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Déposé à la SACD


NAPOLEON ET LA MUSE DES BATAILLES

par Michel Fustier
(toutes les pièces de M.F. sur : http://theatre.enfant.free.fr )


PERSONNAGES
Napoléon Bonaparte, d'un bout à l'autre de sa carrière,
(plusieurs acteurs peuvent se partager le rôle, à mesure que le personnage vieillit)
La muse des batailles, son inspiratrice, (rôle qui peut aussi être tenu par un chœur de trois filles)
Toute une série d'interlocuteurs désignés dans le texte, Barras, les députés, les Français, les ministres,
Lannes, Talleyrand, les généraux : trois acteurs ou davantage…

L'HISTORIEN DE SERVICE - Napoléon Bonaparte est certainement l'un des personnages les plus extraordinaires de toute l'Histoire. Une intelligence exceptionnelle, une volonté sans faille, impressionnant dans l'action, éminent dans l'organisation… Il n'est cependant pas étonnant que l'excès de ces qualités ait engendré une ambition qui l'a finalement conduit à la catastrophe. C'est cette ambition qui est ici représentée comme sa Muse, une sorte de sur-moi ou d'inspiratrice de notre héros... Mais pour commencer, Bonaparte n'est qu'un jeune capitaine qui s'est fait remarquer (à peine!) au siège de Toulon....

- 1 -
LA MUSE DES BATAILLES- Allons, allons, Napoléon Bonaparte, tu ne peux pas te contenter d'avoir pris Toulon.
NAPOLEON - Toulon, ça n'est déjà pas mal!
LA MUSE - Non, cela n'est rien. Un homme comme toi doit vivre dangereusement!
NAPOLEON - Où vas-tu m'entraîner, ô mon ambitieuse muse?
LA MUSE - Tu ne tarderas pas à le savoir… Regarde, qui vient ici.
NAPOLEON - Il me semble que c'est Barras… un personnage important, un membre du Directoire!
BARRAS - Général Bonaparte, voulez-vous le commandement de l'armée d'Italie?
LA MUSE - Tu vois, ça commence bien, tu es devenu général… Accepte.
NAPOLEON - Tu crois? (il hésite) …Pourquoi pas, après tout? Donc, j'y vais… (puis, glorieux) Et ça marche: Lodi, Arcole et Rivoli… il m'aura suffi d'une année pour chasser les occupants autrichiens! Pas mal pour un coup d'essai. Et maintenant?
BARRAS - Tu nous encombres, général, ton succès nous fait peur. En route pour l'Égypte.
NAPOLEON - L'Égypte, je n'ai pas tellement envie d'y aller…
LA MUSE - Allons donc! Sur les pas de César et de Marc-Antoine… Quelle gloire! Reprends-toi…
NAPOLEON – Tu as raison! Eh bien, citoyen directeur, l'Égypte, c'est une affaire conclue!
BARRAS - Parfait. Va t'embarquer à Marseille avec une brochette de savants. Bon débarras!
LA MUSE - Expédition glorieuse! Victoire des Pyramides. On en parlera longtemps.
NAPOLEON – Oui, s'il n'y avait pas eu les Anglais et la défaite d'Aboukir… Tu m'as lâché, ô ma muse, et je suis rentré assez piteusement, avoue-le.
LA MUSE – Peu importe! Le vent a tourné, on te célèbre…

- 2 –
LA MUSE - Regarde qui vient maintenant…!
NAPOLEON - Mon Dieu, une délégation des députés de la Nation! Que désirez-vous, messieurs?
LES DEPUTES - Général Bonaparte, maintenant que vous êtes glorieusement rentré d'Égypte, voulez-vous accepter de devenir notre Premier Consul?
NAPOLEON - Moi… mais…
LA MUSE - Oui, il accepte et, pour vous témoigner sa reconnaissance, il va tout de suite passer les Alpes pour sa seconde campagne d'Italie. N'est-ce pas?
NAPOLEON - Tu crois… Tu me fais prendre des risques!
LA MUSE - Nulle part il ne se sent mieux qu'à la tête de ses troupes.
NAPOLEON – Il faut donc bien que j'y aille, puisqu'elle le veut! Je passe les Alpes et - en effet, ce coup-ci, ça marche! - je vous apporte la victoire de Marengo sur un plateau!
LA MUSE - Bravo! Jamais tu n'as été si glorieux!
NAPOLEON - Jamais je n'ai eu aussi chaud! Mais laisse-moi maintenant, il me faut remettre un peu d'ordre dans l'État… Mais qu'est-ce que cette nouvelle délégation qui s'avance vers moi?
LES FRANÇAIS - Monsieur le Premier Consul, la Nation, toute éblouie de vos victoires et de vos talents, vous prie d'accepter aujourd'hui le titre d'Empereur des Français.
NAPOLEON - Je ne sais si je dois… Je suis tellement… J'aurais bien voulu…
LA MUSE - Hypocrite! Accepte, mais pose tes conditions? Par exemple que ce soit le Pape qui vienne en personne à Paris pour la cérémonie de ton sacre.
NAPOLEON - Moi, je n'aurais pas osé! Mais en fait, cette couronne, que finalement je me suis posé moi-même sur la tête, je trouve qu'elle me va bien. Oui, vraiment. Merci, ô ma muse.

- 3 –
LA MUSE - Et maintenant que tu as tout pouvoir, occupe-toi des Anglais!
NAPOLEON - Oui, c'est vrai que j'ai une revanche à prendre sur Aboukir....
LA MUSE - Camp de Boulogne: l'Angleterre à portée de main… Eh bien qu'est-ce que tu attends?
NAPOLEON – Non, j'ai réfléchi: les Anglais, après Trafalgar, c'est trop risqué...
LA MUSE - Froussard! Alors attaque les Autrichiens et les Russes, qui complotent contre toi à l'autre bout de l'Europe. Quand on a des qualités de stratège, il faut les montrer…
NAPOLEON - Si tu le veux, j'y vais … Donc, au fin fond de l'Autriche, tout près de la Russie : la victoire d'Austerlitz… L'affaire est réglée. Maintenant la paix, la paix, la paix! Je veux la paix!
LA MUSE - Aurais-tu peur, grand Empereur?
LA MUSE - Non, mais laisse-moi un peu souffler: j'en profiterai pour finir de réorganiser mon gouvernement, nommer des ministres… Les voici justement qui viennent en délégation…
LES MINISTRES - …Et surtout, Majesté, pour venir à bout de la tâche que vous nous avez confiée, nous n'aurons pas peur d'aller sur le terrain…
LA MUSE – Tous les mêmes! Fais attention… Pendant que tu t'occupes des affaires intérieures, ça s'agite un peu partout en Europe. L'Angleterre, l'Espagne, l'Autriche encore, et la Russie.
NAPOLEON - Mon Dieu, que faire?
LA MUSE – Comme si tu ne le savais pas, ô Napoléon: la guerre, la guerre, la guerre!
NAPOLEON – Dis donc, mais c'est que je suis en train d'y prendre goût: Iéna, Eylau, Wagram… Mais quel est ce blessé qu'on m'amène?
LA MUSE - Ne t'inquiètes pas, laisse tomber…
NAPOLEON – Je veux voir. Mais c'est mon ami le maréchal Lannes. Il va mourir.
LANNES - Oui, Napoléon, c'est moi, ton maréchal Lannes… Tu as vaincu mais tu aimes trop la guerre et tu te prépares à de grandes fautes! Arrête : ton ambition est insatiable, elle te perdra…
LA MUSE - Ne fais pas attention: il commence à délirer!

- 4 –
NAPOLEON - De toute façon, maintenant que j'ai épousé la fille de l'Empereur d'Autriche, je ne crains plus rien. Que dites-vous, Talleyrand?
TALLEYRAND - Je crains que les rois ne vous pardonnent pas la mésalliance à laquelle ils ont été obligés de consentir. Prenez garde!
LA MUSE - Ce Talleyrand est un oiseau de mauvais augure.
NAPOLEON - Il a raison bien souvent cependant… Il me faut être prudent.
LA MUSE - Non. S'il faut continuer à nous battre, nous continuerons. Et tu vas justement aller frapper les Russes rebelles au cœur même de leur Empire. Campagne de Russie…
LES GENERAUX - Majesté, nous sommes vos généraux… N'avez-vous pas peur de vous éloigner de vos bases? La Russie, c'est bien loin!
LA MUSE – Tu as sous tes ordres un million de glorieux combattants. Tu ne risques rien.
NAPOLEON - Oui, mais si je me fais prendre par le froid dans la Russie dévastée! J'ai peur du général hiver... Ca y est, c'est bien ce que je craignais! C'est la fameuse retraite de Russie: je te prie de croire que ça m'a fait mal de perdre mon million de glorieux combattants… Heureusement que moi, j'ai pu rentrer à Paris.

- 5 –
LA MUSE - Très bien, reprends-toi… Organise la résistance à l'invasion. Rien n'est perdu…
NAPOLEON - Il me manque tous mes vieux soldats! Et ma cavalerie, que j'ai laissée dans les plaines glacées de la Russie…
LA MUSE - Il te reste ton génie…
NAPOLEON – Mon génie… Hélas, ils sont trop nombreux, je succombe… Je n'aurais pas dû… Je suis obligé de faire mes adieux. C'est Fontainebleau… Et ensuite, on m'exile à l'île d'Elbe.
LA MUSE - Tu ne vas tout de même pas te laisser mettre au rebut!
NAPOLEON - Non, tu as raison, je m'ennuie… Tu m'inspires, je m'évade, je débarque à Saint-Tropez, je remonte sur Paris. Et ce sont les glorieux Cent Jours!
LA MUSE - Bravo! Tout va recommencer comme avant. Cette nouvelle campagne s'appellera la Campagne de France: peux-tu rêver d'un plus beau nom?
NAPOLEON – S'il n'y avait pas ce faraud de Wellington… Cette fois-ci les redoutables Anglais se sont mis à la tête de mes ennemis…
LA MUSE - Est-ce que tu n'as pas toujours eu de la chance?
NAPOLEON - C'est vrai… Et peu s'en est fallu que Waterloo ne tourne à mon avantage, mais hélas…
LA MUSE - Bon, je m'incline, tu as perdu… Rassure-toi, c'était une défaite mais une défaite prestigieuse. Veux-tu que je t'accompagne à Sainte-Hélène… J'hésite, c'est bien loin!
NAPOLEON - Que ferais-je sans toi? Tiens-moi compagnie encore un moment, ô mon ambition!
LA MUSE - Je ne sais si tu le mérites, il me semble que tu as perdu la main!
NAPOLEON – Je ne suis rien sans toi, mais sans moi, toi non plus tu n'es rien… Que me suggères-tu maintenant?
LA MUSE - Ce sera mon dernier conseil : dicte tes mémoires et fais souffler sur les siècles à venir le vent de ta gloire. Après quoi, nous nous éteindrons doucement dans les bras l'un de l'autre.

RAPPEL HISTORIQUE

Les premières des guerres napoléoniennes furent des réponses aux agressions ou aux préparatifs d'agression des puissances européennes, opposées aux idées de liberté de la Révolution française. Mais la mécanique finit pas s'affoler, l'ambition et la volonté de puissance se substituèrent progressivement aux intentions généreuses des débuts, ce qui conduisit à la catastrophe. Napoléon avait rêvé d'une Europe démocratique unifiée, mais il ne fut pas capable de la patience et de la modération qu'il aurait fallu pour venir à bout de ce projet.
Cependant, Napoléon ne fit pas que la guerre… (Louis XIV en conduisit davantage, de moins glorieuses et de plus cruelles!). Mais il passa la plus grande partie de son temps à gouverner la France et à réorganiser ses institutions, dont beaucoup subsistent aujourd'hui (Banque de France, Conseil d'État, Sénat, ministères, code civil, code criminel, Préfets, Université, lycées, École polytechnique, écoles de droit, Légion d'honneur, administration des eaux et forêts…) Il laisse de plus à la France le souvenir glorieux d'avoir participé à une aventure militaire exceptionnelle dont le retentissement dans le monde a été et reste considérable.

Petite chronologie :

1769 Naissance de Napoléon Bonaparte en Corse.
1784 École militaire de Brienne… En sort en 1795 avec son brevet d'officier signé de Louis XVI.
1793 Capitaine d'artillerie, joue un rôle déterminant dans la prise de Toulon occupée par les Anglais.
1795 A Paris… après avoir réprimé une émeute royaliste devient général et épouse Joséphine de Beauharnais.
1796-97 Première campagne d'Italie. Arcole et Rivoli.
1798 Expédition d'Égypte.
1799 Coup d'État du 18 Brumaire. Bonaparte premier consul. Réorganisation de l'État.
1800 Seconde campagne d'Italie. Marengo.
1802 Constitution de l'an X. Bonaparte devient consul à vie.
1804 Bonaparte se fait élire empereur sous le nom de Napoléon I.
1804 Code Napoléon. Poursuite de la réorganisation de l'État.
1805 Napoléon roi d'Italie. Désastre de Trafalgar. Victoire d'Austerlitz. (Deux décembre, le soleil d'Austerlitz!)
1806 Victoire d'Iéna contre la Prusse.
1807 Victoires d'Eylau et Friedland contre la Russie.
1808 Guerre en Espagne. Échecs et repli.
1809 Victoire de Wagram contre les Autrichiens.
1810 Mariage avec la fille de l'empereur d'Autriche, Marie-Louise.
1812 Campagne de Russie. Retraite et destruction de la grande armée.
1813 Campagne en Allemagne contre les coalisés. Défaite de Leipzig.
1814 Abdication. Exil à l'île d'Elbe.
1815 Retour de l'île d'Elbe. Les Cent-jours. Campagne de France. Waterloo. Départ pour Sainte-Hélène.
1821 Mort à Sainte-Hélène.