Déposé à la SACD
DE GALILEE A GAGARINE
PERSONNAGES
Galilée, Andrea Sarti, disciple de Galilée,
Le Pape, l'Inquisiteur,
Neil Armstong, Youri Gagarine
1 – Deux explications au mouvement de l'univers
L'HISTORIEN DE SERVICE – Galilée, qui naquit en 1564 et mourut
en 1642, est un grand mathématicien et un grand savant de la Renaissance.
Il est le premier qui ait mis en pratique ce qui sera plus tard la "Méthode
expérimentale", c'est-à-dire la méthode scientifique
qui consiste à vérifier pas l'expérience les hypothèses
que l'on a faites… Ses travaux d'astronomie, réalisés avec
la célèbre lunette qui porte son nom, l'amenèrent à
découvrir que l'univers n'était pas tout à fait conforme
aux indications de la Bible, ce qui, dans son temps, était très
grave. Il fut donc condamné par l'Eglise pour avoir déclaré
que la terre tournait sur elle-même et autour du soleil… Pour le
moment, il a une discussion avec son disciple Andréa Sarti…
GALILÉE - Andréa, je veux résumer encore une fois ma pensée.
Écoute-moi! Pour expliquer comment fonctionne le monde, je veux dire
le soleil, la terre, la lune, les planètes et tout le reste, il y a deux
théories…
ANDRÉA - Maître, je le sais: celle de Ptolémée, qui
part du principe que la terre est immobile au centre du monde et que tout le
reste du ciel, y compris le soleil, tourne autour de la terre...
GALILÉE - Très bien: c'est le géocentrisme! Et... quelle
est la seconde?
ANDRÉA – Vous ne me prendrez pas en défaut! Celle de Copernic,
chanoine polonais, qui après avoir fait beaucoup de calculs, prétendit
que c'est au contraire autour du soleil que tournent la terre et les planètes...
GALILÉE - L'héliocentrisme! Excellent, très bonne introduction.
Je continue... Or, il se trouve que par les observations que j'ai faites du
ciel grâce à ma fameuse lunette, la lunette de Galilée,
j'ai pu réunir des preuves évidentes que c'est Copernic qui a
raison...
ANDRÉA - Malheureusement, tout le monde pense encore, selon le sens commun
et Ptolémée, que la terre est immobile. Et même ceux qui
viennent, par-dessus votre épaule, regarder la lune dans votre lunette,
répugnent à voir ce qu'ils voient.
GALILÉE - Ils sont trop attachés à leurs habitudes: c'est
là le seul problème... Il nous faut donc provoquer une sorte de
révolution dans les esprits! Grâce à laquelle les peuples
cesseront de penser conformément à l'autorité des anciens,
mais prendront l'habitude de ne se fier qu'aux données de leurs sens
et à l'évidence de leurs raisonnements.
ANDRÉA - Maître, c'est un bien vaste programme!
GALILÉE - Raison de plus pour commencer tout de suite: je vais écrire
un nouveau traité dans lequel je proclamerai la liberté de l'esprit
humain et la vérité du système de Copernic. Et ainsi sollicitée,
l'humanité s'engouffrera toute seule dans un vaste mouvement de progrès...
ANDRÉA - Oui... Et que va dire l'Église et son Inquisition? N'oubliez
pas qu'il y a moins de quelques années, Giordano Bruno a été
brûlé vif pour moins que cela. Et que vous-même, on vous
a interdit de revenir sur ce sujet!
GALILÉE - Oui, mais Giordano Bruno n'avait pas de preuves. Moi, je crois
en avoir!
ANDRÉA –Si fragiles!
GALILÉE – J'en prends le risque…
2 – Le pape s'inquiète, ou plus exactement l'inquisiteur inquiète
le pape
L'INQUISITEUR - Vous voyez ce que nous avons gagné à laisser Galilée
publier son traité! Il a beau dire que la théorie de Copernic
n'est qu'une hypothèse, l'autorité de l'Écriture en est
sapée. Et la vôtre aussi, ô successeur de saint Pierre! Nous
qui voulons que tout sur terre soit immobile... Et maintenant, le peuple nous
ridiculise dans les rues par ses chansons. Il n'y comprend rien, mais il chante.
LE PAPE - Croyez-vous que cela soit si grave, monseigneur l'inquisiteur?
L'INQUISITEUR - Il y a un ordre du monde, tout de même: la terre au centre
de tout! Et vous, le pape, au centre de la terre...
LE PAPE - Pas tout à fait, tout de même!
L'INQUISITEUR - Enfin, symboliquement: la place Saint-Pierre est bien le centre
de la terre, non? Et autour de vous tournent les rois, les hommes, le soleil,
le ciel et tous les astres... C'est tellement évident!
LE PAPE - Du moins si l'on veut défendre la tradition...
L'INQUISITEUR - C'est cela qui compte! Et ainsi, ce qui est vrai physiquement
est aussi vrai moralement, vous êtes immuablement revêtu de l'autorité
suprême.
LE PAPE - Donc, à prêter l'oreille aux sirènes de Galilée,
qui est tout de même un bien grand homme, vous ne me trouvez, moi, personnellement,
pas assez immobile.
L'INQUISITEUR - Votre Sainteté, c'est bien là le problème:
on a voulu remettre tout en cause et c'est intolérable. C'est pourquoi
il faut condamner Galilée, qui non seulement prétend que la terre
tourne autour du soleil, mais encore qu'elle tourne sur elle-même; et
qu'ainsi chaque nuit il arrive que Votre Sainteté, après avoir
adoré Dieu le jour, montrer son… heu… son dos à Dieu.
Très inconvenant! Où allons-nous? Si le soleil ne tournait pas
autour de la terre, comment Josué aurait-il pu l'arrêter? Il faut
condamner Galilée et qu'il se rétracte.
LE PAPE - Bien, si vous le croyez bon, faites-le... Mais n'allez pas jusqu'à
le torturer: montrez-lui simplement les instruments.
3 – Galilée est condamné par l'Inquisition
L'INQUISITEUR - Allons, mon fils, commencez votre confession.
GALILÉE - Moi, Galilée, fils de Vincenzo Galileo, de Florence,
âgé de soixante-dix ans... moi donc, librement et humblement agenouillé
devant vous, illustrissimes cardinaux de l'Inquisition, et la main sur les saints
évangiles, je me rétracte et je jure que j'abandonne entièrement
cette fausse opinion de Copernic, selon laquelle la terre n'est pas immobile
au centre du monde.
L'INQUISITEUR - Continuez la lecture de vos aveux.
GALILÉE - J'ai eu grand tort d'écrire mes Dialogues, dans lesquels
est exposée cette fausse opinion, déjà condamnée,
sans pouvoir apporter des raisons suffisamment puissantes pour la soutenir.
Donc j'abjure, je maudis, je déteste la susdite erreur et hérésie...
Et...
L'INQUISITEUR - Allez, courage, la suite...
GALILÉE - ...et je promets de... de... de dénoncer dans l'avenir
quiconque pourrait être à mes yeux suspect de la soutenir.
L'INQUISITEUR - Très bien. Terminez, maintenant.
GALILÉE - Enfin, j'accepte par avance avec amour toutes les peines et
châtiments que la sainte Inquisition voudra bien m'imposer en punition
de ma faute. Que Dieu m'aide!
L'INQUISITEUR - Vous pouvez vous relever, c'est fini.
GALILÉE – (se relevant difficilement et en a parte) Et pourtant
si, elle tourne... cette garce de terre!
L'INQUIQITEUR - Que dites-vous, je ne vous entends pas?
GALILÉE - Rien, je murmurais simplement entre mes dents... que la tête
me tournait!
L'INQUISITEUR - Vous n'avez plus le droit maintenant, même de murmurer.
GALILÉE - Ne vous en faites pas: je suis presque aphone et quasiment
aveugle.
L'INQUISITEUR - Cela ne nous empêchera pas de vous garder emprisonné
sous surveillance dans votre maison jusqu'à la fin de votre vie et de
veiller à ce que vous ne retombiez pas dans l'erreur.
4 – Les astronautes témoignent
NEIL ARMSTRONG - Vous trouvez peut-être que Galilée n'a pas été
très courageux et qu'il aurait dû maintenir ses opinions... Oui,
mais Galilée était un vieil homme fatigué. Et surtout,
il pensait que, quoi qu'il dise à genoux devant ses juges, cela ne changerait
rien aux mouvements du soleil, de la terre et de la lune. Dès lors, qu'importe:
ses théories ne pouvaient que triompher. C'est en effet ce qui arriva.
La conquête spatiale repose sur le système de Copernic et sans
Galilée, moi, Neil Armstrong, je n'aurais jamais marché sur la
lune!
YOURI GAGARINE - Et moi, Youri Gagarine, le premier homme de l'espace, sans
Galilée, je n'aurais jamais non plus tourné autour de la terre,
comme une petite lune, avant de redescendre tranquillement atterrir dans la
steppe.
GALILÉE - Merci, mes amis, - c'est moi, Galilée. Je reviens pour
un instant sur terre - merci de votre témoignage. J'avais besoin de meilleures
preuves: vous me les avez données! Je le savais bien, qu'elle tournait!
Et puis surtout, je leur ai joué un bon tour, aux cardinaux inquisiteurs:
j'ai fourni la démonstration officielle de leur obscurantisme! Après
mon procès, le doute n'était plus possible, les cardinaux étaient
contre le progrès! Et pendant des siècles, l'Église traînera
l'affaire Galilée, comme un boulet ridicule, jusqu'à ce qu'enfin,
dans les dernières années du XXe siècle, elle reconnaisse
son erreur… pardon, elle reconnaisse que j'avais raison.