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Déposé à la SACD

L'ARMEE FANTÔME
DU GENERAL G.S. PATTON
***
Michel Fustier
(site http://theatre.enfant.free.fr )

PERSONNAGES
Général Eisenhower, général Patton, général Bradley
l'historien de service, Brutus, lieutenant Timtrap, le Führer


1
L'HISTORIEN DE SERVICE - Au milieu de la seconde Guerre Mondiale, en 1941, l'Amérique entra dans la danse... Et trois ans après, les troupes alliées rassemblées en Angleterre étaient sur le point de débarquer en France. Le général Eisenhower, qui a la responsabilité de cette colossale opération, s'efforce de faire face à la multitude de problèmes qu'elle lui pose... Dont le moindre n'est pas de garder vis-à-vis des Allemands un secret absolu. Et, encore mieux, de les égarer par une pluie de fausses informations... On appelle ça de "l'intoxication". Pour l'une de ces manœuvres, il utilisa le général américain Patton. Celui-ci avait déjà acquis une grande réputation pour ses victoires en Afrique du nord et en Sicile. Il était célèbre des deux côtés du front et, dit-on, les Allemands avaient mis sa tête à prix! Mais ses supérieurs s'en méfiaient car, violent, superbe et fort en gueule, il était capable de dire n'importe quoi à n'importe qui, ce qui en temps de guerre n'est pas bienvenu.... Cependant, comme c'était un excellent général, Eisenhower donc, eut l'idée de s'en servir d'une façon originale...

EISENHOWER - Tu ne changeras donc pas, George?
PATTON - Ike, quoi, qu'est-ce que j'ai encore fait?
EISENHOWER - Tu es comme une bombe à retardement, on ne sait jamais quand tu exploseras! Si tu savais tous les problèmes que j'ai eu avec les Russes à cause...
PATTON - Ces bâtards de Russes, je les...
EISENHOWER - George, arrête! Et cette conférence très ridicule que tu as donnée devant une assemblée de vieilles dames! Tu n'aurais pas pu te taire? Pour ne rien dire de "ta" gifle historique... Quelle histoire!
PATTON - Tu ne vas pas m'emmerder avec ça, c'est peanuts. Tu m'as retiré tous mes commandements... J'ai l'air malin! Et je m'ennuie.
EISENHOWER - J'ai quelque chose pour toi... Si tu acceptes de m'écouter une minute.
PATTON - Je suis un homme d'action... Ecouter! Vas-y. Une minute!
EISENHOWER - Bon... Deux, peut-être. Tu sais que nous allons débarquer en France bientôt.
PATTON - Oui, je le sais. Je ne suis pas censé le savoir, mais je le sais. Et quoi que tu en penses...
EISENHOWER - Dans la mesure où tu fermes ton clapet.... Donc, débarquer! Mais pour cela, il faut éviter que les Allemands ne concentrent leurs troupes là où nous allons le faire.
PATTON - Allons, je vois que même à l'Etat-Major on a conscience des réalités, ça me rassure!
EISENHOWER - Donc, il faut que nous maintenions notre menace d'invasion sur toutes les frontières du Reich, en Grèce, dans les Balkans, comme le voudrait Churchill, dans le sud de la France, sur l'Atlantique, du côté de Bordeaux ou de La Rochelle, en Normandie évidemment, mais aussi en Belgique et en Hollande, et même au Danemark et en Norvège... et surtout dans le Pas-de-Calais
PATTON – J'ai même entendu parler d'un débarquement en Roumanie?
EISENHOWER – Oui, c'est encore Churchill! Une belle intoxication... Les Allemands semblent y croire.
PATTON – C'est bien joli, mais nous n'avons pas assez d'armées pour ça.
EISENHOWER - Nous en avons déjà pas mal, mais tu as raison, nous allons en créer une nouvelle.
PATTON - Une nouvelle armée! Avec quelles troupes? Tu plaisantes...
EISENHOWER - Et c'est de cette nouvelle armée que je voudrais te parler.
PATTON - Encore une fois, avec quelles troupes?
EISENHOWER - Tu sais, qu'à en croire les renseignements que nous recevons d'Allemagne, ils ont énormément d'estime pour toi, là-bas... Tu leur as infligé quelques raclées dont ils se souviennent...
PATTON - Ça me fait plaisir qu'au moins chez les Boches on m'apprécie!
EISENHOWER - Donc en Allemagne, ils t'observent, tu es un personnage, ils savent que, là où tu vas, il peut se passer des choses importantes... Maintenant, tu vas m'écouter sans rien dire... Si, si, nous avons assez de troupes - crois-moi, ne cherche pas à comprendre - et du train dont vont les choses, nous l'aurons bientôt cette nouvelle armée... peut-être plus de 250 000 hommes!
PATTON - Hein...!
EISENHOWER - Elle sera stationnée au nord-est de l'Angleterre et menacera, éventuellement le Danemark.... ou au choix Anvers et Calais, Calais surtout, chemin direct vers Berlin. Les Allemands sont à Calais comme le chat qui guette la souris! A à la tête de laquelle armée nous serions honorés de pouvoir nommer le grand, le beau, l'énergique général George Smith Patton.
PATTON - Tu te fous de moi?
EISENHOWER - Mais pas le moins du monde.
PATTON - Je n'y crois pas, moi, à ton armée... Si tu n'as rien de plus à me dire, je m'en vais?
EISENHOWER - Ne t'en va pas, mon vieux, mais viens avec moi dans la salle des cartes, je vais t'expliquer exactement ce dont il s'agit... C'est une encore idée de Churchill... Allons, viens.
PATTON - Ah! Alors, si en plus c'est une idée de notre vibrionnant Premier Ministre... (Ils sortent)

2
L'HISTORIEN DE SERVICE - Depuis Elizabeth la Grande et son maître-espion Walsingham, l'Angleterre a toujours pratiqué une politique de ruse et d'intoxication. Elle y est très experte. "La vérité, disait Churchill, est tellement précieuse qu'elle doit être protégée par une ceinture de mensonge: "a bodyguard of lies." Et en effet, l'Angleterre travaillait activement à organiser l'armée dont vient de parler Eisenhower. Avec de la colle, de la peinture et des pinceaux... entre autres.
BRUTUS - Lieutenant Timtrick, je vous ai fait venir... Je suis un responsable des Services secrets anglais... Vous n'avez pas besoin de savoir mon nom, appelez-moi Brutus si vous voulez... Bon, j'ai vu votre dossier... Vous avez travaillé dans le cinéma... Mise en scène...?
TIMTRICK - Oui, beaucoup de mise en scène... je faisais aussi des repérages, des décors, je m'occupais d'effets spéciaux. De bruitages aussi...
BRUTUS - Bien, très bien... et les éclairages?
TIMTRICK - Ce n'est pas mon domaine préféré, mais je peux aider.
BRUTUS - Lieutenant Timtrick... Votre nom vous prédestine! Vous sentez-vous capable de vous charger, dans le nord-est de l'Angleterre, entre Douvres, Cambridge et King's Lynn, de faire ce qu'il faut pour donner l'illusion aux Allemands qu'il s'installe là une armée toute entière? Une vaste scène, des décors, des figurants, des acteurs... Qu'ils soient persuadés que nous avons d'énormes divisions blindées prêtes à les attaquer à tout instant...
TIMTRICK - Je ne vois pas bien... L'illusion d'une armée! Donnez-moi un peu plus de détails.
BRUTUS - Vous allez comprendre... Il s'agit d'un énorme truquage... Vous commencerez par installer ici et là... enfin comme le ferait une véritable armée... Des postes de commandement, l'Etat-Major, les divisions, les régiments, les sections... Et petit à petit ça se mettra à exister... D'abord des tentes, des baraquements... nous ne vous donnerons des manœuvres, des peintres, des menuisiers, des décorateurs... Et pas mal de bons bricoleurs... Comme si vous alliez tourner un film à grand spectacle.
TIMTRICK - Je vois...
BRUTUS - Ensuite, ou plutôt en même temps, vous organiserez les télécommunications. Si nécessaire, je mettrai à votre disposition un de nos intendants militaires qui sait tout ça par cœur... Nous ferons ensemble un petit recueil de ce qui se dit dans ces cas-là, d'un poste à l'autre.
TIMTRICK - C'est très technique!
BRUTUS - Et alors? Vous êtes acteur, non? Les Allemands sont très forts en radiocommunications. Ils auront très vite fait de repérer un trafic radio inhabituel... et en fait l'implantation progressive d'une grande unité, en réalité une armée de peut-être 10 divisions... avec pas mal de divisions blindées.
TIMTRICK - 10 divisions... Ah, dites donc, je n'imaginais pas que...
BRUTUS - Plus, selon vos possibilités, 15, 20... pourquoi pas? En fait, cette armée a déjà un nom. Ce sera le First U.S. Army Group, ou FUSAG pour les intimes. Soyez tranquille, cette affaire sera le sommet de votre carrière... Un western, je vous dis! Donc, vous aurez à tracer des routes, à construire des baraquements... Les ouvriers d'abord, pour tout préparer, et ensuite les uns après les autres, toutes les unités... qui seront censés arriver. Et c'est donc progressivement la radio qui fera vivre toute cette organisation. Nos services secrets britanniques ont pas mal d'agents doubles, qui sont très forts. Ils vous aideront à complètement tromper les Allemands
TIMTRICK - Et cette armée serait donc censée être...
BRUTUS - Que voulez-vous dire?
TIMTRICK - Anglaise, américaine, canadienne, polonaise, française, australienne...?
BRUTUS - Américaine, je vous l'ai dit. Principalement. Mais aussi un peu de tout.
TIMTRICK - Je comprends... Je connais des acteurs qui peuvent vous imiter les accents de tous les comtés d'Angleterre... et de tous les Etats d'Amérique...
BRUTUS - Très bien, très bien... On leur fera dire... je ne sais pas: "Soldat Smith, aller trouver le colonel de la Deuxième", ou "L'aumônier est arrivé, ceux qui veulent se confesser: chapelle à droite du réservoir", ou bien "Les toilettes du camp 4 sont bouchées, demandons plombier..." Et si par hasard les Allemands, non contents d'écouter, ont envie de venir voir, il faut qu'ils le puissent, et soient convaincus... Donc, vous aurez à soigner les détails. On mettra à votre disposition des retraités en uniforme qui feront la figuration... Il faut qu'il y ait du mouvement, des gens qui entrent et qui sortent, de pelotons qui vont à l'exercice, de la fumée qui sortira des cheminées des baraquements etc. Pourquoi pas une fanfare? Et sur la côte, dans tous les ports, dans toutes les criques, dans toutes les embouchures de rivière, il y aura de faux bateaux prêts à partir, des barges en simili. On vous en prêtera des vraies aussi... Enfin, de quoi transporter nos toutes vos troupes et leur matériel! Vous êtes bien metteur en scène? Goodyear nous fabrique déjà des tanks en caoutchouc qu'il n'y aura plus qu'à gonfler et avec du contreplaqué nous ferons des avions. De vieux poteaux électriques comme canons. On a prévu aussi une station-service... Il faut de l'essence pour les tanks... et pour tout le reste aussi.
TIMTRICK - Naturellement!
BRUTUS – En conséquence, nous avons aussi prévu un bassin pétrolier... Il y a un architecte qui s'en occupera.... Des échafaudages, de vieux tuyaux d'égout, des toiles peintes... Avec des convois de camions qui circuleront ici et là toute la journée. Et toute la poussière qu'il faudra. Et aussi des postes de garde, des générateurs, une brigade d'incendie, un bordel même, si vous voulez... Quand nous aurons mis nos chars en caoutchouc, nous nous débrouillerons, la nuit, pour déposer sur l'herbe des traces de chenilles... Même le roi rendra visite à notre nouvelle armée, on diffusera son discours à la radio! Et à la fin, le général Marshall viendra inspecter les troupes. Vous voyez l'esprit? Je vous laisse peaufiner... Demandez ce que vous voulez, vous l'aurez.
TIMTRICK - Et qui est-ce qui sera à la tête du... comment dites-vous... du FUSAG?
BRUTUS - Ah, ça, c'est la surprise du chef... Le meilleur comédien que vous puissiez imaginer, le général Patton, le vainqueur de Rommel. Si les Allemands savent que c'est Patton qui est à la tête de tout ça, ils n'imagineront jamais un instant que c'est de l'intoxication.

3
L'HISTORIEN DE SERVICE - Patton cette fois sut tenir sa langue et, en très bon comédien qu'il était, joua parfaitement son rôle... Ça l'amusait même. L'Allemagne avait les yeux fixés sur lui. Son nom était comme un étendard qui claquait dans le vent... Ah! Ce First U.S. Army Group... Mais dans l'intervalle, le débarquement en Normandie avait eu lieu. Les Alliés avaient profité d'une tempête pour surprendre les fortifications des plages de Normandie... Et si les Anglais et les Américains avançaient moins vite que prévu, ils avançaient tout de même... Comme le poste de commandement du Feld-maréchal von Rundstedt était trop loin des plages et que Rommel avait pris prétexte de la tempête pour aller fêter l'anniversaire de sa femme, à Ulm, les Allemands n'avaient réagi que lentement. Quant au Führer, qui avait pris le commandement de toutes les armées du Reich, et sans l'autorisation duquel rien ne pouvait se faire, il dormait, après avoir donné la consigne de ne pas le réveiller. De toute façon, il avait été tellement impressionné par les descriptions qu'on lui avait faites de l'armée fictive de Patton, qu'il s'était arrêté à l'idée que la Normandie n'était qu'une feinte et que le véritable débarquement aurait lieu à Calais. Il y conservait la puissante XVe armée motorisée: 250 000 hommes... Après quelques jours de rudes combats, Rundstedt et Rommel obtinrent que le Führer vienne les voir à Soissons, en France...
LE FÜHRER - Maréchal von Rundstedt, je croyais... Où est Rommel?
VON RUNDSTEDT - Mon Führer, vous étiez en retard, il est reparti sur le front.
LE FÜHRER - Est-il vrai que vous vous êtes querellé avec lui?
VON RUNDSTEDT - C'est exact... Nos avis divergeaient. Il disait que le débarquement devait être cloué sur place, sur les plages elles-mêmes.
LE FÜHRER - Et vous disiez quoi, vous?
VON RUNDSTEDT - Que, comme nous ne pouvions pas occuper sérieusement toutes les plages, il fallait que les divisions blindées se tiennent un peu en arrière pour se pouvoir se porter là où l'ennemi arriverait.
LE FÜHRER - Et alors...
VON RUNDSTEDT - Effectivement, nous n'avions pas assez de chars pour occuper toutes les plages... Mais aujourd'hui, au diable nos querelles... les Américains ont effectivement débarqué...
LE FÜHRER - Les Américains ont débarqué... Si c'est tout ce que vous aviez à me dire!
VON RUNDSTEDT - Mon Führer, mon Führer... Nous avons besoin de renforts. Rommel avait raison. Nous aurions dû les clouer sur les plages. Les Américains et les Anglais sont trop forts, ils nous ont débordés, leur aviation ne nous laisse pas un instant de répit.
LE FÜHRER - Maréchal von Rundstedt, vous manquez de sang-froid... Tout ce que je peux vous dire, c'est: collez au terrain, ne lâchez pas un pouce. Nous finirons par vaincre...
VON RUNDSTEDT - Mon Führer, mon Führer, coller au terrain... mais nous nous faisons massacrer! Pendant ce temps nous avons des divisions blindées à Calais, qui sont là-haut, la XVe armée, l'arme au pied, à ne rien faire. Vous pourriez... donner ordre...
LE FÜHRER - Occupez-vous de ce qui vous regarde. Vous avez la charge de la Normandie, moi j'ai la charge de l'ensemble du front. Laissez ces divisions où elles sont. Et vous, résistez!
VON RUNDSTEDT - Mon Führer, envoyez-nous ces divisions et nous fermerons la poche de Normandie... Avec ne serait-ce qu'une partie des troupes blindées qui sont là-haut, nous pourrions renvoyer les Américains à la mer...
LE FÜHRER - Comment ne voyez-vous pas que l'attaque en Normandie n'est que diversion et que l'attaque principale viendra du Pas-de-Calais...? Je le sais, je le veux... Regardez ce télégramme... Je commettrais un crime contre la nation si je dégarnissais le Pas-de-Calais.
VON RUNDSTEDT - Je vous jure...Je me méfie des faux renseignements dont les Anglais nous inondent. Je suis plus près des choses que vous ne l'êtes! Je vous jure que l'attaque de la Normandie est l'attaque principale...
LE FÜHRER - Vous avez beau jurer, vous ne savez pas tout. Les services secrets sont formels: Patton est à la tête de la plus formidable armée de la coalition... Là-bas, derrière Douvres, jusqu'à Cambridge... Prêts à embarquer! Si nous donnons le moindre signe de faiblesse... C'est évident... De Calais, ils passent en Belgique puis en Hollande... Ce n'est que de la plaine à traverser... Et de là, ils menaceront nos plateformes de lancement de fusées V1 et V2. Et jusqu'à Berlin, ils n'auront qu'un boulevard! Je vous le dis, c'est sur Calais que se portera leur effort principal... Et précisément, tout ce qu'ils cherchent pour le moment, c'est à m'obliger à dégarnir Calais pour avoir la voie libre... Vous ne me ferez pas tomber dans leur piège. Vous n'avez pas un sou de discernement... Surtout avec Patton à leur tête. Vous m'avez fait perdre mon temps, vous pouvez vous retirer.

4
L'HISTORIEN DE SERVICE - Patton, ou plutôt l'idée que l'on se faisait de Patton, avait fait ce que l'on attendait d'elle... Elle avait convaincu Hitler que le véritable débarquement aurait lieu à Calais permettant ainsi au débarquement en Normandie, le 6 juin 44, de réussir. Selon quoi, l'idée qu'on se fait des choses est parfois plus redoutable que les choses elles-mêmes! Et Patton dans tout ça, où en était-il? Il était encore à la tête de son armée fictive et terrifiante, lorsque ses collègues américains, et plus spécialement son ami le général Bradley, le firent venir secrètement en Normandie... Ils sont en difficulté, en retard sur les prévisions...
BRADLEY – George, Nous avons besoin de toi...
PATTON - Ah tiens, mon salaud... Je croyais que j'avais été mis à la niche!
BRADLEY - Que tu es susceptible... Ils sont toujours aussi forts!
PATTON - Forts? Qui? Qui est-ce qui est fort?
BRADLEY - Les Boches! Ils tiennent Cherbourg et ont barré la presqu''ile du Cotentin... Ils forment une ligne continue entre Avranches et Saint-Lô... Leurs meilleures troupes! En en plus, c'est le boccage, le bocage normand fait d'une multitude de bois ou de champs séparés par des chemins creux, des collines, des vieilles fermes aux murs épais, presque pas de routes... Ils nous tendent des embuscades, nous nous y épuisons, nos chars s'embourbent, ça n'avance pas... Nous sommes en retard de quinze jours sur nos plans.
PATTON - Fais-moi voir les cartes...
BRADLEY - Cela forme un front d'au moins 70 kilomètres... Nous avons déjà perdu probablement plus de 70 000 hommes, et nous avons beau...
PATTON - Attends... Une minute... Sais-tu ce que je ferais?
BRADLEY – C'est précisément ce que je te demande...
PATTON - Attends un peu... (se parlant à lui-même, en regardant longuement la carte) Comparé à la guerre, comme tout le reste est futile... à condition d'aimer la guerre. Oh! Comme je l'aime, ô Dieu, oui, que je l'aime...!
BRADLEY - Et alors, qu'est-ce que tu ferais?
PATTON - Pardon! Oui, je l'aime tellement... Je me concentrerais sur une petite portion du front, tiens pas exemple du côté de Saint-Gilles et de Canisy... Il faut percer! Ou là, à La Chapelle-en-Juyer. Pour commencer un tapis de bombes, deux si c'est nécessaire, tu feras venir les B17 et les B 34 d'Angleterre,... Vingt à trente mille tonnes de bombes Un véritable enfer! Plus un Allemand ne tiendra debout et ceux qui vivront encore ne se souviendront même plus de l'endroit où ils sont... et ensuite des bulldozers pour tailler des routes dans le chaos, et derrière les bulldozers, les tanks... Une sorte de Blitzkrieg. C'est notre tour. Et quand le front est percé, plus rien ne tient, tu fonces sur Cherbourg...
BRADLEY - Que dira Ike? Ils marcheront, à L'Etat-Major...?
PATTON – Ne t'en fais pas, ils sont dans la merde!
BRADLEY - C'est vrai que si tu couvres ça du sceau de ta gloire...
PATTON - Mais pas du tout. Je ne suis pas censé être ici, mais à Douvres. Pas de blague, on a besoin de moi là-haut. Je suis au FUSAG... à la tête des soldats-fantôme, je les fais manœuvrer chaque matin... Non, non, Ce sont des conseils très... désincarnés que je te donne.
BRADLEY - Tu as raison. Mais on saura un jour que c'est toi...
PATTON - Peut-être, mais après tout, je m'en fous... Ce ne sont pas les hommes qui gagnent les batailles, c'est Dieu. Nous ne sommes rien, il est tout. Le Dieu de la victoire!
BRADLEY - Je me demandais comment tu pouvais être un si bon général!
PATTON - Je n'ai pas de secret... Ou peut-être que c'est ça mon secret.
BRADLEY - Bon! Eh bien, sous les ordres du Tout-Puissant, allons-y.

L'HISTORIEN DE SERVICE - Patton était à sa manière un homme très religieux! L'attaque eut lieu... Et tout marcha comme prévu. Ensuite Patton fonça sur Coutances. Le Cotentin était bouclé. Maintenant, il était bien évident que l'attaque sur le Normandie était l'attaque principale. Patton, sans se cacher davantage, prit le commandement de la quatrième division blindée et fonça vers le sud. Au début d'août il s'empara de Rennes, de Vanne, de Saint-Brieuc... Blitzkrieg de nouveau! Les troupes allemandes de Bretagne étaient pour ainsi dire prisonnières. Elles se rendraient sans tarder. Quant à la XVe armée allemande, qui attendait l'arme au pied à Calais, elle comprit qu'elle avait été jouée. Elle? Jouée? Non, pas elle, mais le grand chef, Hitler. Sans le sortilège du FIRST U.S. ARMY GROUP, les Alliés auraient peut-être perdu la guerre.


RAPPEL HISTORIQUE
La seconde Guerre Mondiale (1939-1945) engagea un très grand nombre de nations dans les armées desquelles intervinrent une multitude de généraux qui livrèrent sur terre, sur mer et dans les airs une multitude de combats... La phase finale commença lorsque les Russes renversèrent la situation à leur avantage, après Stalingrad, et lorsque, sur les côtes de Normandie, les troupes alliées débarquèrent le 6 juin 44. La guerre se termina par la reddition sans conditions de l'Allemagne et du Japon (1945).

A l'ouest, du côté de l'Europe, émergent quelques figures de généraux:
Le général Eisenhower d'abord, dit "Ike", chef d'Etat-Major général des forces alliées, homme de synthèse et de compromis, qui conduisit la machine de guerre alliée de 1942 (débarquement en Afrique du Nord) jusqu'en Mai 45, date de la victoire sur l'Allemagne. Il devint ensuite président des Etats-Unis...
Le général Patton, ensuite, issu d'une famille de sud des Etats-Unis, un sacré tempérament, difficile, raciste, très croyant, qui s'illustra d'abord en Afrique du Nord contre Rommel, puis en Sicile ou il rivalisa avec Montgomery, le général anglais... C'est à le fin de cette campagne que se place l'incident de "la gifle", donnée par lui en public à un soldat hospitalisé en état de choc après les bombardements: "Je ne veux pas de lâche dans mon armée". Ike lui demanda ensuite de faire des excuses publiques et le laissa quelque temps sans affectation. Il joua ensuite un rôle important dans les combats qui menèrent les Alliés de la Normandie jusqu'à Berlin.
Le général Bradley, ami-rival que Patton côtoya en Afrique du Nord et en Normandie, et qui lui aussi prit de grandes responsabilités dans la conduite de la guerre.
Churchill n'était pas général, mais Premier ministre de l'Angleterre., Il descendait du fameux Lord Marlborough, victorieux à la bataille de Malplaquet en 1709 contre l'armée française de Louis XIV, (que la chanson française a popularisé: "Malbrou s'en va-t'en guerre, mironton, miroton, mirontaine...") Homme politique exceptionnel, passionné par les questions militaires, il fut celui qui inspira pendant toute la guerre les Alliés en lutte contre Hitler et les conduisit à la victoire. Il avait une imagination très vive et soutint les efforts de combattants par une guerre secrète de ruse, d'espionnage, de contre-espionnage,... Ce fut lui qui eut l'idée de cette fameuse armée fantôme qui joua un rôle très important dans le succès du débarquement en Normandie.

Quelques dates:
1939 (1 septembre) invasion de la Pologne par l'Allemagne
1939 (3 septembre) déclaration de guerre de le France et de l'Angleterre à l'Allemagne
1940 (mai-juin) invasion de la Hollande, de la Belgique et de la France par l'Allemagne
1940 (juin, juillet, août) bataille d'Angleterre (bombardemets)
1940-1942 Bataille d'Afrique du nord (Rommel contre Montgomery et Patton))
1941 Attaque des Allemands contre l'URSS.
1941 Attaque du japon contre les USA (Pearl Harbour), entrée en guerre des Etats-Unis
1943 Débarquement américain en Afrique du nord.
1943 Prise de la Sicile par les Américains et les Anglais (Patton et Montgomery)
1943-45 Bataille de libération de l'Italie
1943-44 Organisation de la FIRST US ARMY GROUP, armée fantôme!
1944 (6 juin) Débarquement allié en Normandie sous le commandement de Eisenhower (Ike)
1945 (8 mai) Prise de Berlin et victoire des alliés sur l'Allemagne.
1945 (2 septembre) Après les deux bombes atomiques (Hiroshima-Nagasaki), victoire sur le Japon.