Déposé à la SACD
LA BALLADE DE MARIE CURIE
*
Par Michel Fustier
(toutes les pièces de M.F. sur : http://theatre.enfant.free.fr )
PERSONNAGES:
CHŒUR: deux acteurs récitant chaque strophe alternativement,
ou quatre acteurs qui récitent chacun à leur tour, ou tout autre
dispositif…
On peut représenter MARIE CURIE: devant eux au centre de la scène,
petite silhouette féminine silencieuse, vêtue de gris et à
genoux par terre,
qui fait le geste de trier inlassablement quelque chose…
L'HISTORIEN DE SERVICE - Maria Sklodowska était une jeune polonaise passionnée
par la science qui, en 1891, à l'âge de 24 ans, décida de
venir travailler en France. Elle épousa un physicien français,
Pierre Curie, qui lui donna son nom et sa nouvelle nationalité. Elle
passa sa vie, dans des conditions de travail très difficiles, à
étudier la radioactivité et en particulier celle du radium. Elle
obtint deux prix Nobel. Malheureusement le radium était tellement puissant
qu'à la longue il détruisit celle qui l'avait inventé et
Marie Curie mourut d'une leucémie. Voici la ballade qu'elle a inspirée...
Strophe 1 (A)
Écoutez la ballade de la petite dame.
De la petite dame au vaste front.
De la petite dame vêtue comme l'as de pique,
Qui s'en fut un jour à la chasse aux rayons.
Têtue comme une bourrique elle était,
Avec sa pauvre robe grise toute usée,
Une petite dame, une petite dame…
Que faisait-elle parmi tous ces messieurs?
Strophe 2 (B)
Une petite dame qui nous venait de Pologne,
Têtue comme trente-six bourriques,
Et qui voulait chercher, et qui voulait trouver
Elle ne savait pas bien quoi, mais quelque chose, quelque chose… qui l'intriguait.
Et elle se mit à remuer les montagnes…
Elle se les fit livrer dans son hangar
A l'École de physique et de chimie,
Dans son hangar humide et froid.
Strophe 3 (A)
Vêtue de sa petite robe grise toute usée,
Elle les fit passer dans son petit tamis,
Les montagnes, la petite dame,
Avec ses pauvres doigts tout abîmés.
Les montagnes elle fit descendre
Dans son hangar humide et froid
Et avec ses mains toutes rongées
Elle trouva ce qu'elle cherchait.
Strophe 4 (B)
Et qu'est-ce qu'elle trouva, le savez-vous?
Elle trouva quelque chose qui brillait et qui brûlait
Du radium… C'est comme ça qu'elle l'appela.
Ce qu'elle cherchait, elle l'avait trouvé!
Elle, la petite dame aux mains abîmées,
Au milieu de tous ces savants messieurs
Qui n'avaient pas même eu l'idée de chercher,
Ce fut elle naturellement qui le trouva.
Strophe 5 (A + B)
Et ce n'est aucunement étonnant
Car de tous elle était la plus têtue
Et quand elle avait commencé quelque chose
Elle allait jusqu'au bout, jusqu'au bout du bout.
Du radium donc, qui rayonnait
Et qui lançait d'étranges clartés
Et qui pouvait traverser les métaux
Et qui pouvait même guérir les cancers.
Strophe 6 (A)
Et ils se dirent, ces chercheurs qui n'avaient pas cherché
Ils se dirent que la petite dame dans sa robe grise
Avait tout à coup ouvert une grande porte
Pour entrer dans les champs de la connaissance.
Et ils s'y engouffrèrent tous à sa suite,
Cherchant à comprendre comment marche le monde
Et comment chauffe le puissant soleil
Et comment tourne l'invisible atome.
Strophe 7 (B)
Et ils décidèrent de la remercier beaucoup,
Cette petite dame parmi tous ces messieurs…
Comment donc est-ce qu'une femme
A été capable de trouver quelque chose?
Et quelque chose de tellement important
Que le visage de la Science est en train de changer!
Et pour la remercier ils lui donnèrent un prix,
Le prix Nobel de physique, à elle, à une femme.
Strophe 8 (A)
Et comme si cela ne suffisait pas…
Maintenant qu'elle était devenue très célèbre
Même en Amérique et tout autour du monde!
Comme si cela ne suffisait pas d'un prix Nobel
Ils lui en donnèrent un second - ça ne s'était jamais vu!-
Un second prix Nobel, de Chimie cette fois.
Et cela fit deux prix Nobel sur la même tête,
Et encore une fois sur une tête de femme.
Strophe 9 (B)
Comme quoi, elles sont peut-être mieux faites
Que celles des hommes, les têtes des femmes!
Cette petite dame, têtue comme une bourrique…
Avec ses pauvres mains et ses pauvres yeux!
Et pendant qu'elle, elle mourait d'épuisement,
Les savants du monde entier entrèrent,
Par la porte qu'elle leur avait ouverte,
Ils entrèrent dans les champs de la connaissance.
Strophe 10 (A+B)
Maintenant qu'elle était devenue très célèbre,
Même en Amérique et tout autour du monde!
Les mains rongées, les yeux obscurcis,
Elle mourait doucement d'épuisement…
Maintenant qu'elle était devenue très célèbre,
Même en Amérique et tout autour du monde!
Les mains rongées, les yeux obscurcis,
Dans sa maigre robe grise… Marie Curie.
RAPPEL HISTORIQUE
A la fin du XIXème siècle, les corps chimiques avaient été
rangés par ordre dans la célèbre table de Mendeleïev,
qui les avait classés par poids atomique, c'est-à-dire selon le
poids de leur noyau. Mais on ne soupçonnait pas que ces corps puissent
avoir une activité quelconque. Ils étaient considérés
comme inertes. Un beau jour de l'année 1896, le physicien français
Becquerel s'aperçut que les sels d'uranium impressionnaient les plaques
photographiques. Il pensa d'abord que l'uranium avait emprunté au soleil
des rayons; puis il en vint à l'idée que le noyau d'uranium émettait
lui même des rayons. Il avait découvert la radioactivité.
Marie Curie, qui préparait sa thèse de doctorat à la Sorbonne,
choisit précisément la toute neuve radioactivité pour sujet.
Elle commença par examiner de nombreux échantillons de minerais
ou de métaux et découvrit bientôt, en 1898, que les déchets
de minerai d'uranium présentaient une radioactivité exceptionnelle.
Elle décida de découvrir pourquoi. Elle fit venir d'Europe centrale
des wagons entiers de ces déchets, s'astreignit à un minutieux
travail pour trouver ce qui l'intriguait et découvrit deux corps extrêmement
radioactifs: le polonium et surtout le radium. Avec l'aide de son mari Pierre
Curie et des instruments de précision qu'il avait fabriqués, elle
arriva dans un premier temps à les identifier et à définir
leur place dans la table de Mendeleïev. Ensuite elle s'efforça d'obtenir
une quantité significative de ces deux corps, car ils n'étaient
présents dans le minerai d'uranium, la pechblende, qu'en infimes proportions.
Faute de crédits pour se faire aider, elle manipulait elle-même
le minerais, 20 kilos par 20 kilos, en lui faisant subir des traitements chimiques
et physiques compliqués, épuisants et dangereux…. Dangereux,
car le radium avait une radioactivité 900 fois supérieure à
celle de l'uranium. Et au bout de longues années de travail ingrat elle
ne réussit à en extraire qu'un seul gramme. Un autre gramme lui
fut donné par des admiratrices américaines.
Ses découvertes et ses publications conduisirent à une meilleure
compréhension du noyau de l'atome et accompagnèrent un tournant
de la science. La découverte du radium montrait en effet que les noyaux
de certains atomes étaient actifs et pouvaient produire des rayons, bref
qu'ils contenaient de l'énergie. C'était stupéfiant! Le
monde en fut changé. Elle obtint successivement deux prix Nobel, l'un
de physique, pour sa contribution à l'étude de la radioactivité,
l'autre de chimie, pour la découverte du radium. Elle fonda ensuite l'Institut
du radium où travaillèrent en particulier son gendre Frédéric
Joliot-Curie et sa fille Irène Joliot-Curie
Marie Curie appartient à la génération des Einstein, Heisenberg,
Becquerel, Kelvin, Niels Bohr, Rutherford, Max Planck, qui fondèrent
la physique moderne. La popularité de Marie Curie fut immense pour trois
raisons: pour sa contribution à la science pure d'abord, ensuite pour
les applications du radium à la guérison des cancers et enfin
parce qu'elle était la première femme à occuper une place
éminente dans le monde de la science. Elle mourut d'une leucémie,
qui lui fit entre autres presque perdre la vue, pour n'avoir pas réalisé
à temps combien le radium qui, à petites doses, guérissait,
pouvait être, à hautes doses, dangereux.