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Déposé à la SACD

HIROSHIMA
**
de Michel Fustier
(toutes les pièces de M.F. sur : http://theatre.enfant.free.fr )

PERSONNAGES
Harry Truman, président des États-Unis, son chef d'État-major,
l’historien de service, le colonel d'aviation Tibbets.
les savants atomistes James Frank et Robert Oppenheimer,
l'atomiste japonais Yushio Nishima, le maire d'Hiroshima.


- 1 -
L'HISTORIEN DE SERVICE - Nous sommes en 1945. La seconde guerre mondiale s'est achevée en Europe avec la reddition sans conditions de l'Allemagne nazie, mais elle se poursuit encore dans le Pacifique entre les États-Unis et le Japon. Les Américains ont reconquis patiemment les îles du Pacifique et ils sont sur le point de donner l'assaut au Japon lui-même… Mais les pertes de part et d'autre seraient tellement lourdes que, pour faire pression sur le Japon et abréger le conflit, le président Truman décide d'employer la bombe atomique. A la Maison Blanche, en juin 1945, Le Président fait le point de la situation...
HARRY TRUMAN - Donc, nous avons gagné la bataille d'Okinawa!
LE CHEF D'ETAT-MAJOR - Oui, Monsieur le président, nous l'avons gagnée. Pour attaquer le Japon, nous avions besoin d'une base de départ: maintenant, nous l'avons. Mais la bataille d'Okinawa a été l'une des plus terribles que nous ayons livrées. Elle a duré quatre-vingt jours.
HARRY TRUMAN - Lourdes pertes, naturellement?
LE CHEF D'ETAT-MAJOR - Très lourdes. Surtout du côté de l'ennemi. Terrifiantes même… Plus de cent mille morts et dix mille prisonniers. Pas un n'en a réchappé! A la fin, ils s'étaient réfugiés au bout de l'île dans une région rocheuse, avec des cavernes naturelles… Nous avons dû les griller au lance-flamme.
HARRY TRUMAN - C'est horrible!
LE CHEF D'ETAT-MAJOR - Oui, c'est horrible. Les soldats japonais ont été, je n'ose pas dire d'un courage, mais d'un entêtement… mais si, disons-le, d'un courage… qui va jusqu'à la folie. Pour attaquer Okinawa le général MacArthur avait dû réunir une force de quatre cent cinquante mille hommes.
HARRY TRUMAN - Quatre cent cinquante mille contre cent dix mille, quatre contre un?
LE CHEF D'ETAT-MAJOR - Oui, c'est à peu près ça… Quand on assiège une place, il faut y mettre les moyens… Quatre cent cinquante mille hommes et mille deux cents navires pour les transporter et les protéger!
HARRY TRUMAN - Et combien de bateaux coulés?
LE CHEF D'ETAT-MAJOR - Trente-quatre. A cause des kamikazes, principalement. Ils bourrent leurs avions d'explosif et ils les envoient s'écraser sur le pont des bateaux… Pas toujours possible de les arrêter avant!
HARRY TRUMAN - Et nos pertes en hommes à nous… Vous n'en parlez pas?
LE CHEF D'ETAT-MAJOR - J'ai peine à le faire… Sept mille tués et trente-deux mille blessés.
HARRY TRUMAN - C'est peu à côté des pertes japonaises, mais c'est tout de même beaucoup. Et dans les airs, combien d'appareils ont-ils été abattus?
LE CHEF D'ETAT-MAJOR - Nous en avions engagé deux mille et dans une première estimation plus de sept cent soixante ne sont pas rentrés à leur base…
HARRY TRUMAN - Sept cent soixante… Quand on pense qu'Okinawa n'est qu'un minuscule îlot, s’'il faut que nous continuions à faire la guerre dans ces conditions-là, nous n'en aurons jamais fini!
LE CHEF D'ETAT-MAJOR - Non, nous en finirons, mais à quel prix? Tels que nous les connaissons, les Japonais se feront tuer jusqu'au dernier.
HARRY TRUMAN - Voilà qui donne envie de songer à d'autres moyens.
LE CHEF D'ETAT-MAJOR - Si vous en avez… je n'en connais pas.
HARRY TRUMAN - Il se pourrait que moi, j'en connaisse. Merci, général.

- 2 -
JAMES FRANK - Monsieur le Président, nous avons mis au point une bombe d'une puissance inouïe… Appelons-la pour simplifier la bombe atomique. Mais si vous voulez mon opinion, elle est tellement puissante qu'elle en est inutilisable.
OPPENHEIMER - Que voulez-vous dire, Frank, inutilisable? Je ne suis pas de votre avis… elle est parfaitement utilisable!
JAMES FRANK - Non, mon cher Oppenheimer…. Inutilisable pour des raisons techniques d'abord, car nous ne savons pas où s'arrêtera l'effet de la dite bombe, quel périmètre elle couvrira. Mais surtout pour des raisons morales, parce qu'elle ferait aveuglément d'innombrables victimes. De plus, monsieur le Président, elle ouvrirait dans les relations internationales une tension absolument insupportable.
HARRY TRUMAN - Je vous entends… Ne pourrions-nous pas faire un essai à blanc, pour ainsi dire, et inviter les Japonais à notre démonstration dans un quelconque désert?
OPPENHEIMER - Ni le peuple japonais ni son armée ne nous croiront. Non, et il faut agir, et vite. Je suis partisan d'envoyer la bombe directement sur une ville japonaise.
HARRY TRUMAN - Monsieur Oppenheimer, en quoi consiste exactement votre bombe?
OPPENHEIMER - Elle est faite d'uranium 235. L'uranium 235, comme toutes les matières fissiles, a tendance à se désintégrer et émet en permanence des particules radioactives… A petites doses, c'est sans conséquence. Mais quand on augmente la quantité d'uranium et que l'on met en présence deux masses telles que leur somme dépasse une certaine "masse critique", …dont je préfère garder le chiffre secret, alors les particules interagissent les unes sur les autres et la désintégration a lieu d'un seul coup, dégageant une invraisemblable puissance. Plusieurs milliers de tonnes de trinitroglycérine!
HARRY TRUMAN - Qu'en pense l'armée, le savez-vous?
JAMES FRANK - Je crois, hélas, qu'elle est de l'avis d'Oppenheimer… à savoir qu'une démonstration en grandeur réelle - pardonnez-moi l'expression - pourrait seule convaincre les Japonais.
OPPENHEIMER - Vous voyez bien! Il faut se souvenir qu'il y a là-bas au pouvoir un parti militaire extrémiste qui est tout-puissant et qu'il faut briser. Quant à la cible, il y a certaines petites villes sans importance stratégique que nous avons laissées jusqu'ici intactes… Hiroshima, Nagasaki et d'autres. Elles pourraient faire d'admirables terrains de démonstration.
JAMES FRANK - Admirables… Surveillez votre vocabulaire.
OPPENHEIMER - Pardon, je veux dire… convaincants. Toutes les destructions constatées y seraient évidemment dues à la bombe que nous viendrions de lancer.
HARRY TRUMAN - Avons-nous moralement le droit de lancer cette bombe? Elle pourrait faire, si je vous comprends bien, peut-être cent mille morts d'un seul coup…
OPPENHEIMER - Oui, c'est un bon ordre de grandeur… Mais je suis convaincu qu'en fin de compte elle épargnerait des vies humaines, car elle pourrait à elle seule arrêter la guerre.
HARRY TRUMAN - Messieurs, cette décision ne relève pas de vous, ni d'un quelconque vote. Je ne veux pas que vous en supportiez le poids, je la prendrai seul. Je vous remercie.

- 3 -
L'HISTORIEN DE SERVICE - Et c'est ce qu'il fit. Mais peut-être, nous n'en savons rien, a-t-il pu auparavant s'adresser au Seigneur Dieu dans des termes que nous pouvons imaginer…
HARRY TRUMAN - Seigneur Dieu, vous avez dit : "Tu ne tueras pas!" Et nous voici plongé au cœur d'une guerre qui a déjà consumé des armées et des armées de vivants… Alors que nous, et nos adversaires autant que nous, connaissions le commandement: "Tu ne tueras pas!". Je n'ose plus vous regarder en face, ni m'adresser à vous pour une prière. "Tu ne tueras pas et tu ne convoiteras pas le bien d'autrui!" De quel argile nous avez-vous faits pour que nous n'ayons qu'un désir, c'est de nous emparer du bien d'autrui et que, de sang-froid, nous nous mettions à mort les uns les autres. Seigneur lavez-nous de nos péchés et rendez-nous blancs comme la neige… Mais si je ne me repens pas il n'y aura pas de pardon! Et encore moins si je récidive! Et voici qu'aujourd'hui je dois donner… ou ne pas donner l'ordre d'anéantir d'un seul coup plus de cent mille vies humaines! Pourquoi nous avez-vous ainsi laissé sortir du monde du bien et du mal et entrer dans un autre monde où tous les commandements sont abolis? Ce monde, ô Dieu, qui n'est pas le vôtre et qui est tout de même à vous, c'est le nôtre, où il faut que j'existe, que je survive et, pesant le pour et le contre, que j'agisse. Et je ne peux même pas sans blasphémer vous demander de m'éclairer! Si seulement il y avait quelqu'un au-dessus de moi, un supérieur légitime, qui me dise: fais-le, ne le fais pas. Mais il n'y a personne et c'est moi l'ultime recours. Seigneur, ne mettez pas ce que je vais faire au nombre de mes péchés!


- 4 -
L'HISTORIEN DE SERVICE - Le lancement de la bombe atomique a été décidé...
LE COLONEL TIBBETS - Messieurs, je suis le colonel Tibbets. Je vous rappelle que nous sommes sur la base militaire américaine de l'île de Tinian, le 5 août 45... Je suis chargé de conduire avec vous une mission très spéciale. Je vais vous donner les informations et les instructions qui nous permettront d'en venir à bout. Il s'agit de lancer sur le Japon une bombe d'une puissance inouïe qui décidera probablement de la fin de la guerre. L'expédition que nous allons mener sera composée de quatre superforteresses. La bombe a été chargée dans celle que je pilote, l'Enola Gay. Après environ six heures de route, elle sera lâchée au-dessus de l'une des trois villes suivantes: Hiroshima, Kokura, Nagasaki, en fonction de la météorologie. La bombe sera réglée pour éclater à une altitude d'environ 500 mètres, de façon à couvrir la plus grande surface possible. Sitôt la bombe lâchée nous virerons à 90 degrés pour nous éloigner le plus vite possible du lieu de l'explosion et échapper à l'onde de choc… J'allais oublier: l'explosion sera accompagnée d'un éclair très violent. Pour ne pas être aveuglés, vous devrez donc tous avoir préalablement mis les lunettes spéciales qui vous seront fournies. Une fois notre mission accomplie nous en vérifierons les effets et nous retournerons tranquillement à notre base… Tel est le cadre général… Nous allons maintenant nous pencher sur les détails. Mais auparavant demandons à notre aumônier de nous bénir…
L'AUMONIER - Père tout-puissant, bénissez ceux qui vont défier la hauteur des cieux et porter le combat chez l'ennemi. Armés de ta puissance et de ta gloire, donne-leur de mettre fin à la guerre. Amen.

- 5 -
LE MAIRE DE HIROSHIMA - Je suis le maire de cette ville sinistrée d'Hiroshima... Nous avons été bombardés le 6 août 1945...
YUSHIO NISHIMA - Moi, mon nom est Yushio Nishima. Je suis physicien et je dirige la commission d'enquête envoyée par le gouvernement pour examiner la situation.
LE MAIRE DE HIROSHIMA - Huit jours après la catastrophe, je suis heureux que l'on pense enfin à nous!
YUSHIO NISHIMA - Le pays est tellement désorganisé que ni moi, ni les membres de notre commission n'ont pu arriver plus vite. Pardonnez-nous et expliquez-nous ce qui s'est passé.
LE MAIRE DE HIROSHIMA - C'était dans les environs de huit heures du matin, les routes étaient couvertes de gens qui se rendaient à leur travail…
YUSHIO NISHIMA - Ils n'étaient pas dans les abris?
LE MAIRE DE HIROSHIMA - Non. Il y avait bien un ou deux avions américains qui tournaient, mais nous avions pensé qu'ils étaient seulement venus en reconnaissance. Nous n'avons jamais été bombardés ici! Moi, j'avais été dormir à la campagne… c'était la consigne! J'allais donc tranquillement à mon bureau lorsque soudain, j'ai perçu un éclair terrifiant… Comme j'étais à l'abri d'un mur, je n'ai pas été personnellement touché, mais tous ceux qui l'ont vu directement ont perdu la vue… Et immédiatement après, j'ai entendu une formidable explosion…
YUSHIO NISHIMA - A quelle distance étiez-vous du centre de la ville?
LE MAIRE DE HIROSHIMA - Quatre kilomètres environ.
YUSHIO NISHIMA - Et alors?
LE MAIRE DE HIROSHIMA - Et alors, je me suis retrouvé par terre, mais sans trop de mal… Sans quoi je ne serais pas ici à vous raconter tout ça. Mais dans le centre… les plus proches de l'explosion ont été carbonisés sans avoir même le temps de s'en apercevoir et pour les autres, le souffle de la bombe a dévasté d'un seul coup la moitié de la ville sur un rayon de trois ou quatre kilomètres. Immédiatement après l'explosion on a entendu un craquement sourd qui s'est prolongé comme un roulement de tambour.
YUSHIO NISHIMA - Le bruit des bâtiments qui s'écroulaient?
LE MAIRE DE HIROSHIMA - Oui, les uns après les autres. C'était terrifiant. Et puis de tout ce chaos il s'est dégagé une poussière épaisse et un immense champignon s'est élevé au-dessus de la ville. En même temps une sorte de nuit s'est abattue sur nous… Nous étions pris comme dans un nuage obscur. D'autant plus obscur que très rapidement la ville s'est mise à brûler et que la fumée des incendies s'est mêlée à la poussière des bâtiments écroulés… C'était l'heure du premier repas et toutes les ménagères avaient allumé leurs réchauds… Nous nous sommes rendu compte par la suite qu'il y avait au centre de la ville une zone de mort absolue. Plus loin la bombe avait provoqué des brûlures horribles… Pour vous donner un exemple, des soldats qui servaient une batterie de D.C.A. et qui avaient les yeux fixés sur cette… bombe - appelez-la comme vous voudrez - qui tombait du ciel, ont eu le visage complètement brûlé et leurs yeux étaient comme des trous noirs qui suintaient. Et naturellement la ville était complètement paralysée: plus d'eau, plus d'électricité, plus de transports, les rues coupées, des ruines partout, les morts, les blessés…
YUSHIO NISHIMA - Et qu'avez-vous pu faire?
LE MAIRE DE HIROSHIMA - Tous ceux qui étaient encore vivants, aux franges de la zone dévastée, se sont mis à fuir par tous les moyens. Ils étaient terrorisés. Cependant que ceux de la périphérie se précipitaient vers le centre pour porter secours aux blessés… Tout cela dans l'obscurité et sous des rafales de vent violentes qui s'élevaient ici ou là… De la pluie, une pluie noire aussi. Que nous est-il donc arrivé?
YUSHIO NISHIMA - Je pense que… Je suis un spécialiste des questions atomiques et j'ai étudié en Europe avec le grand savant qu'est Niels Bohr… Je pense en première hypothèse que vous avez été victime d'une bombe atomique. S'il en est ainsi, la température dégagée au point zéro devait bien être au sol de l'ordre de 5 à 6 000 degrés et l'onde de choc a dû doubler l'effet de souffle, ce qui explique l'ampleur les destructions. Quant à la colonne de fumée que vous avez vu s'élever dans le ciel, elle a probablement été provoquée par la force ascensionnelle des gaz brûlants. De même que les vents… Et les brûlures sont le résultat à la fois de la chaleur et de la radioactivité… Je vous expliquerai: elles sont très dangereuses… Avez-vous une idée du nombre de victimes?
LE MAIRE DE HIROSHIMA - Très approximatif. Je pense que nous ne sommes pas loin des quatre-vingt mille… Mais cent mille peut-être, ou cent vingt mille… Je n'en sais rien!
YUSHIO NISHIMA - Je vous en prie, menez-moi sur les lieux de la catastrophe… Je voudrais vérifier mes hypothèses. Et après, nous déciderons des mesures à prendre.

- 6 -
LE CHEF D'ETAT-MAJOR - Monsieur le Président, ça y est, c'est fait!
HARRY TRUMAN - Qu'est-ce qui est fait exactement?
LE CHEF D'ETAT-MAJOR - L'empereur Hiro-Hito vient de faire une déclaration à la radio. Il a annoncé que le gouvernement japonais prendrait contact avec les forces alliées pour mettre fin à la guerre. J'ai sa déclaration sous les yeux.
HARRY TRUMAN - Dieu soit loué! Ainsi donc nous avons atteint notre but.
LE CHEF D'ETAT-MAJOR - Ca n'a pas été sans mal... Nous avons eu quelques informations sur ce qui s'est passé au Japon dans l'intervalle…
HARRY TRUMAN - Dites-moi ça.
LE CHEF D'ETAT-MAJOR - Après Hiroshima, les militaires japonais ont totalement refusé de se rendre. Ils voulaient continuer la guerre. Cela fait partie de leur morale. Plutôt mourir que de s'avouer vaincu. Et lorsque la seconde bombe tomba sur Nagasaki, cela ne fit que durcir leur position. Au point que le Premier Ministre japonais dut demander l'intervention directe de l'empereur qui, voulant arrêter un massacre inutile, était, lui, partisan de la reddition. De peur de mal s'exprimer en direct à la radio, l'empereur avait enregistré une déclaration qui serait diffusée le lendemain matin. Alors, les militaires essayèrent d'occuper le palais impérial et de s'emparer de l'enregistrement. Heureusement le putsch échoua et la déclaration de Hiro-Hito fut portée à la connaissance du peuple.
HARRY TRUMAN - Celle que vous avez sous les yeux.
LE CHEF D'ETAT-MAJOR - Oui.
HARRY TRUMAN - Donc… (un temps) Ce que nous avons fait, nous l'avons fait. Que Dieu nous pardonne! Peut-être avons-nous commis une grande faute, peut-être avons-nous épargné beaucoup de vies… Personne ne le saura jamais. L'un et l'autre probablement. Peut-être aussi le Japon se serait-il écroulé de lui-même sans que nous ayons à lever le petit doigt! Notre faute alors n'en serait que plus grande… Ou alors nous aurions fourni à l'empereur une porte de sortie, un argument à opposer à ses militaires pour arrêter les combats... On se justifie comme on peut! (un temps) Cependant, je refuserai toujours de dire que nous avons fait cela pour impressionner les Russes! Mais puisqu'on nous offre cette paix que nous avons tant attendue, nous n'allons pas la refuser. Mettez-moi immédiatement en contact avec le général MacArthur. Nous préparerons notre réponse et terminerons la guerre.


RAPPEL HISTORIQUE

Naturellement les scènes qui précèdent n'ont jamais eu lieu telles qu'elles sont décrites. Elles ne sont qu'une sorte de résumé dramatique de l'ensemble des choses qui se sont dites et faites ou pensées en ces temps troublés. Ce qui n'empêche pas que certaines expressions peuvent être des citations littérales (par exemple la prière de l'aumônier).
Albert Einstein, qui avait dans les années précédentes établi l'équation selon laquelle la matière peut se transformer en énergie (E=MV2), fut effrayé par la découverte faite en Allemagne de la fission de l'uranium. Il craignait que les nazis ne s'en servent pour la fabrication d'une bombe surpuissante. Le 2 août 1939, il écrivit au Président Roosevelt pour l’en prévenir et engager les Américains à mettre en chantier eux-mêmes pour le compte des peuples libres ce qui serait par la suite appelé la Bombe atomique…
Le 14 août 1940, les Américains commencèrent les études préliminaires. Ils découvrirent deux voies de recherche, l'une par l'uranium et l'autre par le plutonium, avec cette circonstance particulière que l'uranium ne se trouve dans la nature que sous forme d'uranium 238, non fissible, et qu'il faut l'enrichir pour en faire de l'uranium 235 fissible. Les États-Unis décidèrent cependant d'explorer les deux voies.
A partir de janvier 1943 ils lancèrent le "projet Manhattan" destiné à permettre la fabrication en grande quantité et la transformation industrielle des minerais en armes explosives. Ils fondèrent d'abord deux laboratoires dans le Tennessee (à Clinton et Oak Ridge); puis ils construisirent dans le désert du Nouveau-Mexique la ville secrète de Los Alamos, une vaste cité de recherche (4.000 personnes y travaillaient!) où ils réunirent l'élite des physiciens américains et européens (dont quatre prix Nobel) sous la direction de Robert Oppenheimer. Deux milliards de dollars furent dépensés pour faire fonctionner "le laboratoire le mieux équipé du monde". Et le 15 juillet 45 la bombe atomique fut testée dans le désert à Almogordo…
La première bombe envoyée sur le Japon fut à l'uranium. Elle s'appelait "Little boy". Elle fut lâchée le 6 août 1945. La seconde ("Fat man"), qui explosa le 9 août sur Nagasaki, était au plutonium…
Les résultats de l'explosion sont décrits dans le texte de la pièce proposée. Le nombre des victimes, qui fut pour les deux villes d'Hiroshima et de Nagasaki de l'ordre de 140 000, doit être mis en relation avec celui des victimes qu'ont fait les grands bombardements, dits "traditionnels", de villes comme Dresde, Hambourg ou Berlin… et surtout, en mars 45 de Tokyo, qui firent chacun un nombre presque comparable de victimes.