Déposé à la SACD
LE PREMIER EMPEREUR DE CHINE
***
Michel Fustier
(toutes les pièces de M.F. sur : http://theatre.enfant.free.fr )
PERSONNAGES
L’historien de service, le roi puis l'empereur de Tsin, le général
Liu,
le premier espion, le second espion,
le ministre Liang, maître Song, maître Li Si, le commandant.
1 - Stratégie
L’HISTORIEN DE SERVICE - La Chine était autrefois divisée
en sept royaumes indépendants qui passaient une partie de leur temps
à se faire la guerre les uns aux autres. Dans les années 230-210
avant J.C. (pardon pour cette chronologie européenne, qui n'a rien à
voir avec la Chine!) un de ces royaumes, le Tsin, réussit à dominer
les autres. Il démontra ainsi le succès d'une politique et d'une
morale qui sont toujours à l'œuvre dans la Chine moderne... Et voici
qu'au commencement arrive le jeune roi du Tsin. Son armée est en difficulté,
mais il sait très bien ce qu'il veut et il va redresser la situation.
LE ROI DE TSIN - (entrant) Cette campagne est compromise. General Liu, vous
êtes révoqué!
LE GENERAL LIU - Bien, Seigneur!
LE ROI DE TSIN - Retirez-vous dans votre province. Je prendrai la direction
des opérations.
LE GENERAL LIU - Ainsi, je n'offenserai plus vos yeux... (il se retire)
LE ROI DE TSIN - Commandant, où en sont les choses?
LE COMMANDANT - Elles sont avant tout immobiles et confuses.
LE ROI DE TSIN - Donc, rendons-les claires et actives... Comment se portent
nos troupes?
LE COMMANDANT - Cela fait longtemps qu'elles ne savent plus où elles
en sont. Elles murmurent. L'inaction leur pèse. Le général
Liu n'osait pas...
LE ROI DE TSIN - Je sais. Faites leur savoir que maintenant, je suis là!
Quant à nos adversaires... Que l'on fasse d'abord venir les espions.
Rien dans l'armée n'est plus important que les espions. Les espions sont
les yeux et les oreilles du prince, jamais il ne doit prendre de décision
sans les avoir entendus.
LE COMMANDANT - Les voici, Seigneur.
LE ROI DE TSIN - Ah, mon ami Li! J'apprécie tes talents. Où en
est l'armée du roi de Tchao?
LE PREMIER ESPION - Seigneur, nous l'avons examinée du haut de la montagne...
Elle s'est regroupée en une seule force et elle s'apprête à
attaquer notre armée dans la plaine de Fou.
LE ROI DE TSIN - Cela me paraît être une grosse faute. Il ne faut
jamais faire d'une armée une seule force. Et toi, mon cher Ling Ti, qui
as réussi à vivre au milieu des soldats ennemis comme l'un d'entre
eux, quel est leur état d'esprit?
LE SECOND ESPION - Ils sont très inquiets parce qu'ils savent que les
approvisionnements sont faibles, bien que leur général cherche
à le leur cacher. Et comme le temps de la moisson approche, ils voudraient
rentrer chez eux.
LE ROI DE TSIN - Ils risquent donc d'attaquer, et, poussés par la faim,
ils risquent d'attaquer rapidement!
LE SECOND ESPION - C'est probable! Cependant, l'indécision du général
ennemi est telle que…
LE ROI DE TSIN - Voyons... S'ils hésitent à attaquer, il faut
que nous, nous les y décidions... Toi, le seigneur espion, tu retourneras
parmi eux et tu les convaincras que nous sommes découragés et
prêts à nous retirer.
LE SECOND ESPION - Ce sera bien facile. Le général Liu les y avait
préparés.
LE ROI DE TSKIN - Ensuite, nous diviserons notre armée en deux. D'abord
une force principale qui fera retraite et se mettra en embuscade dans les montagnes
qui sont situées au nord de la plaine de Fou, de sorte que, paraissant
fuir, elle incite l'ennemi à l'attaquer et se trouve en posture de l'anéantir.
LE COMMANDANT - Cela sera fait.
LE ROI DE TSIN - Et après cela, une force secondaire de cavaliers qui,
sans attirer l'attention, s'écartera vers l'ouest, dans la direction
du Fleuve jaune. Capable de fuir si elle est attaquée, ou au contraire
de prendre l'armée ennemie à revers et de la couper de ses approvisionnements
si celle-ci s'engage en effet dans les montagnes à la poursuite de notre
force principale.
LE PREMIER ESPION - Cela est bien pensé...
LE ROI DE TSIN - Et si au contraire l'ennemi se dérobe, nous, nous attaquerons
ses troupes affaiblies par la faim. Commandant, veillez à ce que ce soit
fait. Suivez les opérations et tout en prenant garde de ne pas m'importuner
à chaque instant, tenez-moi au courant.
2 - Le roi doit s'instruire: dans les pas de Confucius.
L’HISTORIEN DE SERVICE - Pendant ce temps, il était arrivé
d'un pays voisin deux voyageurs, des sages inconnus. Ils demandèrent
à voir le jeune roi.
LE MINISTRE LIANG - Ils sont à la porte du palais. Ils se proposent de
vous apporter leurs conseils. Ils se nomment Maître Song et Maître
Li Si. Les ferai-je entrer?
LE ROI DE TSIN - Ils veulent conseiller le roi sur quel sujet?
LE MINISTRE LIANG - Sur la façon de gouverner les hommes... Quoiqu'il
me semble que nous sommes déjà très bien informés
et que nous n'avons pas grand-chose à apprendre là-dessus.
LE ROI DE TSIN - C'est une question difficile. Mais peut-être, quoique
vous en disiez, peuvent-ils nous apprendre quelque chose de nouveau... Nous
les écouterons volontiers. Ce serait stupide de manquer une occasion
de s'instruire.
LE MINISTRE LIANG - On me dit à l'instant qu'ils ont une grande réputation...
LE ROI DE TSIN - Faites-les entrer. Qui parlera le premier? Vous, Maître
Song...?
MAÏTRE SONG - Je remercie Votre Majesté... En ce qui concerne le
gouvernement des hommes...
LE MINISTRE LIANG - Jusqu'ici nous avons fait comme nous avons pu. Et je ne
sais pas s'il est possible de faire mieux...
LE ROI DE TSIN - Silence! Eh bien, nous allons voir!
MAÏTRE SONG - Ma doctrine repose sur le respect que les citoyens se portent
les uns aux autres. Révérence pour les ancêtres, humanité
envers autrui, dignité envers soi-même, obéissance à
l'autorité légitime dans le respect des rites. L'homme est naturellement
bon et la vertu engendre la vertu. Le gouvernement doit être assuré
par l'accord entre les Vertus du prince et l'Ordre du monde. Courtoisie et magnanimité
sont les consignes. Si tous les citoyens sont vertueux, le prince n'aura plus
qu'à regarder fonctionner harmonieusement la machine de son royaume.
Son seul souci sera de veiller à ce que ses sujets soient effectivement
bien éduqués à la vertu et que, par conséquent,
soient entretenus dans la société un grand nombre de sages capables,
à travers les règles qu'ils institueront, d'instruire les citoyens.
Que tous obéissent à la loi non écrite qu'ils portent dans
leur cœur.
LE MINISTRE LIANG - Il me semble reconnaître dans votre description quelques-uns
des principes de gouvernement des anciens royaumes. Je ne me trompe pas...?
MAÏTRE SONG - En effet. Et c'est sous l'autorité de maître
Confucius qu'ils ont été établis.
LE ROI DE TSIN - Mais comment se fait-il que ces royaumes si vertueusement administrés
aient sombré dans le désordre et l'anarchie et se soient perdus
dans des guerres dévastatrices? Comme si les rites étaient devenus
uns sorte de coquille creuse, un vernis sans consistance que la méchanceté
naturelle des hommes avait fait craquer. A tel point qu'après s'être
rituellement salués avec la dignité requise par les dits rites,
les citoyens n'aient pas hésité ensuite à s'égorger
les uns les autres tout à fait contrairement aux dits rites.
MAÏTRE SONG - Hélas, je pourrais répondre que c'est parce
que la doctrine a été mal appliquée ou que les princes
n'ont pas apporté à l'éducation de leurs sujets tout le
soin qu'il fallait, mais...
3 - Le roi doit s'instruire: à l'école des légistes.
LE COMMANDANT - Ce n'est pas une petite nouvelle que j'apporte. Les opérations
sont engagées sur le terrain et comme prévu l'armée du
Prince de Tchao s'est engagée dans les montagnes à la poursuite
de la nôtre. Quant à notre cavalerie...
LE ROI DE TSIN - Cela est bien. Poursuivez dans la même voie et ne me
dérangez que pour m'annoncer la victoire. Maître Song, je crois
qu'il est inutile de poursuivre notre conversation. Ce que vous venez de dire
ne nous plaît pas. Les rites nous ennuient et la vertu nous insupporte.
Et nous détestons les sages et leurs règles. Quant à éduquer...
faudra-t-il attendre vingt ans pour que l'éducation que nous aurions
donnée porte ses fruits? Ce n'est pas comme cela que nous voulons gouverner.
Vous pouvez vous retirer. Maître Li Si, qu'avez-vous à nous dire?
MAÏTRE LI SI - Des choses tout à fait contraires à celles
que vous venez d'entendre.
LE ROI DE TSIN - Je l'espère bien. Je vous écoute.
MAÏTRE LI SI - Non, les hommes ne sont pas bons par nature et pour qu'ils
se comportent... je ne dis pas vertueusement, mais simplement selon les vues
du prince, il faut leur donner des lois. Et pour qu'ils les observent correctement,
il faut punir toute infraction à ces lois par des châtiments. Et
pour que ces châtiments soient efficaces, il faut qu'ils soient impitoyables.
Ainsi la loi sera-t-elle respectée: marquer au fer rouge, couper le nez,
ou les mains, ou les pieds, écarteler, crucifier, décapiter, faire
bouillir, on a le choix! Dans tout ceci se manifestera la clémence du
prince, car plus les châtiments seront sévères, moins ils
auront à être appliqués. Et les sujets, peu importe qu'ils
soient bons ou mauvais, grâce aux châtiments, se comporteront bien.
De temps à autre l'un ou l'autre pourra être récompensé
pour sa bonne conduite, mais exceptionnellement, dans la proportion d'une récompense
pour dix châtiments.
LE ROI DE TSIN - Ceci nous plaît bien davantage...
MAÏTRE LI SI - Et il faudra naturellement qu'une police vigilante soit
instituée pour surveiller et punir. Mais aussi vigilante qu'elle puisse
être, elle ne suffira pas. Aussi, toute transgression devra être
signalée par quelque citoyen qui en aurait eu connaissance, faute de
quoi ce citoyen serait puni de la même façon que celui qui aura
commis la transgression. Et si un fils voit son père transgresser la
loi, son devoir de le dénoncer surpassera le respect qu'il lui doit.
Et si un gardien laisse échapper son prisonnier, il sera puni de la même
peine que le fugitif. Et sera aussi puni le supérieur du gardien, et
ainsi de suite. Et si quelqu'un sait que quelqu'un sait qu'un crime a été
commis, son devoir sera aussi de dénoncer celui qui n'a pas dénoncé.
Autrement, il sera lui aussi considéré comme coupable.
LE MINISTRE LIANG - Oui, mais une fois que l'on a mis le pied sur ce chemin,
il faut aller jusqu'au bout!
LE ROI DE TSIN - Précisément!
LE MINISTRE LIANG - Mais cela est contraire à tout ce que...
LE ROI DE TSIN - Maître Liang, je crois que vous avez fait votre temps.
Vous pouvez vous retirer vous aussi. Nous aimons l'idée que la loi règne
partout. Maître Li Si, je continuerais volontiers à vous écouter.
Vous êtes désormais notre premier ministre... Mais attendez...
4 - Le bon gouvernement
LE COMMANDANT - Cette fois-ci, les choses se sont passées telles que
vous les avez décrites, la bataille a eu lieu et nous avons fait cent
mille prisonniers. Gloire vous soient rendue! De plus les troupes vous apporteront
dans un instant les cinquante mille têtes... cinquante mille à
quelques-unes près! qu'elles ont coupées pendant la bataille.
LE ROI DE TSIN - En matière de têtes, vous ferez couper aussi celle
du général Liu. Il aurait dû faire lui-même ce qui
vient d'être fait. Quant à celles qui vont m'être apportées,
je les recevrai volontiers et je les payerai un bon prix... Mais que dit notre
nouveau conseiller de la guerre et de la paix?
MAÏTRE LI SI - Je dis que, lorsque le royaume aura été affermi
par son système de lois, et lorsque qu'il sera devenu, entre les mains
du prince, un instrument docile, il conviendra de considérer qu'il faut
lui donner deux objectifs: l'agriculture et la guerre. L'agriculture pour produire,
la guerre pour détruire. Le Ying et Yang! Lorsque le peuple aura été
nourri, toutes les ressources supplémentaires dégagées
par l'agriculture devront être consacrées à la guerre, pour
y être ainsi englouties. A la rigueur à des grands travaux, mais
qu'à la fin de l’année, il ne reste rien… S'il n'en
était pas ainsi, le peuple s'enrichirait et l'on verrait apparaître
ici ou là des oisifs qui se consacreraient aux arts, ou à l'éloquence,
à l'enseignement ou à la subversion. Détruire les surplus,
cela est le secret. Le travail des champs est dur et il empêche les sujets
du roi de penser, de même que les devoirs du soldat l'habituent à
la discipline. Cela est bien. Même le prince ne doit pas penser.
LE ROI DE TSIN - Mais alors, que doit-il faire?
MAÏTRE LI SI - Je viens de le dire: il doit sans se poser de question faire
alterner l'agriculture et la guerre. Et maintenant qu'il vient de gagner la
guerre, qu'il marque au front tous les prisonniers, de peur qu'ils ne s'échappent,
et qu'il les envoie dans les provinces du Nord pour y mettre en valeur les terres
cultivables. Ainsi aurait agi, dans sa sagesse, le Prince Shiang. De cette façon,
les nouvelles récoltes permettront, l'année prochaine, de financer
de nouvelles guerres et de conquérir de nouveaux territoires. Et ainsi
de suite. En réalité, il est simple de gouverner. Cependant...
LE ROI DE TSIN - Cependant?
MAÏTRE LI SI - Cependant, il serait prudent, concernant le nouveau royaume
que vous venez de conquérir, de ne pas y laisser sa population remâcher
ses regrets et ses remords, de peur qu'elle ne complote. Mais il faut la déporter
en quelque autre province où elle pourrait, coupée de ses attaches,
se livrer à certains grands travaux, comme de creuser un canal ou d'édifier
une haute muraille. Cela aussi empêche de trop penser! Et quand, année
par année, vous aurez conquis les sept royaumes de l'Empire de Chine,
que vous les aurez réunis, que vous en aurez mélangé les
populations et que vous les aurez protégées par un rempart infranchissable…
alors, faute de nouvelles guerres à conduire, vous pourrez, pour le plaisir,
chaque printemps avant les moissons, organiser au-delà des murs des chasses
aux populations sauvages de l'extérieur et en ramener quelques captifs
dont vous ferez ce que vous voudrez.
LE ROI DE TSIN - Je vous remercie, Maître Li Si. Je vous laisse le soin,
en tant que ministre, de mettre vos idées en application.
5 - La mort de l'immortel
L’HISTORIEN DE SERVICE - Et il arriva en effet qu'à la fin, le
roi de Tsin conquit tous les royaumes qui l'entouraient, a raison d'un par printemps,
ou à peu près. Et il décida que ces sept royaumes ne formeraient
plus qu'un seul empire, qui fut appelé l'Empire de Tsin. Et il en devint
tout naturellement le Premier Empereur. Mais il n'était pas encore satisfait.
L'EMPEREUR - Maintenant que nous sommes, nous, le Premier Empereur, le maître
d'ici-bas et que nous avons organisé l'espace de notre territoire, il
nous faut organiser aussi le temps qui va venir. Ne sommes-nous pas aussi le
maître du temps? Après tous ces combats, l'âge commence à
nous peser et nos membres risquent progressivement de se raidir. Mais il n'est
pas admissible qu'un aussi grand Empereur disparaisse comme un vulgaire mortel.
Il faut qu'il dure aussi longtemps que son Empire... Il doit exister quelque
part un élixir d'immortalité. Que l'on fasse venir tous les sages
de l'Empire.
MAÏTRE LI SI - Votre Majesté, vous n'en avez pas laissé subsister
beaucoup...
L'EMPEREUR - Fouillez partout. Il doit bien s'en être caché quelques-uns
sur le sommet des montagnes et au fond des cavernes. Et en attendant que vous
les ayez trouvés, mobilisez-moi quelques armées d'esclaves, je
veux me faire construire un tombeau...
MAÏTRE LI SI - Mais si vous devenez immortel?
L'EMPEREUR - Je veux devenir immortel... Certes, mais en me faisant construire
un tombeau, je me lance un défi à moi-même. Pour le plaisir...
Pour le plaisir de savoir que l'on ne m'y couchera pas. Deux cent mille esclaves
qui édifieront la plus haute pyramide jamais construite! Et à
l'intérieur de le pyramide, une reproduction de l'Empire... ses villes,
ses palais, ses fleuves, ses montagnes... Et tout à côté,
une armée de mes gardes qui me protègera pendant l'éternité...
Ah, ah, je ris, ils me protègeront et je n'y serai pas. La bonne farce!
Alors, ces sages, où sont-ils?
MAÏTRE LI SI - Nous en avons trouvé quarante-sept.
L'EMPEREUR - Qu'ils me fassent essayer chacun leur élixir de longue vie.
MAÏTRE LI SI - Les voici, sur un plateau...
L'EMPEREUR - Très bien. Je les boirai tout au long d'un dernier voyage
que je veux entreprendre autour de mes terres, pour les inspecter... Allons
partons.
MAITRE LI SI - Le temps de mettre en route toute la suite qui doit vous accompagner...
L’HISTORIEN DE SERVICE - Et l'Empereur s'en fut, accompagné d'une
cour immense. Et tout au long du chemin il essaya les élixirs d'immortalité
qu'on lui avait préparés.
L'EMPEREUR - Maintenant, que je boive ces élixirs... (il les boit) Mais,
mais, mais... c'est une atroce douleur! Les quarante-sept sages m'ont menti...
Qu'on les prenne tous et qu'on les enterre vivants.
MAÏTRE LI SI - Votre volonté est faite.
LE ROI DE TSIN - Hélas, ils m'ont empoisonné et je vais mourir...
A moins que ce soit cela l'immortalité! Je ne savais pas que cela se
ferait dans une telle souffrance... (il meurt)
MAÏTRE LI SI - A nos yeux de chair, l'Empereur est mort. Nous en garderons
la nouvelle secrète jusqu'à ce que nous ayons ramené ses
restes dans la capitale… Le temps d'arranger les choses! Nous le mettrons
alors dans son tombeau! L'empereur est mort, mais l'Empire nous reste et nous
allons en prendre grand soin. Je l'ai assis sur de justes principes, il est
fait pour durer dix mille ans.
RAPPEL HISTORIQUE
Les "Royaumes combattants", dont les frontières étaient
mouvantes et incertaines, étaient donc au nombre de sept et leur histoire
se déroule entre le dixième et le troisième siècle
avant J.C. Ils s'appelaient respectivement : TCHAO, YEN, WEI, HAN, TCHOU, QI,
TSIN... Leurs guerres furent très violentes et il n'était pas
rare de voir arriver sur les champs de bataille trois à quatre cent mille
combattants Ce fut au cœur de leur civilisation que, malgré leurs
guerres, ou peut-être à cause d'elles! apparurent deux grands systèmes
de pensée, le Confucianisme, doctrine d'ordre et de vertu, et le Légalisme
(ou Légisme) qui, selon la doctrine exposée dans la pièce,
compte avant tout, pour régler le comportement des hommes, sur la Loi
et les châtiments. Pour ne pas mentionner le Taôisme, aux aspirations
mystiques et paradoxales (le Ying et le Yang), qui lui aussi, à sa façon,
devait pour longtemps marquer la pensée chinoise.
Le royaume de "Tsin", qui donnera plus tard son nom à ce que
nous appelons maintenant "La Chine", n'était pas le plus vaste
de ces royaumes, mais certainement le plus belliqueux. Il était situé
à l'intérieur des terres, dans les montagnes, protégé
par une boucle du Fleuve jaune, au contact avec les "barbares" de
Mongolie. Sa population était composée de montagnards-paysans-soldats
que leurs difficiles conditions de vie avaient rendus austères, frustes
et résistants. Au début du quatrième siècle, Tsin
avait déjà commencé la conquête larvée de
ses voisins. Il avait en effet sur eux l'avantage d'une armée nombreuse,
agressive et bien entraînée... Dans les années 230 av J.C.,
arriva au pouvoir dans le royaume de Tsin, un jeune prince, le roi Ying Zheng,
conseillé par un ministre "légaliste", Li Si. Tous les
deux mirent progressivement en place dans le royaume une politique d'une violence
et d'une efficacité terrifiantes (se référer à l'Allemagne
nazie ou à la république de Lacédémone). Puis, en
une dizaine d'années, ils firent la conquête définitive
des six royaumes voisins, qu'ils asservirent au leur. Le roi Ying Zheng se proclama
alors "Le premier Empereur" de Chine (Tsi Huang Ti) et consacra les
années suivantes à organiser sa conquête par la législation,
par l'administration (à la tête des provinces, non pas des princes
mais des fonctionnaires révocables), par l'écriture, par la monnaie,
par les voies de circulation, par les poids et mesures... Il avait en outre
une telle répulsion pour les intellectuels contestataires qu'il fit brûler
tous les livres (sauf ceux de médecine et d'agriculture!). Il fit même
bouillir quelques-uns de leurs auteurs.
Mais en même temps qu'il devenait plus puissant, il devint aussi de plus
en plus cruel et de plus en plus méfiant. Et pris par une sorte de folie,
il chercha par tous les moyens à découvrir le secret de l'immortalité,
cependant qu'il se faisait paradoxalement construire un tombeau géant
gardé par une armée de soldats en terre cuite... Le Premier Empereur
mourut dans des circonstances mal définies au cours d'un voyage. Son
histoire nous a été racontée dans un livre très
postérieur aux faits intitulé Mémoires de l'Historien.
Les découvertes archéologiques d'aujourd'hui confirment l'exactitude
de ce que l'on croyait jusqu'ici n'être qu'une légende. En particulier,
aux environs des années 1970, l'exhumation de milliers de soldats en
terre cuite qui font l'étonnement du monde! Quant au tombeau, il est
tellement gigantesque que personne encore n'a encore eu l'audace de l'ouvrir.