Déposé à la SACD
WINSTON CHURCHILL
et la bataille d'Angleterre
Par Michel Fustier
(toutes les pièces de M.F. sur : http://theatre.enfant.free.fr )
PERSONNAGES
Winston Churchill,
sa secrétaire Kathleen Hill,
Jeremy et Tim, deux étudiants anglais,
trois soldats naufragés,
le commandant en chef de l'aviation anglaise et un chef d'escadrille.
L'HISTORIEN DE SERVICE – Lorsqu'en 1939 la guerre fut déclarée à l'Allemagne par la France et l'Angleterre, Churchill fut réintégra le poste qu'il avait occupé pendant le début de la précédente guerre (de 14-18), celui de premier Lord de l'Amirauté. C'est à dire qu'il eut en charge toute la Marine anglaise. En mai 1940, lorsque les Allemands envahirent la France, il fut nommé Premier Ministre et devint le responsable suprême de la conduite de la guerre. En fait, grâce à son exceptionnelle force d'âme, il fut non seulement le Premier Ministre britannique, mais l'animateur mondial de la lutte contre le nazisme. Son premier exploit fut de remporter ce qu'on a appelé La Bataille d'Angleterre. Certaines des paroles qui lui sont attribuées dans la pièce sont à peu de choses près celles qu'il a prononcées... Nous en nous sommes au 3 septembre 1939, dans les bureaux de l'Amirauté anglaise. La guerre vient d'être déclarée......
- 1 -
CHURCHILL - (entrant) Bon! J'ai été nommé Premier Lord
de l'Amirauté dans le gouvernement Chamberlain… Kathleen, faites
savoir à toute la Marine que je suis de retour.
LA SECRETAIRE - Ce sera fait, monsieur… Mais je crois qu'ils le savent
déjà.
CHURCHILL - Je m'en doute. C'est bien là mon ancien bureau… J'en
reprends possession. Avertissez les officiers des Services que je les passerai
en revue dans une demi-heure. En attendant notez de me faire aménager
un appartement dans l'ancienne nursery. Je dormirais sur place. Que ce soit
prêt pour ce soir… Et il nous faut aussi une salle des cartes…
LA SECRETAIRE - Il me semble que dans la bibliothèque…
CHURCHILL - Va pour la bibliothèque! Et balancez-moi tous ces vieux bouquins
pour que nous ayons un peu plus de place. Sur les cartes seront représentés
tous les navires de guerre, alliés et allemands, avec les convois qu'ils
accompagnent.
LA SECRETAIRE - Desmond s'en chargera…
CHURCHILL - Très bien. Réactualisation toutes les heures. Il faut
qu'on y voie clair. A faire dès aujourd'hui.
LA SECRETAIRE - J'ai aussi demandé qu'on vous apporte les statistiques
concernant les approvisionnements en matières premières, en armes,
en munitions…
CHURCHILL - Très bien… Sitôt la revue terminée, je
m'en imprègnerai. Et dès demain j'irai sur le terrain passer l'inspection
détaillée des ports et des bateaux… Pendant ce temps, vous
me préparerez avec Brendan la liste de toutes les mesures urgentes pour
remettre à niveau la Marine. Il y a mille choses à faire. A mon
retour nous prendrons les décisions.
LA SECRETAIRE - Ce sera fait, monsieur.
CHURCHILL - Vous allez voir, il va se mettre à souffler sur la flotte
une tempête comme elle n'en a jamais connu. (sortant puis revenant) Mais
prenez d'ores et déjà les dispositions pour envoyer quatre divisions
en France, ils en ont besoin… Et je vous laisse ici quelques suggestions…
LA SECRETAIRE - Bien. Donnez-les-moi… (Churchill sort, elle lit): blocus
des côtes allemandes, filets anti-torpilles à l'entrée des
mouillages, étude immédiate d'un chasseur de sous-marins de 500
à 600 tonnes, camouflage des stations radar, recrutement de marins indiens…
Le diable d'homme, il pense à tout! (elle sort en lisant)
- 2 –
L'HISTORIEN DE SERVICE - Nous voici maintenant début juin 1940: au large
de Dunkerque. Deux étudiants anglais rament dans leur petit canot...
JEREMY - Regarde, Tim, il y en a deux là-bas qui sont en train de se
noyer, ils font des signes! Fais le tour par tribord! Leur cargo a été
coulé…
TIM - Eh, Jeremy… Je vire, accroche-toi… Ho là, vous deux,
nous arrivons…
LE NAUFRAGE - Dépêchez-vous, fistons, nous ne tiendrons pas longtemps…
Il est blessé.
JEREMY - Maintenant, mets-toi en panne… et tiens bien la barre. Donne-moi
la gaffe.
TIM - Tiens… La voilà.
JEREMY - Eh, monsieur, attrapez le bout de la gaffe…
LE NAUFRAGE - Non, toi, accroche-moi par ma bretelle… Bien… Amène
maintenant, doucement… Bien. Lui d'abord: je pousserai, tu tireras…
Étendez-le sur le fond. A moi, maintenant… Attention de ne pas
chavirer. Jeunes gens, merci! (avec humour) Nous cherchions un modeste petit
destroyer pour nous ramener et nous voilà dans un véritable paquebot…
TIM – (même ton, saluant) Le paquebot l'Audacieux, monsieur, pour
vous servir! Dix-sept pieds de long, huit pouces de tirant d'eau… Mais
que s'est-il passé exactement?
LE NAUFRAGE - Que s'est-il passé, que s'est-il passé…
JEREMY - Nous, on a nous donné l'ordre de tous aller à votre recherche.
Alors, nous sommes venus avec notre canot, et nous nous sommes faufilés
entre les croiseurs, les cargos, les ferries, les bateaux de pécheurs…
Il y a peut-être mille bateaux sur la mer qui font la navette…
LE NAUFRAGE – Il s'est passé que les Allemands nous ont pris en
tenaille. D'un côté ils descendaient de Belgique, de l'autre ils
remontaient par la Somme. Impossible de résister! Plusieurs centaines
de milliers de bons Anglais pris dans la nasse, refoulés sur les plages
de Dunkerque. Et presque autant de Français.
TIM - Et alors… ?
LE NAUFRAGE – Et alors, rien d'autre à faire que d'évacuer!
Heureusement que tout à coup, on ne sait pas pourquoi, les Allemands
se sont arrêtés… Il faut dire aussi que les Français
défendent vigoureusement la position. Et nous, cela fait quatre jours
qu'on évacue en catastrophe… L'aviation allemande s'en donne à
cœur joie… la nôtre aussi…
JEREMY - Attention, couchez-vous… (passent successivement deux avions
vrombissant) Il s'en est fallu de peu.
TIM – Tu penses bien que nous sommes trop petits pour les intéresser.
Mais regarde... Encore un qui barbotte… C'est un Français!
LE NAUFRAGE - Il y aura bien une petite place pour lui… On en aura peut-être
besoin. (ils le hissent). Il s'est évanoui! (humoristique) On a toujours
besoin d'un petit français chez soi!
JEREMY - Et maintenant que nous avons fait le plein, cap sur l'Angleterre…
- 3 –
L'HISTORIEN DE SERVICE – A la suite de cette terrible retraite, Churchill
s'adresse maintenant par radio à ses concitoyens...
CHURCHILL - Anglais, mes amis, il s'est produit un miracle… S'ils l'avaient
voulu, les Allemands auraient pu anéantir notre armée à
Dunkerque et dans la foulée envahir l'Angleterre… Je ne sais ce
qui s'est passé, mais ils nous ont laissé le temps de rapatrier
près de trois cent cinquante mille hommes. Que la Providence en soit
remerciée! Grâce à cette armée, que nous avons sauvée,
nous allons pouvoir organiser dans notre île la résistance à
la barbarie nazie… J'étais Premier Lord de l'Amirauté, me
voici devenu Premier Ministre. Certains auraient pu être effrayés
de prendre cette responsabilité en des temps si troublés. Moi,
je l'ai prise! Je souhaite que vous ne le regrettiez jamais. L'Autriche, la
Tchécoslovaquie, la Pologne, le Danemark, la France, la Belgique la Hollande,
ont été envahies. Je fais la promesse que l'Angleterre ne le sera
pas. Mais ne vous y trompez pas, je n'ai rien d'autre à vous offrir en
échange que du sang, de la peine, de la sueur et des larmes… Et
si vous me demandez quelle est notre politique, je vous répondrai que
notre unique politique est de faire la guerre. De faire la guerre sur terre,
de faire la guerre sur mer, de faire la guerre dans les airs. La guerre contre
la plus monstrueuse tyrannie que le monde ait jamais connue. Et si vous voulez
savoir quel est le but de cette politique, je vous réponds: la Victoire!
(il fait un V avec les deux doigts de la main droite) La Victoire à tout
prix, la Victoire en dépit de toutes les difficultés qui nous
attendent, car sans Victoire il n'est pas pour nous de survie… (pause,
changement de ton) Dans l'immédiat notre flotte est encore trop puissante
pour que les Allemands prennent le risque de débarquer chez nous. Mais,
maintenant qu'ils disposent de terrains d'aviation sur les côtes de Belgique
et de Hollande, ils vont jeter tous les bombardiers de la Luftwaffe dans la
bataille. Il va falloir tenir bon.
- 4 –
L'HISTORIEN DE SERVICE – Naturellement, dans les états-majors de
l'aviation anglaise, c'est le branle-bas de combat. Le chef d'escadrille chargé
de la surveillance des côtes téléphone au commandant en
chef de l'aviation...
LE CHEF D'ESCADRILLE - Comment voulez-vous, monsieur, que je m'occupe à
moi tout seul des trois mille avions allemands qui depuis quinze jours pilonnent
la côte Sud? D'ailleurs, c'est étrange, ce matin on ne les a pas
vus… Est-ce qu'on les aurait positivement découragés?
LE COMMANDANT EN CHEF DE L'AVIATION - Pas exactement, major: ils sont simplement
en train de bombarder Londres… Ils ont tout à coup changé
de stratégie! Jusqu'ici ils s'en prenaient a nos terrains d'aviation,
à nos usines d'armement, à nos stations de radar… Maintenant,
ils sont tous sur Londres!
LE CHEF D'ESCADRILLE - Est-ce qu'ils vont continuer longtemps?
LE COMMANDANT EN CHEF DE L'AVIATION - Comment voulez-vous que je vous le dise…
A mon avis, ils se vengent des quelques malheureuses bombes que nous avons jetées
sur Berlin les nuits précédentes. Pour les civils, c'est un désastre,
mais ils tiennent. Pour nous, Royal Air Force, ce répit est un don du
ciel. Profitez-en pour réparer les aéroports, dissimuler les stations
de radar, remplumer… c'est bien le cas de le dire! nos escadrilles.
LE CHEF D'ESCADRILLE - Est-ce qu'ils nous en laisseront le temps?
LE COMMANDANT EN CHEF DE L'AVIATION - Tout le temps qu'ils vous laissent, prenez-le.
S'ils persistent dans leur folie de bombarder Londres, nous aurons bientôt
remis sur pied toute notre aviation. Il faut que des usines anglaises sortent
plus de Hurricane et de Spitfire que le Allemands ne peuvent en abattre…
LE CHEF D'ESCADRILLE - On a fait tout ce qu'on a pu, vraiment tout ce qu'on
a pu… Et ça y est, la Royal Air Force est maintenant reconstituée.
Et déjà, monsieur, ça marche. Les Spitfire son magnifiques.
Rien que dans la journée d'hier nous avons abattu 56 bombardiers allemands!
LE COMMANDANT EN CHEF DE L'AVIATION - Très bien! Continuez comme ça,
ils vont peut-être renoncer… Mais dès que vous le pourrez,
allez aussi vous attaquer aux péniches de débarquement qu'ils
ont entassées entre Ostende et Le Havre… Je raccroche. Bonne chance!
- 5 -
L'HISTORIEN DE SERVICE – La Royal Air Force s'est si bien battue qu'elle
a réussi à arrêter l'invasion. Churchill s'adresse au Parlement.
Son discours est encore dans toutes les mémoires...
CHURCHILL - Messieurs, après la bataille de France, que nous avons perdue,
nous venons de livrer la bataille d'Angleterre. Je crois pouvoir dire que nous
l'avons gagnée. Mais nous sommes encore fragiles et il nous reste beaucoup
à faire pour nous assurer notre triomphe définitif. En attendant,
la gratitude de chaque foyer de notre île, de notre Empire et même
du monde entier se porte vers ces aviateurs britanniques dont la vaillance et
le dévouement viennent de changer le cours de la guerre. Jamais, dans
l'histoire des conflits humains, tant d'hommes n'auront été redevables
de tant de choses à un si petit nombre de leurs semblables.
RAPPEL HISTORIQUE
Winston ChurchilL (1874-1965) est une des hautes figures du vingtième
siècle. C'est lui qui a été l'ultime rempart contre le
nazisme qui, sans lui, aurait déferlé sur le monde… "La
survivance de notre pays sera un monument perpétuel à le mémoire
de ses dons de chef, de sa clairvoyance, de son indomptable courage…"
dira de lui la reine Élisabeth.
Il était né d'une mère américaine et d'un père
anglais. Par son père il descendait d'une illustre famille qui comptait
parmi ses ancêtres le fameux duc de Malborough (celui qui précisément
"s'en allait en guerre!"). Il en hérita un tempérament
puissant et original qui le fait parfois ressembler aux héros de Shakespeare.
Ayant passé par l'école militaire de Sandhurst, il commence par
être soldat et gardera toute sa vie le goût et le sens du combat.
Puis il devient journaliste, en particulier en Afrique du Sud, pendant la guerre
des Boers. Car il avait le talent de bien écrire. Sa carrière
l'emmène ensuite dans de nombreux pays dont l'Inde et le Soudan. En 1914,
il a quarante ans. Après avoir occupé brièvement le poste
de Premier Lord de l'Amirauté, il part se battre sur le front en France
où, en tant que colonel, il est au contact direct avec les hommes des
tranchées…
Entre les deux guerres, il mène une carrière d'homme politique
où il fait preuve d'un exceptionnel talent d'orateur. Mais son caractère
est trop tempétueux et son intelligence trop vive pour qu'il ne soit
pas tenu à l'écart des postes de pouvoir par la classe politique.
Cependant qu'il est l'un des premiers à dénoncer la montée
en puissance du nazisme, dont il sent qu'il ne peut conduire qu'à la
guerre, une guerre qu'il s'efforce par tous les moyens de préparer.
Le seconde guerre mondiale commence effectivement en septembre 1939. Il a alors
65 ans et, malgré son âge, la nation anglaise se retourna vers
lui comme vers le seul homme politique assez énergique et assez lucide
pour la guider dans ses combats. Après un passage à l'Amirauté,
où il retrouve son poste de 1914, il devient successivement Ministre
de la Défense puis Premier Ministre. Et pendant quatre ans, avec un extraordinaire
réalisme et une extraordinaire ténacité, il "fera
la guerre", selon son expression, et animera le camp de la résistance
au nazisme. Il appuya l'U.R.S.S., dont il haïssait la doctrine mais dont
il appréciait l'engagement contre Hitler. Et surtout il contribua à
faire entrer les États-Unis dans le conflit, ce qui fut décisif.
L'Allemagne nazie, prise en tenaille entre les trois grandes puissances mondiales
alliées (l'U.R.S.S., les Etats-Unis et le Royaume-Uni avec son Commonwealth),
finit par succomber. Ces trois puissances alliées se partagèrent
ensuite le monde à Yalta. Churchill en était.