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Déposé à la SACD


LES CATHARES
(PIECE FOLLE)

Michel Fustier
(site http://theatre.enfant.free.fr )

PERSONNAGES
L'étudiant, le Saint-Esprit
La mère, son fils.

1
LE SAINT-ESPRIT - Eh oui, c'est moi.
L'ETUDIANT - Je ne m'attendais pas à…
LE SAINT-ESPRIT - Revenez de votre surprise. Asseyez-vous… Je vous impressionne? Non, non, remettez-vous… Vous savez, je ne suis pas responsable de tout…
L'ETUDIANT - Je sais, je sais, il y a aussi des choses qui vous échappent. Mais c’est quand même vous, le Saint-Esprit, qui avez, en pratique, la charge de l’organisation générale des choses sacrées. . Le Père est un rêveur… à propos, vous savez comment ils l’appellent, sur terre, le Père?
LE SAINT-ESPRIT - Non !
L'ETUDIANT - Ils l’appellent " l’Ouranien paresseux "!
LE SAINT-ESPRIT - Ouranien….?
L'ETUDIANT - Du grec : ouranos. Le céleste qui ne fout rien? C'est une mauvaise blague d'étudiant.
LE SAINT-ESPRIT - Amusant ! Et le fils, il a un surnom? Ça m'intrigue...
L'ETUDIANT – J'hésite... Oui, Tend–la-joue ! Heureusement que nous n’en avons que deux... joues, je veux dire! Encore plus mauvaise blague...! Donc, entre le Père qui ne fait rien et le Fils qui ne s’intéresse qu'aux bonnes œuvres… tout le reste… c'est vous, le Saint-Esprit, qui colmatez.
LE SAINT-ESPRIT - En effet. Je colmate… Tout ce dont ils ne s’occupent pas !
L'ETUDIANT - Par conséquent, les papes les évêques, la doctrine, la liturgie, la pratique… enfin tout ce qui compte, c’est vous?
LE SAINT-ESPRIT - Oui. C’est un bouleau de secrétaire. Mais il en faut bien un pour faire tourner la boutique. De secrétaire général, si vous voulez! Donc, ce qui vous intéresse, vous, ce sont les Cathares. Je suis assez bien organisé et j'ai quelques minutes à vous donner...
L'ETUDIANT– Merci, je n'abuserai pas... J'ai entrepris de faire une thèse, mais ma documentation est très incomplète… Pour tout dire, je débarque... Mais je suppose que lorsque c’est arrivé, les Cathares, vous n'avez peut-être pas fait très attention?
LE SAINT-ESPRIT – C'est vrai. Ces hérésies, ça vous tombe dessus à l'improviste… Si vous voulez bien, je vous dirai d'abord ce que je sais, les grandes lignes! et ensuite je vous lâcherai dans notre salle d'archives. Vous pourrez farfouiller tant que vous voudrez. Oui, c'était une période difficile. Beaucoup de croisades, chez les hérétiques et ailleurs, surtout en Palestine, du moins à ma connaissance… Et puis les rois, les empereurs… L'Eglise a eu beaucoup de problèmes... il fallait trancher! Au milieu de tout ça, L’Inquisition... J'étais concerné! Pour ne rien dire des papes, très imbus de leur pouvoir, mais hélas, des papes, il en faut. La période guerrière du christianisme: très embrouillée! Et effectivement, les Cathares, je ne m'en suis pas beaucoup occupé. Et puis les évêques et les inquisiteurs ont détruit tellement de documents… Je ne suis pas sûr de pouvoir vous aider beaucoup.

2
L'ETUDIANT - Cependant, pour les Cathares, vous, le Saint-Esprit, vous existiez?
LE SAINT-ESPRIT - Oui. En tant qu’esprit, j’avais une certaine légitimité à leurs yeux. Ils détestaient la chair… enfin les corps. Alors, ils se disaient qu’un esprit…
L'ETUDIANT - C’est bien ce que je croyais avoir compris. Vous pouvez m’en dire un peu plus sur ce qu’ils pensaient? J'en suis vraiment au tout début de ma recherche…
LE SAINT-ESPRIT – Je vous souhaite bien du plaisir! Ce qu’ils pensaient… D’abord, ils ne pensaient pas que ce soit Dieu qui ait créé le monde...
L'ETUDIANT - Pourquoi ça?
LE SAINT-ESPRIT - Il est trop mal foutu, je veux dire le monde. Dieu, et ils n’ont pas tort, ne peut créer que des choses parfaites !
L'ETUDIANT - Mais qui alors?
LE SAINT-ESPRIT - Eh bien, ai-je besoin de le dire, l'autre, l'anti-Dieu, le diable.
L'ETUDIANT - Bigre ! Le diable?
LE SAINT-ESPRIT - Oui, ils y croyaient comme étant l’égal de Dieu… C’est une vieille tradition qui nous vient d’Irak ou d’Iran… La Bien et le Mal sont des puissances égales… Vous voyez d’ailleurs que j’ai mis une majuscule à l’un comme à l’autre… Donc, le Mal a enfermés douloureusement notre âme dans un corps qui souffre affreusement sur une terre qui est bien le lieu le plus déplaisant que l’on puisse imaginer !
L'ETUDIANT - Cependant Dieu lui-même, dans la Bible, nous dit que Dieu – oui, dans la Bible! - que c’est lui, Dieu, qui a créé le monde. Et aussi qu’après l’avoir créé, il ajouta que cela était bien!
LE SAINT-ESPRIT – Il ne le dit pas à tous les coups. Il ne le dit pas en particulier après avoir fait Adam.... Et de toute façon, les Cathares ne croient pas à la Bible… Je veux dire à ce que nous appelons l’Ancien Testament. Seul l’Evangile compte pour eux, à tel point qu’ils se comparent volontiers aux Apôtres. Ils détestent l’Eglise et ses prêtres. Ses sacrements aussi. Le pape leur fait horreur, avec tout le foisonnement réglementaire qu'il a secrété...
L'ETUDIANT – Les Cathares formaient-ils une secte?
LE SAINT-ESPRIT - Si vous voulez, mais quand même plus qu’une secte. Ça a duré longtemps, beaucoup de croyants, dans beaucoup d’époques, dans beaucoup de pays… Oui, il n’y avait pas que les Cathares en France, mais les Bogomiles en Bulgarie, les Vaudois dans les Alpes, les Hussites aussi à leur façon, plus tard à Prague… Beaucoup aussi dans le nord de l’Italie, tels Les Patarins à Milan,… qui, comme les Cathares, en avaient assez de l'Eglise.
L'ETUDIANT - Et tous pensaient vraiment que c’était le diable qui…
LE SAINT-ESPRIT - Oui! Il y en avait qui proclamaient même que ce diable n’était autre que Iahvé, le Iahvé de la Bible, qu’ils qualifiaient de "Démiurge pervers". Le vrai Dieu était ailleurs.
L'ETUDIANT - Ça fait un drôle d’effet d’entendre ça ! Et alors?
LE SAINT-ESPRIT - Eh bien, le monde étant mauvais il fallait faire tout ce qui était possible pour le faire disparaître. Et surtout ne pas se reproduire… Pas d'enfants! Les Parfaits, qui étaient pour ainsi dire… non pas leurs prêtres, mais leurs guides spirituels, étaient chastes. Ou devaient l’être. Les autres faisaient volontiers l'amour, ce qui est une activité naturelle, et ils n'avaient pas beaucoup d'autres distractions. Mais ils prenaient des précautions.
L'ETUDIANT - Et c'était efficace?
LE SAINT-ESPRIT - Pas toujours! De plus, conformément à l’Evangile, ils voulaient aussi être pauvres… Une pauvreté à laquelle, dans les temps où ils vivaient, il leur était d’ailleurs assez difficile d’échapper. Autant l'ériger en vertu!
L'ETUDIANT - François d'Assise était, si je ne me trompe, un de leurs contemporains?
LE SAINT-ESPRIT - Oui, tout à fait! D'ailleurs, on l'a soupçonné d'être plus ou moins hérétique lui aussi et s'il n'avait pas été aussi populaire... on ne l'aurait pas loupé. La pauvreté, cela faisait partie d'un mouvement général... D’autre part, les parfaits refusaient d’être entretenus par les fidèles, comme le veut l’Eglise catholique: ils travaillaient de leurs mains… suivant l’exemple de l’apôtre Paul, qui fabriquait des tentes. Les Cathares refusaient aussi le baptême de l'eau, l’eau du monde étant matérielle et corruptible.
L'ETUDIANT - Toujours la même méfiance à l'égard du monde.
LE SAINT-ESPRIT - Oui, bien sûr... Ils refusaient aussi que la croix du supplice de Jésus soit vénérée, ils l'avaient en horreur.
L'ETUDIANT– Je les comprends...
LE SAINT-ESPRIT - Et les Parfaits ne vivaient pas dans des couvents ou des presbytères, mais ils se mêlaient à la population. Ils traduisaient les Evangiles dans leur langue, pour que tout le monde puisse les lire. Et lorsqu’un de leurs fidèles se sentait sur le point de mourir, ses amis se réunissaient autour de lui et le malade recevait ce qu’ils appelaient le Consolamentum, la consolation - même si on n’aime pas ce monde, c’est quand même dur de le quitter! Le Consolamentum était dans leurs esprits une sorte de "baptême du feu et de l’esprit" qui remplaçait tous les sacrements. Ensuite, les plus ardents d’entre eux, à ne plus manger aucune nourriture animale, se laissaient plus ou moins mourir de faim. Oui, je sais, cette "endura" nous choque, mais elle nous choque surtout parce que la majorité d’entre nous ne se sentirait pas capable d’en faire autant ! Enfin, même s’ils interprétaient les Evangiles à leur façon, ils étaient de bons chrétiens. Meilleurs peut-être que...
L'ETUDIANT - Et pourquoi est-ce qu’ils étaient si mal vus, au point que… Etaient-ils violents?
LE SAINT-ESPRIT - Non, pas du tout, au contraire, ils étaient essentiellement non-violents. Ils refusaient même de tuer les animaux et de manger leur chair. Le commandement: tu ne tueras pas, s'appliquait à tout être vivant. Vous voyez à quel point ils n'avaient rien à voir avec l'Ancien Testament, tonitruant de meurtres et de sacrifices.
L'ETUDIANT - Donc, a fortiori, ils ne faisaient de tort à personne?
LE SAINT-ESPRIT - Bien sûr que non ! Au contraire ! Mais ils étaient si… disons le mot "parfaits" que l’Eglise officielle, celle qui avait la puissance et la gloire, ne les supportait pas.
L'ETUDIANT - Et pourquoi eux, ne supportaient-ils pas l’Eglise?
LE SAINT-ESPRIT - Parce qu’elle était beaucoup trop riche et pécheresse et qu’elle prétendait avoir la Vérité. La Vérité, on ne peut pas admettre que quelqu’un se la réserve! Ils avaient leur fierté.
L'ETUDIANT - Vous en parlez avec un détachement…
LE SAINT-ESPRIT - Malgré les apparences, je ne me suis jamais compromis avec qui que ce soit… Si le Saint-Esprit devait prendre parti, où irions-nous?
L'ETUDIANT - Et les Cathares, est-ce qu’ils n’avaient pas aussi leur Vérité?
LE SAINT-ESPRIT - Malheureusement si! D’où le drame. Tenez, si ça vous intéresse, je me souviens d'avoir gardé sur mon magnétophone ce fragment de dialogue, qui donne une bonne idée de ce qui se passait... Une mère et son fils... Pardonnez-moi, la bande n'est pas très bonne... Je l'avais gardée dans mon bureau parce que... eh bien, je pressentais que vous alliez venir. Ecoutez...

3
LA MERE - Je suis d'accord avec toi, l'Eglise de Rome n'est qu'un gros monstre stupide et méchant, mais...
LE FILS – Mais...?
LA MERE - Mais il est là, bien campé sur ses quatre pattes avec sa gueule toute grande ouverte, qui crache le feu et la haine...
LE FILS – Où veux-tu en venir?
LA MERE - Je veux en venir... Il faut savoir composer. Est-ce que cela te gêne vraiment de convenir devant les autorités ecclésiastiques que c'est Dieu lui-même qui a créé le monde et que ce monde est bon.
LE FILS - Mais, mère...
LA MERE - Ça ne fait de mal à personne qu'on le dise, ne sois pas stupide. Et cela ne change rien à ce qui est. Et de dire aussi que le baptême par l'eau... est un vrai baptême. Ça leur plaît!
LE FILS - L'eau appartient au domaine matériel, qui par définition est impur.
LA MERE - Allons, tu bois de l'eau tous les jours...! Et de dire que la confession des péchés est efficace et nécessaire...
LE FILS - Même entendue par un prêtre indigne, blasphémateur et fornicateur?
LA MERE - Oui... Et après? Qui es-tu, toi aussi, pour juger? Et que le Christ s'est incarné, qu'il est présent dans le pain de l'eucharistie, que le sacrement du mariage est une noble chose, que nos corps ressusciteront, qu'il est loisible de tuer des animaux et de manger leur viande...
LE FILS - Maman, sais-tu ce qu'ils ont fait? Le vieux Roger, devant le tribunal, tâchait de se faire passer pour bon catholique... Il acceptait tout ce que tu viens de dire... pour sauver sa peau. Alors, pour le prendre en défaut, ils lui ont demandé de tuer un coq devant leurs yeux... Il a refusé et ils ont compris qu'en fait, il était un vrai Cathare, de ceux qui n'ôteraient pas la vie à qui que ce soit, et ils l'ont envoyé au bûcher. Ils ne sont pas Cathares, eux! Notre commandement est: tu ne tueras pas. Moi non plus, je ne tuerais pas un coq...
LA MERE - Ils te brûleront toi aussi.
LE FILS - Et ainsi serai-je délivré de cette chair qui enferme mon âme comme une prison.
LA MERE - Mon fils, puis-je te contredire...? Tu as raison.
LE FILS - Nous, les Cathares, nous savons que le monde, qui est mauvais, est l'œuvre d'un ouvrier impie, que tous nos efforts doivent tendre à nous en délivrer, que la multitude des règles de l'Eglise ne viennent pas de l'Evangile, mais qu'elle les a instituées pour assurer sa domination sur les malheureux fidèles, et que la seule chose importante est de vivre pauvrement et charitablement dans l'amour de notre prochain.

4
L'ETUDIANT– C'est plus éloquent que tout... Bien que je n'aie pas résolu en moi-même s'il ne vaut pas mieux, pour ne pas mourir, dire qu'on croit dur comme fer à quelque chose que l'on ne croit pas. La vie n'est-elle pas le bien la plus précieuse...? Et alors, qu’est-ce qui est arrivé?
LE SAINT-ESPRIT – Ils croyaient en ce qu'ils disaient et ils se sont fait massacrer... C'étaient des montagnards têtus, des paysans pour la plupart… Ils vivaient dans de telles conditions de pauvreté, de souffrances, de maladie, d’incertitude… Pouvait-on leur dire, leur répéter, leur seriner… en toute bonne conscience que Dieu était bon… Ils n’étaient pas idiots ! Avec en plus, les persécutions!
L'ETUDIANT - Vous voulez dire que les autres chrétiens, qui vivaient dans les mêmes conditions difficiles, et qui croyaient que Dieu est bon, étaient idiots?
LE SAINT-ESPRIT - Ne me faites dire cela... Cependant, ça n'est pas totalement faux. Il se trouve dans la piété de nos cohortes chrétiennes une bonne part de… non, je ne dirai pas d’idiotie, mais de naïveté, ce qui revient presque au même… ou de crédulité. Peut-être de masochisme ! Mais en poussant un peu plus loin, je pense qu’il est au fond assez confortable de ne pas avoir à comprendre..
L'ETUDIANT - Vous exagérez, pour autant que vous le puissiez…
LE SAINT-ESPRIT – Même moi, je ne suis pas à l'abri...
L'ETUDIANT - Il y en a tout de même de bons croyants qui ne sont pas complètement idiots?
LE SAINT-ESPRIT – Probablement, probablement... par-ci, par-là, on aime mieux ne pas savoir!
L'ETUDIANT - Mais enfin, comment expliquer que le même Dieu, qui est supposé bon, puisse produire à la fois du bien et du mal? Que la cause elle-même puisse se nier dans ses effets...?
LE SAINT-ESPRIT - Oui nous appelons ça un mystère. Pas de religion sans mystère…
L'ETUDIANT - C’est un peu facile….
LE SAINT-ESPRIT - Plus c'est gros, plus ça passe, selon votre proverbe.
L'ETUDIANT – Celui-ci est vraiment très gros, il y a de quoi faire exploser la boutique! ...Ils ont donc été massacrés?
LE SAINT-ESPRIT - Oui... En plusieurs temps! L'affaire dura tout de même deux bonnes centaines d'années... difficile d'être très précis, ces choses-là naissent et se perdent dans la durée. Il faut dire que les Cathares vivaient dans les Pyrénées, en Languedoc, sur des terres ingrates et difficiles, travaillées de pics et de vallées profondes, quelque part entre Toulouse, Albi et Montpellier. Ils habitaient des villages isolés dans la montagne, une montagne dominée par des causses désertiques... Bref un territoire quasi incontrôlable.
L'ETUDIANT - Oui, j'ai visité les lieux l'année dernière...
LE SAINT-ESPRIT - Et c'était en majorité de pauvres gens assez frustes.
L'ETUDIANT – A leur place, je ne l'aurais pas été moins. Frustres mais pas naïfs, donc... Et alors?

5
LE SAINT-ESPRIT - Pour vous fixer les idées, trois moments forts: la croisade de Simon de Montfort, violente et cruelle... (1210 -1218), beaucoup de combats, beaucoup de bûchers! Une fausse victoire... Quelques années après la croisade, un nouvel épisode sanglant qui se termine par le siège de Montségur, un piton élevé des Pyrénées où s'étaient retranchés cent cinquante ou deux cents survivants, qui furent brûlés vifs dans leur citadelle (1244). Et enfin, comme rien n'était réglé, une période "inquisitoriale" où, sous le contrôle de l'inquisiteur Bernard Guy, à la fin du XIIIème siècle, le territoire des Cathares est minutieusement ratissé et épuré dans une démarche qui préfigure les grands totalitarismes
L'ETUDIANT - Encore des bûchers!
LE SAINT-ESPRIT - C'était en ce temps-là une obsession... Les Cathares, exposés à la mesquine théologie de leur époque: Rédemption, Providence, Obéissance, Bien et Mal, Pardon, Pénitence, Châtiment... furent d'abord les victimes de la foi que les papes avaient en cette théologie. Aujourd'hui, sur terre, vous avez à peu près compris qu'aucune théologie n'a de valeur scientifique et que moi-même, le Saint-Esprit, je n'ai jamais eu aucune certitude. Mais venez, nous allons aller aux archives et je trouverai des dossiers qui complèteront ce que je vous ai dit...
L'ETUDIANT - Merci...
LE SAINT-ESPRIT - Vous voyez, c'est une documentation énorme, couverte de poussière. Je crois que jusqu'ici, elle n'a guère été étudiée comme elle aurait dû l'être... Il y a de tout, à boire et à manger... Ça vous intéresse vraiment?
L'ETUDIANT - Beaucoup... J'ai des ancêtres qui ont fini leur vie à Monségur. Et un autre qui a eu affaire à l'Inquisition.
LE SAINT-ESPRIT - Ah, diable! Serez-vous cependant capable d'une certaine objectivité....
L'ETUDIANT - Je l'espère... On ne peut écrire sans une certaine sympathie pour ceux dont on parle.
LE SAINT-ESPRIT - Vous avez raison... Est-ce que peux aussi vous demander un service?
L'ETUDIANT - Bien sûr...
LE SAINT-ESPRIT - Les notes que vous prendrez, faites m'en une sorte de manuel, que tout ce fatras tienne dans un petit livre...? Enfin, peut-être pas si petit que ça! A vous de voir... J'aurais enfin sous la main un document fiable
L'ETUDIANT - Mais volontiers... Vous me trouverez un éditeur?
LE SAINT-ESPRIT - Il en faudrait un qui n'ait pas trop de préjugés... Pendant que vous travaillerez, je m'occuperai de votre éditeur.
L'ETUDIANT - Merci... Avant de vous quitter, j'aurais bien rendu visite à vos deux collègues!
LE SAINT-ESPRIT - Non, n'y comptez pas, ils sont très occupés à ne rien faire et dans le fond la théologie ne les intéresse pas spécialement. J'ai surpris l'autre jour une conversation... Un ange disait au Père: "Dieu, est-ce que vous considérez comme important que l'on croie en vous?" Et Dieu lui a répondu: "Mon cher ange, ça m'est complètement égal..." Mais l'ange insistait: "Et encore plus, avez-vous des préférences pour qu'on croie en vous plutôt d'une façon que d'une autre?" Et Dieu: "Mais pas la moindre! Et je me demande au fond si la seule chose qui me ferait plaisir ne serait pas qu'on me foute la paix... Pardon, qu'on m'ignore! Cette création, quelle idée!"
L'ETUDIANT– Ça en dit long... Auraient-ils été subvertis par la doctrine des Cathares? Eux aussi? Transmettez-leur cependant, au Père et à son Fils, mon respectueux souvenir.
LE SAINT-ESPRIT - Mais certainement. Pour tout dire, ils sont un peu fatigués. Ils ne savent plus très bien où ils en sont, avec toute cette vague d'incrédulité qui les assiège, ils doutent d'eux-mêmes... Votre attention les touchera. Parfois même, tous les trois, nous ne sommes nous-mêmes pas très sûrs d'exister encore... D'ailleurs ça n'a plus beaucoup d'importance, nous avons laissé tellement de traces... je veux dire une impression si forte dans l'esprit de tant de fidèles, que même si nous disparaissions, notre souvenir ne serait pas près de s'effacer... Un phénomène de rémanence. Un peu comme une jambe coupée, elle vous fait mal comme si elle était encore là. Sur ces paroles profondes, je vous laisse.