de bien entendu, leur artillerie et leur aviation ont déjà tout mis par terre. Et c'est maintenant dans les ruines des maisons, des usines, des monuments publics qu'il nous faut nous cacher et combattre. Et ils sont tellement nombreux! Il faudrait être partout à la fois! Nos chars ne nous servent plus à rien! D'ailleurs nous n'en avons presque plus. Et il est impossible de se montrer en plein jour. Si nous sortons, les snipers derrière des pans de mur branlants font tranquillement leurs cartons. Nous nous battons dans les caves et d'une cave à l'autre, pour circuler, nous avons creusé des galeries... Il y en a des kilomètres et des kilomètres... Et sans qu'ils s'y attendent, nous leur sortons entre les doigts de pied. Mais en vain! On se bat de tous les côtés. On prend dix mètres un jour, le lendemain on en perd soixante et le surlendemain reprend quarante... Et progressivement, nous reculons lentement... Nous sommes encore là, à trois ou quatre qui nous terrons dans un abri avancé, sous le feu direct de l'ennemi, trois ou quatre soldats perdus qui tiennent trois semaines sans une nouvelle du poste de commandement. Petites troupes de combattants affamés. La soupe arrive ou n'arrive pas. Nous avons mangé presque tous les rats... J'oserais même dire que ce qui nous manque le plus, ce sont les rats. Si on avait assez de rats, on tendrait indéfiniment... Et l'aviation qui survole le tout en lâchant ses bombes au petit bonheur la chance...
LE GENERAL PAULUS - C'était un témoignage! Ça ne vous
impressionne pas? ...Je suis donc à Stalingrad, la bataille a été
très dure mais maintenant elle est finie et je viens d'y installer mon
poste de commandement.
HITLER - Félicitations. Adoptez la stratégie du hérisson
et accrochez-vous! Vous avez 250 000 hommes sous vos ordres...
LE GENERAL PAULUS – Hélas, j'en ai déjà perdu pas
mal et ceux qui restent meurent de faim. Nous sommes très mal approvisionnés.
L'hiver va commencer et il fait déjà moins trente. Et les Russes
d'au-delà de la Volga nous menacent d'encerclement.
HITLER - Le soldat allemand est fait pour résister au froid. Il se réchauffe
au combat.
LE GENERAL PAULUS - Nous avons déjà bien du mal à recevoir
l'essence et les munitions dont nous avons besoin. Envoyez-moi quand même
aussi des bottes fourrées et des gants...
HITLER - Ça glisse, les routes?
LE GENERAL PAULUS - Furieusement.
HITLER - Général Paulus, c'est uniquement une question de volonté.
La puissance de la volonté fait dégeler les routes, ou si vous
voulez, empêche la glace de glisser. Concentrez-vous sur le but à
atteindre...
LE GENERAL PAULUS - Et en plus, notre couloir d'approvisionnement se rétrécit
de jours en jours.
HITLER - C'est l'illusion d'un homme sur le terrain... Moi, qui vois les choses
d'en haut... Tout va bien.
3
L'HISTORIEN DE SERVICE - Hitler voyait les choses d'en haut. Ou plus exactement,
il ne voulait pas les voir de trop près... Le monde était dans
l'expectative... Nos deux Américains s'interrogeaient...
JAMES - Tu es toujours aussi sûr que les Allemands tiendront Stalingrad?
JOHNSON - Naturellement!
JAMES - Avec ce nouvel hiver qui arrive...?
JOHNSON - Tu n'as pas entendu ce qu'a dit le Führer?
JAMES - La force de la volonté... qui fait fondre la glace! Si, j'ai
entendu. Mais les Russes, qui sont dans la neige et le froid comme des poissons
dans l'eau, les Russes, donc, ont amassé autour de Stalingrad plus de
1 500 000 hommes. Et maintenant il fait moins quarante... Et s'il reste 100
000 ou 110 000 soldats à Paulus, c'est bien tout.
JOHNSON - Nous allons bien voir. De toute façon, Stalingrad est "la
ville de Staline". Occuper Stalingrad est une question de principe et de
prestige. Hitler ne peut céder.
JAMES - Oui, mais j'entends que les Russes sont en train d'amorcer un mouvement
d'encerclement de Stalingrad par le Nord et pas le Sud. Ils vont couper les
communications et Stalingrad ne pourra plus être ravitaillée...
4
L'HISTORIEN DE SERVICE - Les voies terrestres d'approvisionnement terrestres
sont donc coupées... Mais il faut faire bonne figure et surtout ne pas
admettre que le Führer a pu faire une erreur de stratégie... Deux
aviateurs allemands échangent leurs impressions...
PREMIER AVIATEUR - Heil Hitler! Et alors, si je comprends bien, il va falloir
aller ravitailler Stalingrad avec nos avions.
SECOND AVIATEUR – Heil Hitler! Ravitailler Stalingrad?
PREMIER AVIATEUR – Oui! Les Russes ont encerclé la ville... on
ne passe plus. Ils nous ont débordés par le sud et par le nord.
Ils ont fait leur jonction à Kalatch.
SECOND AVIATEUR - Ravitailler par les airs une armée de 250 000 hommes...!
PREMIER AVIATEUR – Rassure-toi, il y a longtemps qu'ils ne sont plus 250
000.
SECOND AVIATEUR – Heureusement, toujours ça de moins! Tu me rassures.
PREMIER AVIATEUR – C'est notre illustre et imposant maréchal Goering
qui a persuadé le Führer que nous ferions ça les doigts dans
le nez. Une armée moderne ne peut pas être encerclée...
Tu parles!
SECOND AVIATEUR – Mais ravitailler... tu veux dire... tout? Les vivres,
les munitions, les vêtements, les médicaments, les armes... et
l'essence pour faire marcher tout ça?
PREMIER AVIATEUR - Et au retour, ramener les blessés. Mais pas les morts,
il parait qu'ils en font leur affaire. Et aussi rapatrier tous les pieds gelés.
Peut-être pourront-ils resservir... Ils sont partis là-bas et on
avait oublié de leur donner des chaussettes de laine.
SECOND AVIATEUR - Je vois. Ils envient les bottes de feutre des Russes!
PREMIER AVIATEUR - Le général Paulus, qui commande la place, a
demandé 750 tonnes d'approvisionnement par jour...
SECOND AVIATEUR - Chaussettes comprises...?
PREMIER AVIATEUR - Chaussettes comprises... Du moins il me semble! Et effectivement,
il y a encore deux petits aéroports pour nous recevoir, nous et nos chaussettes.
Mais c'est déjà couvert de neige, et il tombe d'épais flocons
qui vous aveuglent même en plein jour. Et les chasseurs russes sont à
l'affut, imparables... Mais que craignons-nous, le Führer veille sur nous?
SECOND AVIATEUR - Tu ne m'as pas dit, avec tout ça, combien de fois dans
le brouillard, on manquerait la piste... Et avec ce que nous avons comme appareils...
Des Junker et des Messerschmitt fatigués... 750 tonnes, c'est de la folie.
PREMIER AVIATEUR - Je suis de ton avis. Goering ne sait pas ce qu'il dit, il
fait l'important. Si on arrive à 250, 300 tonnes, ça sera déjà
bien beau.
SECOND AVIATEUR - Bien beau, en effet. Mais l'homme, et le soldat allemand encore
plus, est un être qui doit être surmonté!
PREMIER AVIATEUR - Le soldat allemand, peut-être.... Mais pas nos misérables
appareils. Enfin comme dit le Führer, nous aurons fait tout notre impossible.
5
L'HISTORIEN DE SERVICE - Cependant qu'à Stalingrad conquise, L'armée
du général Paulus victorieuse mais prise au piège, s'inquiète...
Bien sûr, on a encore foi en les dons stratégiques d'Hitler, mais
il semble qu'il y a des jours où ce qui le domine, c'est plus la passion
que la raison...
PREMIER SOLDAT - Tu as entendu la nouvelle?
SECOND SOLDAT - Non, laquelle? J'ai trop faim et trop froid pour m'intéresser
beaucoup aux nouvelles...
PREMIER SOLDAT - Maintenant que nous l'avons pris, le Führer exige que
nous défendions Stalingrad...
SECOND SOLDAT - Ah! Il aurait été beaucoup plus raisonnable de
ne pas le prendre, de nous replier et de reformer à l'arrière
un front raccourci. Il est encore temps! Le blocus peut être forcé!
PREMIER SOLDAT - Mais Paulus n'a pas le courage de désobéir au
Führer... Discipline, discipline. On reste enfermés.
SECOND SOLDAT - Je sais, le Führerprinzip! C'est ça la nouvelle...?
PREMIER SOLDAT - Non. Ça, on le savait déjà. Mais la vraie
nouvelle c'est que le Führer, dans sa grande bonté, nous envoie
une colonne de secours. Von Manstein! Le maréchal von Manstein... Nous
sommes en novembre et il va partir...
SECOND SOLDAT - Von Manstein, le Manœuvrier suprême, le Dieu des
batailles...! Alors, on est peut-être sauvés! Son nom seul fait
souffler la tempête...
PREMIER SOLDAT - Justement, son offensive s'appelle "Tempête d'hiver"!
SECOND SOLDAT - Ça donne envie d'en goûter...
PREMIER SOLDAT - Quant à savoir si nous sommes sauvés, pas encore.
Manstein est à plus de 90 kilomètres mais on dit qu'il n'a pas
tellement d'essence...
SECOND SOLDAT - C'est une plaisanterie, ou quoi?
PREMIER SOLDAT - Le soldat allemand ne plaisante pas. Non, c'est un bruit qui
court. Et les Russes, qui ont compris la manœuvre font un solide barrage.
Ils se précipitent en masse pour l'empêcher d'arriver.
SECOND SOLDAT - Mais si le Dieu Manstein... mais un dieu sans pétrole
est-il encore un dieu? si le Dieu Manstein n'a pas assez s'essence pour venir
jusqu'à nous, nous en aurions peut-être assez, nous, pour aller
jusqu'à lui. En bons surhommes que nous sommes! Et que nous serons toujours,
je le jure!
PREMIER SOLDAT - L'idée est bonne. Mais nous, nous avons tout juste assez
d'essence pour faire 20 ou 25 kilomètres! Et de toute façon, le
Führer nous interdit de quitter Stalingrad.
SECOND SOLDAT - Je ne comprends pas! Répète...
PREMIER SOLDAT - Ou plus exactement, il nous permet d'aller à la rencontre
de Manstein, mais sans quitter Stalingrad.
SECOND SOLDAT - Je comprends encore moins!
PREMIER SOLDAT - Se battre là tout en étant ailleurs! Mais c'est
prodigieux... Le Führer est un penseur prodigieux! L'être est et
n'est pas. Il a lu Parménide. Cinquième siècle avant Jésus-Christ.
SECOND SOLDAT - Ici, nous sommes en décembre 1942... après Jésus-Christ,
je te le rappelle, et il fait de plus en plus froid. Manstein est parti le 23
novembre... Mais ne t'inquiète pas, Parménide avait tort. Le 24
décembre 1942. Manstein renonce... Les Russes lui barrent la route.
PREMIER SOLDAT – C'était à prévoir! En tout cas,
Parménide ou pas Parménide, pour quand même fêter
le 25 décembre, ils nous ont parachuté des cadeaux... de petits
arbres de Noël avec de petites bougies. C'est touchant. Les surhommes sont
sensibles aux petites attentions. Nous chanterons: "Ô mon beau sapin..."
6
L'HISTORIEN DE SERVICE - Effectivement, la situation est désespérée...
non, devant les troupes nous dirons: difficile. Paulus a installé son
état-major dans les ruines d'un grand magasin...
PAULUS - Mon Führer, mon Führer, nous avons des problèmes...
Vous avez entendu tout à l'heure ce que disait le soldat russe. Ecoutez
maintenant je vous ce que dit le soldat allemand...
LE SOLDAT ALLEMAND – Heil Hitler! Du fond de mon cœur, je demande l'autorisation de me replier. Stalingrad est devenu impossible à défendre... Faire fondre la glace... à moins quarante, nous n'y arrivons pas. C'est à peine si l'aviation réussit à nous apporter une centaine de tonnes d'approvisionnement par jour. Je dirais plutôt 80. Peut-être 60, je ne sais plus bien. Nous en avions demandé 750! Nous avons été saignés à blanc, nous sommes complètement épuisés, Nous n'avons même plus envie de nous battre. Quand à nos blessés, nous ne pouvons pas les évacuer. Ils meurent dans le froid et ça n'encourage pas les autres. Pouvez-vous attendre encore quelque chose de vos troupes, Si vous aviez combattu ici, à nos côtés, vous ne seriez pas différent de ce que nous sommes et vous penseriez comme nous... Et ça y est, nous avons perdu notre dernier terrain d'atterrissage et maintenant les avions ne peuvent atterrir nulle part.... Nous n'avons plus que pour trois jours de vivres et deux jours de munitions... Comme le faisaient les Russes il y a trois mois de ça, nous nous battons dans une ville en ruines, nous passons de cave en en caves, cachés derrière les murailles écroulées, les snipers russes à leur tour nous guettent à chaque coin de rue, nous perdons chaque jour un peu de notre territoire et de nos hommes... Nous sommes affamés et comme les Russes n'ont pas laissé dans leurs ruines le moindre rat...
LE GENERAL PAULUS – Vous avez entendu. la situation est grave. Moi-même,
je ne sais même plus combien il nous reste de soldats.
HITLER - Si vous ne savez plus compter, où allons-nous... Ecoutez-moi:
au nom du grand Führer de la grande Allemagne...
LE GENERAL PAULUS - Attendez, attendez... Laissez-moi entendre les haut-parleurs....
Les Russes, oui les Russes nous offrent de nous rendre honorablement...
HITLER - Réponse du grand Führer du Reich éternel: Non, les
troupes allemandes n'abandonnent jamais une position. Les troupes allemandes
de se rendent jamais. Elles se font tuer sur place... D'ailleurs je ne vois
pas comment vous pourriez vous échapper!
LE GENERAL PAULUS - Si au moins on avait ici assez de place pour se faire vraiment
tuer correctement... On ne sait plus mettre les morts! La terre est aussi gelée
qu'eux et nous entassons chaque jour de nouveaux cadavres gelés sur d'anciens
cadavres aussi gelés qu'eux... On se prend les pieds dedans!
HITLER –Ils sont morts et ils connaissent la gloire du Walhalla. Maintenant
ils pourront continuer à combattre éternellement!
LE GENERAL PAULUS – Le Walhalla! Mon Führer, mon Führer, laissez-moi
une dernière fois tenter une sortie... Naturellement, mon Führer!
Naturellement, mon Führer! C'est vous le chef.
HITLER – Je suis heureux de vous l'entendre dire!
LE GENERAL PAULUS - Vous êtes toujours le chef, mais c'est la fin... Vous
êtes le chef, mais vous ne pouvez par ordonner que ce ne soit pas la fin!
HITLER - Ce que je peux faire en tout cas faire pour vous, général
Paulus... ça vous encouragera et ça ne me coûte rien...
je vous nomme Maréchal de camp. Hein, maréchal de Camp, Feldmarchal,
comme nous disons, ça vous dit? C'est un grand honneur...
LE GENERAL PAULUS – Je n'ai pas besoin d'honneur. J'ai besoin de tout,
sauf d'honneur...
HITLER - Un bien grand honneur pour avoir commandé une armée allemande
qui vient pour la première fois de se faire encercler. Depuis le début
de la guerre, les Russes se sont fait encercler trois fois et nous en avons
fait plus de deux millions de prisonniers. Je n'aurais jamais pensé que...
LE GENERAL PAULUS - A notre exemple ils ont appris... Mais en ce qui me concerne,
ne vous faites pas trop de souci, je n'en ai même plus 100 000... Ça
ne compte pas. Qu'est-ce que 100 000 hommes affamés au cœur de cette
guerre!
HITLER – Oui, mais le kilo de soldat allemand pèse beaucoup plus
lourd que le kilo de soldat russe.
LE GENERAL PAULUS - Vous avez raison. Le Soldat allemand, j'oubliais... J'étais
sur le point de ne pas me souvenir. Le soldat allemand... Mais oui, bien sûr!
Ils n'ont pas faim, ils n'ont pas froid, ils ont beaucoup d'armes et de munitions,
ils reçoivent des renforts, ils bénéficient de l'incomparable
organisation allemande et quant à la stratégie... Heil Hitler!
HITLER - Vous l'avez fort bien dit. Aussi vous êtes personnellement impardonnable
et comme je n'entends pas qu'un maréchal allemand puisse avoir été
fait prisonnier, vous aurez soin de vous suicider avant que les Russes ne s'emparent
de votre personne.
7
L'HISTORIEN DE SERVICE – Cependant, en Amérique, on écoute
passionnément les nouvelles à la radio... C'est presque comme
s'ils avaient la télévision!
JAMES - Alors, ils se sont rendus?
JOHNSON - Ils ne se sont pas rendus, car les Allemands ne se rendent pas...
Ils ont simplement cessé le combat. Et les Russes s'en sont allés
par toute la ville, d'abri en abri, de cave en cave, d'égout en égout,
pour les extraire à la petite cuillère les uns après les
autres... Un grand silence soudain, avec ici ou là le coup de feu sourd
de quelque Allemand qui se tire une balle dans la tête.
JAMES - J'imagine l'état dans lequel ils doivent être... Nus, affamés,
gelés, blessés, malades... serrant encore contre eux leur fusil
inutile, l'ayant peut-être déjà brisé... Les Russes,
à grand-peine, les ont comptés: 91 000 soldats et 24 généraux,
les restes de la glorieuse sixième armée du Reich.
JOHNSON - Ils sont partis en une longue colonne dépenaillée, avec
des chiffons enroulés autour de leurs pieds gelés, trainant avec
eux leurs blessés déjà à moitié morts. Ils
vont probablement aller se perdre dans quelque désert sibérien.
Ils n'existent plus. Ni pour la Russie qui vient de les effacer de la carte,
ni pour l'Allemagne qui voudrait qu'ils n'aient jamais fait partie de son armée.
JAMES - Tu as tort, les Allemands ne peuvent pas les oublier. Ils en sont même
obsédés, ayant peur de se reconnaître tous un jour en ces
combattants perdus... Les défenseurs de Stalingrad sont au cœur
des chacun des soldats de cette armée allemande qui se voit déjà
dépouillée de ses belles bottes et de ses hautes casquettes. Syllogisme:
un Allemand peut être défait, or nous sommes tous des Allemands;
donc nous pouvons tous.... inutile d'aller plus loin!
JOHNSON - Parce que, pour toi, c'est fini...?
JAMES - Oui.
JOHNSON - Le général Paulus ne s'est pas suicidé?
JAMES - Non. Quand les Russes sont arrivés, il était là,
hagard, assis sur son lit de camp... Que voulait-il? Il voulait de la soupe
chaude et un lit propre. C'est encore bien pire que de le voir mort, porté
comme Hamlet, par quatre officiers. Ils l'ont emmené, on ne sait où...
Et l'armée russe a repris son offensive, d'autant plus vigoureuse que
les troupes qui assiégeaient Stalingrad se sont trouvées disponibles
pour d'autres batailles...
JOHNSON - Cependant que nous, les Américains, très reconnaissants
de que les Russes nous aient si bien préparé le terrain, nous
sommes sur le point de débarquer en Europe.... Et vraisemblablement nous
serons victorieux. Mais ça ne m'empêche pas d'avoir toujours une
certaine admiration pour les généraux allemands... Les grands
généraux allemands! D'ailleurs, tout le monde le reconnait, même
s'ils ne savent pas exactement où ils vont, et même s'ils y vont
avec la plus parfaite innocence et la plus grande naïveté, les Allemands,
diaboliquement intelligents et divinement efficaces, sont capables, quand il
le faut, de déclencher les plus admirables catastrophes.
STALINGRAD
(Version abrégée)
Michel Fustier
(site http://theatre.enfant.free.fr )
PERSONNAGES
L'historien de service, le général Paulus, Hitler,
deux aviateurs allemands, deux soldats allemands,
deux Américains: Johnson et James
1
L'HISTORIEN DE SERVICE - La deuxième Guerre mondiale, qui fit, toutes
pertes confondues, de quarante à cinquante millions de morts et un nombre
incalculable de blessés, fut marquée pendant les trois premières
années par un stupéfiant mouvement de conquête des troupes
allemandes... Mais la bataille de Stalingrad allait être le tournant de
la guerre. A la fin de l'année 1942, alors que ses troupes allemandes
tournoient dans l'immense Russie, le chancelier Hitler, en pleine bataille,
appelle le général Paulus...
HITLER - Général Paulus, m'entendez-vous...? Je vous téléphone
de mon poste de commandement en Prusse orientale...? Vous savez bien, la Tanière
du loup!
LE GENERAL PAULUS - Mon Führer, je vous entends... Oui, la tanière
du loup... Oui, je vous entends.
HITLER - Alors si vous m'entendez, écoutez... Je vous fais maintenant
l'honneur de vous donner la mission de prendre possession de Stalingrad.
LE GENERAL PAULUS - Mais, mon Führer. Je suis sur la route de Bakou où
vous m'avez déjà fait l'honneur de me demander d'aller chercher
du pétrole... Je croyais que Bakou, le pétrole, ça pressait!
HITLER - L'ai-je dit? En tout cas, ce qui presse encore plus c'est de faire
demi-tour et d'attaquer Stalingrad. Nous prendrons ensuite les Russes en tenailles.
Tout cela fait partie d'un grand plan que j'ai mis en place. Nous rejoindrons
ensuite la Mer noire, l'Iran et l'Inde. et nous ferons notre jonction à
travers la Sibérie avec les Japonais... Ce sera bientôt la fin.
Nous serons les maîtres du monde.
LE GENERAL PAULUS - Vous voyez loin, mon Führer.
HITLER - Naturellement, général Paulus! Je ne serais pas qui je
suis si je ne voyais pas loin.
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L'HISTORIEN DES SERVICE – Le général Paulus, très
obéissant, ne se l'est pas fait dire deux fois... Demi-tour vers Stalingrad...
LE GENERAL PAULUS - Bien! Pendant que vous regardiez vers l'Orient... ça
y est, je me suis dépêché de suivre vos ordres et aujourd'hui
je suis en train de prendre Stalingrad. Rude bataille, maison par maison...!
Je suis donc à Stalingrad et je viens d'y installer mon poste de commandement.
HITLER - Félicitations. Restez-y... Adoptez la stratégie du hérisson!
Vous avez 250 000 hommes sous vos ordres...
LE GENERAL PAULUS - J'en ai déjà perdu pas mal! Ceux qui restent
meurent de faim. L'hiver va commencer et il fait déjà moins trente.
Et les Russes nous menacent d'encerclement.
HITLER - Le soldat allemand est fait pour résister au froid. Il se réchauffe
au combat.
LE GENERAL PAULUS - Envoyez moi quand même des bottes et des gants...
Nous avons déjà bien du mal à recevoir l'essence et les
munitions dont nous avons besoin.
HITLER - Ça glisse, les routes?
LE GENERAL PAULUS - Furieusement.
HITLER - Général Paulus, c'est uniquement une question de volonté.
La puissance de la volonté fait dégeler les routes, ou si vous
voulez, empêche la glace de glisser. Concentrez-vous sur le but à
atteindre.
LE GENERAL PAULUS - Et en plus, notre couloir d'approvisionnement de rétrécit
de jour en jour.
HITLER - C'est l'illusion d'un homme sur le terrain... Moi, qui vois les choses
d'en haut...
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L'HISTORIEN DE SERVICE – Stalingrad est maintenant encerclée et
les voies terrestres d'approvisionnement sont coupées... Mais Il faut
faire bonne figure et surtout ne pas admettre que l'on a pu faire une erreur
de stratégie... Deux aviateurs allemands échangent leurs impressions...
PREMIER AVIATEUR - Heil Hitler! Et alors, si je comprends bien, il va falloir
aller ravitailler Stalingrad avec nos avions.
SECOND AVIATEUR – Heil Hitler! Qu'est-ce que tu racontes...?
PREMIER AVIATEUR - Les Russes ont encerclé la ville... on ne passe plus.
Ils nous ont débordés par le sud et par le nord. Ils ont fait
leur jonction à Kalatch.
SECOND AVIATEUR - Ravitailler par les airs une armée de 250 000 hommes...!
PREMIER AVIATEUR - Rassure-toi, il y a longtemps qu'ils ne sont plus 250 000.
SECOND AVIATEUR – Ah bon! Toujours ça de moins!
PREMIER AVIATEUR – C'est notre illustre maréchal Goering qui a
persuadé le Führer que nous ferions ça les doigts dans le
nez. Une armée moderne ne peut pas être encerclée... Tu
parles!
SECOND AVIATEUR - Mais tu veux dire... tout? Les vivres, les munitions, les
vêtements, les médicaments, les armes... et l'essence pour faire
marcher tout ça?
PREMIER AVIATEUR - Et au retour, ramener les blessés. Et aussi tous les
pieds gelés. Suppose qu'ils puissent resservir... Ils sont partis là-bas,
on avait oublié de leur donner des chaussettes de laine. Mais c'est couvert
de neige, et il commence à tomber d'épais flocons qui vous aveuglent
même en plein jour. Et les avions russes sont à l'affut... Mais
que craignons-nous, le Führer veille sur nous?
SECOND AVIATEUR - En effet. Et l'homme, et le soldat allemand encore plus, est
un être qui doit être surmonté!
PREMIER AVIATEUR - Le soldat allemand, peut-être.... Mais pas nos misérables
appareils. Enfin comme dit le patron, nous aurons fait tout notre impossible.
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L'HISTORIEN DE SERVICE - Cependant qu'à Stalingrad conquise, la troupe
victorieuse mais prise au piège, s'inquiète... Bien sûr,
on a encore foi dans le Führer, mais il semble qu'il y a des jours où
c'est plus la passion qui le domine que la raison...
PREMIER SOLDAT - Maintenant que nous l'avons pris, le Führer exige que
nous défendions Stalingrad... Et il y a 1 500 000 Russes qui nous encerclent!
SECOND SOLDAT - Ah! Il aurait été beaucoup plus raisonnable de
ne pas le prendre, de nous replier et de reformer à l'arrière
un front raccourci. Il est encore temps! Le blocus peut être forcé!
PREMIER SOLDAT - Mais notre général Paulus n'a pas le courage
de désobéir au Führer... Discipline, discipline. On reste
enfermés. Cependant le Führer, dans sa grande bonté, nous
envoie une colonne de secours. Von Manstein! Le maréchal von Manstein...
Il va partir bientôt...
SECOND SOLDAT - Von Manstein, le Manœuvrier suprême, le Dieu des
batailles...! Alors, on est peut-être sauvés! Son nom seul fait
souffler la tempête...
PREMIER SOLDAT - Quant à savoir si nous sommes sauvés, pas encore.
Manstein est à plus de 90 kilomètres mais on dit qu'il manque
d'essence lui-aussi...
SECOND SOLDAT - Mais si Manstein... un dieu sans pétrole est-il encore
un dieu? Si Manstein n'a pas assez s'essence pour venir jusqu'à nous,
nous en aurions peut-être assez, nous, pour aller jusqu'à lui.
En bons surhommes que nous sommes! Et que nous serons toujours, je le jure!
PREMIER SOLDAT - L'idée est bonne. Mais nous, nous avons tout juste assez
d'essence pour faire 20 ou 25 kilomètres! Et de toute façon, le
Führer nous interdit de quitter Stalingrad ou plutôt, il nous permet
d'aller à la rencontre de Manstein, mais à la condition que nous
ne quittions pas Stalingrad.
SECOND SOLDAT - Je ne comprends pas!
PREMIER SOLDAT - Se battre là tout en étant ailleurs! Mais c'est
prodigieux... Le Führer est un penseur prodigieux! L'être est et
n'est pas. Il a lu Parménide. Cinquième siècle avant Jésus-Christ.
SECOND SOLDAT - Ici, nous sommes en décembre 1942... après Jésus-Christ,
je te le rappelle, et il fait de plus en plus froid. Manstein est parti le 23
novembre... Mais ne t'inquiète pas, Parménide avait tort. Le 24
décembre 1942. Manstein renonce... Les Russes lui barrent la route.
PREMIER SOLDAT – C'était à prévoir! En tout cas,
Parménide ou pas Parménide, pour quand même fêter
le 25 décembre, ils nous ont parachuté des cadeaux... de petits
arbres de Noël avec de petites bougies. C'est touchant. Les surhommes sont
sensibles aux petites attentions. Nous chanterons: "Ô mon beau sapin..."
5
L'HISTORIEN DE SERVICE - Effectivement, la situation est désespérée...
non, devant les troupes nous dirons: difficile. Paulus a installé son
état-major dans les ruines d'un grand magasin...
PAULUS - Mon Führer, mon Führer, Les Russes nous offrent de nous rendre
honorablement...
HITLER - Réponse du Führer: Vous n'y pensez pas, les troupes allemandes
n'abandonnent jamais une position. Les troupes allemandes de se rendent jamais.
Elles se font tuer sur place... D'ailleurs je ne vois pas comment vous pourriez
vous échapper!
PAULUS - Mon Führer, une dernière fois... Naturellement, mon Führer!
Naturellement, mon Führer! C'est vous le chef. Les Russes sont tellement
nombreux...
HITLER – Oui, mais le kilo de soldat allemand pèse beaucoup plus
lourd que le kilo de soldat russe.
LE GENERAL PAULUS - Vous avez raison: et en plus les soldats allemands n'ont
pas faim, ils n'ont pas froid, ils ont beaucoup d'armes et de munitions, ils
reçoivent des renforts, ils bénéficient de l'époustouflante
organisation allemande et ils sont parfaitement commandés...
HITLER - Vous l'avez fort bien dit. Aussi vous êtes personnellement impardonnable
et comme je n'entends pas qu'un maréchal allemand puisse avoir été
fait prisonnier, vous aurez soin de vous suicider avant que les Russes ne s'emparent
de votre personne.
6
L'HISTORIEN DE SERVICE – Cependant, en Amérique on écoute
les nouvelles à la radio... S'il y avait déjà la télévision
on serait scotché devant...
JAMES - Alors, ils se sont rendus?
JOHNSON - Ils ne se sont pas rendus, car les Allemands ne se rendent pas...
Ils ont simplement cessé le combat. Et les Russes s'en sont allés
par toute la ville, d'abri en abri, de cave en cave, d'égout en égout,
pour les extraire à la petite cuillère les uns après les
autres... Un grand silence soudain, avec ici ou là le coup de feu sourd
de quelque Allemand qui se tire une balle dans la tête.
JAMES - J'imagine l'état dans lequel ils doivent être... Nus, affamés,
gelés, blessés, malades... serrant encore contre eux leur fusil
inutile, l'ayant peut-être déjà brisé... Les Russes
les ont comptés: 91 000 soldats et 24 généraux, les restes
de la glorieuse sixième armée du Reich.
JOHNSON - Ils sont partis en une longue colonne dépenaillée, avec
des chiffons enroulés autour de leurs pieds gelés, trainant avec
eux leurs blessés, pour aller probablement se perdre dans quelque désert
sibérien.
JOHNSON - Le général Paulus ne s'est pas suicidé?
JAMES - Non. Quand les Russes sont arrivés, il était là,
hagard, assis sur son lit de camp... Ils l'ont emmené, on ne sait où...
Et l'armée russe a repris son offensive
JOHNSON - Cependant que nous, les Américains, nous sommes sur le point
de débarquer en Europe... très reconnaissant que les Russes aient
vraiment bien préparé le terrain. Et vraisemblablement nous serons
victorieux. Mais ça ne m'empêche pas d'avoir toujours une certaine
admiration pour les généraux allemands... D'ailleurs, tout le
monde le reconnait, même s'ils ne savent pas exactement où ils
vont et même s'ils y vont avec la plus parfaite innocence et la plus grandes
naïveté, les Allemands, diablement intelligents et divinement efficaces,
sont capables, quand il le faut, de déclencher les plus admirables catastrophes.