Déposé à la SACD
JEAN-JACQUES ROUSSEAU : LA RELIGION NATURELLE
Par Michel Fustier
(toutes les pièces de M.F. sur: http://theatre.enfant.free.fr )
PERSONNAGES
L'historien de service, Jean-Jacques Rousseau, l'imprimeur, deux gentilshommes,
le président du Parlement de Paris, l'assesseur, l'huissier, le messager,
le cocher, un pasteur, le pasteur Montmollin,
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L'HISTORIEN DE SERVICE - Nous sommes au XVIIIème siècle, le Siècle
des Lumières. La tradition et l'autorité des anciens est contestée
et le monde se renouvelle sous le regard de la raison. On écarte le mythe
pour essayer de trouver la réalité ... L'Encyclopédie,
Adam Smith, Diderot, Hume, Bach, Rameau, D'Alembert, Voltaire, Rousseau... Ils
font toutes choses nouvelles! Et parmi eux, donc, Rousseau qui ose, après
une carrière d'écrivain qui l'a déjà fait connaître
dans toute l'Europe et lui a mérité d'être appelé
"l'ami de l'humanité", qui ose donc... Mais écoutez
plutôt vous-mêmes, nous allons vous raconter l'aventure qui est
au cœur de la vie de notre philosophe...
L'IMPRIMEUR - Je vous l'avais bien dit, monsieur Rousseau, les autorités
viennent de bloquer à Rouen nos 2500 exemplaires du Contrat social...
Votre Contrat social est un livre politique, c'est un livre à l'envers
des choses que tout le monde croit, un livre sur l'égalité des
hommes dans un pays où il n'y en a pas. Nous sommes en effet ici affligés
d'une censure pointilleuse, on ne peut pas tout dire, et monsieur de Malesherbes,
quelque bienveillant censeur qu'il soit, veille au grain! Et vous voudriez maintenant
que j'imprime votre Emile qui n'en va pas moins à rebours de ce qu'on
pense généralement et porte le peuple à l'incrédulité.
En tant qu'imprimeur je me sens menacé... Méfiez-vous, on pend
encore ici des gens pour leurs opinions.
ROUSSEAU - Ecoutez, mon bon Duchesne, Je suis très fâché
des embarras où vous êtes. Mais soyez sans crainte, loin de porter
à l'incrédulité, mon livre établit de la religion
tout ce qui est utile aux hommes de savoir sans détruire quoi que ce
soit du reste, et dans toute société bien gouvernée, mon
livre est bon à publier. D'autre part, je suis un citoyen de Genève
et je n'ai rien à craindre en France. Et, si vous le préférez,
nous pouvons faire imprimer en Hollande les deux derniers des quatre livres,
qui en effet pourraient embarrasser. Cela vous dégagerait..
L'IMPRIMEUR - En Hollande! Le coup est dangereux... Mais nous pouvons le tenter.
ROUSSEAU - Alors, allons-y! Merci d'accepter.
L'IMPRIMEUR - Venez par ici, nous ferons nos plans...
2
PREMIER GENTILHOMME - Et alors, qu'a-t-il encore fait, ce malheureux Rousseau?
SECOND GENTILHOMME - Il s'en est pris à la religion.
PREMIER - A la religion! A-t-il aussi attaqué Dieu? L'un ne va pas sans
l'autre.
SECOND - Non, le Très-Haut n'a pas été touché. Et
même...
PREMIER - Et même quoi?
SECOND - Et même il en sort renforcé. Si tant est qu'il le puisse!
PREMIER - Qui en sort renforcé, j'ai peur d'avoir mal compris?
SECOND - Le Très-Haut, évidemment, car, selon notre philosophe,
le fidèle peut entrer en contact directement avec Dieu, sans passer par
les prêtres. Cela améliore le rendement.
PREMIER - Je vois... Il nie l'ordre habituel des choses.
SECOND - C'est bien ça... En quelque sorte! Un effort de simplification...
Directement de Dieu au croyant!
PREMIER – Court-circuiter les intermédiaires... Dans une société
aussi bien organisée que l'est la nôtre, cela ne passera pas.
SECOND - Disons que ça passera mal. En plus, il a longuement exposé
ses pensées dans une sorte de traité sur la façon d'élever
les enfants, enfants qui sont souvent dans des collèges, aux mains précisément
des prêtres. La bombe est tombée là où elle pouvait
faire les plus gros dégâts.
PREMIER - Qu'avait-il besoin de mélanger Dieu et les collèges?
Comment s'appelle son traité?
SECOND - "Emile, ou de l'éducation."
PREMIER - "De l'éducation"? ...Lui qui a abandonné ses
enfants à l'Assistance publique!
SECOND - Il a pu ainsi en parler avec plus de liberté et de sentiment.
PREMER - Cela est en effet d'un philosophe! Ils ont horreur de la pratique.
3
LE PRESIDENT DU PARLEMENT - Bon, dépêchez-vous, je suis pressé...
Cette histoire fait du bruit!
L'ASSESSEUR - Beaucoup de bruit! Il va falloir faire quelque chose! Je vous
lis les passages les plus significatifs de cet Emile... Ils sont extraits du
bientôt fameux chapitre intitulé: La Profession de foi du Vicaire
savoyard. En voici le premier: "Vous ne voyez dans mon exposé que
la religion naturelle: il est bien étrange qu’il en faille une
autre... "
LE PRESIDENT - Qu'entend-il par religion naturelle?
L'ASSESSEUR - Vous allez voir, monsieur le Président.... "Par où
connaîtrai-je cette nécessité?" Nécessité
d'avoir une religion naturelle, évidemment! Je continue:" De quoi
puis-je être coupable en servant Dieu selon les lumières qu’il
donne à mon esprit et selon les sentiments qu’il inspire à
mon cœur? Les plus grandes idées de la Divinité nous viennent
par la raison seule." Voilà bien la religion naturelle! Je continue:
" Voyez le spectacle de la nature, écoutez la voix intérieure.
Dieu n’a-t-il pas tout dit à nos yeux, à notre conscience,
à notre jugement? Qu’est-ce que les hommes pourraient nous dire
de plus? Leurs révélations ne font que dégrader Dieu, en
lui donnant les passions humaines. Loin d’éclaircir les notions
de l'Etre suprême, je vois que les dogmes particuliers les embrouillent,
que loin de les ennoblir, ils les avilissent, qu’aux mystères inconcevables
qui l’environnent ils ajoutent des contradictions absurdes, qu’ils
rendent l’homme orgueilleux, intolérant, cruel, qu’au lieu
d’établir la paix sur la terre, ils y portent le fer et le feu.
LE PRESIDENT - Cela est en effet fort ce café! La religion chrétienne...
le fer et le feu? Et en plus, la raison!
L'ASSESSEUR - Voulez-vous un autre passage bien croustillant : " Dieu a
parlé! Et à qui a-t-il parlé? Il a parlé aux hommes.
Pourquoi donc, moi qui suis homme, n’en ai-je rien entendu? C'est qu'il
a chargé d’autres hommes de vous transmettre sa parole. En conséquence
ce sont des hommes qui vont me dire ce que Dieu a dit. J’aimerais mieux
avoir entendu Dieu lui-même. Il ne lui en aurait pas coûté
davantage, et j’aurais été à l’abri de toute
tromperie. Mais ils disent que Dieu vous en protège en confirmant la
mission de ses envoyés. Comment cela? Par des prodiges. Et où
sont ces prodiges? Dans les livres. Et qui a fait ces livres? Des hommes. Et
qui a vu ces prodiges? Des hommes, qui les attestent. Quoi! Toujours des hommes
qui me rapportent ce que d’autres hommes ont rapporté! Que d’hommes
entre Dieu et moi! L’Eglise décide que l’Eglise a droit de
décider. Ne voilà-t-il pas une autorité bien prouvée?
Vous les prêtres, qui vous prétendez les Apôtres de la vérité,
qu’avez-vous donc à me dire dont je ne reste pas le juge? Dieu
lui-même a parlé: écoutez sa révélation.
LE PRESIDENT - Il n'y a pas de doute que c'est ici l'Eglise qu'il attaque!
L'ASSESSEUR - C'est bien ce que je vous disais.... Et cela encore: "Nous
avons trois principales religions en Europe. L’une admet une seule révélation,
l’autre en admet deux, l’autre en admet trois. Chacune déteste,
maudit les autres, les accuse d’aveuglement, d’endurcissement, d’opiniâtreté,
de mensonge. Quel homme impartial osera juger entre elles, s’il n’a
premièrement bien pesé leurs preuves, bien écouté
leurs raisons? Celle qui n’admet qu’une révélation
est la plus ancienne, et paraît la plus sûre; celle qui en admet
trois est la plus moderne, et paraît la plus conséquente; celle
qui en admet deux, et rejette la troisième, peut bien être la meilleure,
mais elle a certainement tous les préjugés contre elle, l’inconséquence
saute aux yeux."
LE PRESIDENT - Ce qui saute aux yeux, c'est qu'il faut enfermer l'auteur d'un
pareil... Donnez-moi ce livre... (fausse sortie) Et qui est ce Vicaire savoyard,
qui fait ainsi profession de foi?
L'ASSESSEUR - Mais personne en particulier. Il a dû prendre des traits
ici ou là... Ou peut-être décrit-il ce qu'il serait devenu
si, jeune, on l'avait convaincu d'entrer au séminaire.
LE PRESIDENT - Nous l'avons échappé belle! Venez... Nous allons
arranger ça.
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L'HUISSIER – (aux spectateurs) Moi, huissier de justice auprès
du Parlement de Paris, je proclame: "Il a été décidé:
Le livre intitulé Emile développe le système criminel de
la religion naturelle et ose considérer toutes les religions bonnes,
soutient qu'on peut être sauvé sans croire en Dieu, institue la
raison seule juge en matière religieuse, nie les miracles, la Révélation,
l'autorité de l'Eglise, le divinité de Jésus. En conséquence,
la cour ordonne que le dit livre soit lacéré et brûlé
dans la cour du Palais. Elle ordonne en outre que l'auteur, le nommé
J.J. Rousseau, ainsi qu'il est désigné au frontispice de son livre,
soit arrêté et amené dans la prison de la conciergerie du
Palais " Il sera examiné plus tard s'il y a lieu de l'envoyer au
bûcher...
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LE MESSAGER - Vite, monsieur Rousseau, vite, levez-vous, habillez-vous.... C'est
votre grand ami, le prince de Conti, qui m'envoie... On va vous arrêter!
Fuyez! Voulez-voir voir l'arrêt qui vous condamne... Lisez! Vous comprenez
maintenant? Non, non, vous avez tout juste le temps de vous habiller. Le prince
met à votre disposition un petit cabriolet dans lequel vous pourrez vous
enfuir. Mais faites vite: j'ai aperçu en venant quatre huissiers vêtus
de noir qui pouvaient bien être venus pour vous arrêter et qui cherchaient
leur chemin. Passez par la porte de derrière et ils feront chou blanc.
ROUSSEAU - Merci! Je déteste l'idée de fuir. C'aurait été
plus glorieux de défier les Puissances en les mettant dans le tort d'arrêter
un philosophe connu de toute l'Europe. Moi, Jean-Jacques Rousseau mis en prison
comme Socrate! Ce serait un grand honneur!... Mais trop de nobles personnes
se sont engagées pour moi et je ne veux pas les mettre dans l'embarras.
J'accepte votre proposition. Je vais partir. Dites à tous que j'ai brûlé
les lettres et les papiers qui auraient pu les compromettre... demandez-leur
d'en faire autant... (à la cantonade) Allons, Thérèse,
dépêche-toi!
LE MESSAGER - Vite, vite, monsieur le philosophe... Laissez madame ici, elle
ne craint rien, elle. Elle ne peut pas partir avec vous, elle vous gênerait
dans votre fuite.
ROUSSEAU - C'est plus sage... J'y vais donc... Laissez-moi vous embrasser, Thérèse...
(il sort et rentre) Je ne vous dis pas où je vais, ils tenteraient de
vous faire parler. Et comme je n'en sais rien moi-même... Je vous écrirai
et vous me rejoindrez plus tard. (Il sort)
LE GENDARME - (entrent les quatre huissiers vêtus de noir) Rousseau, Jean-Jacques,
c'est ici?
LE MESSAGER - Oui, il habitait ici... Mais il y a... longtemps qu'il est parti.
C'est dommage, vous l'avez manqué! C'est dommage, c'est vraiment dommage!
LE GENDARME - Cela n'est pas trop grave. Nous avions reçu la consigne
de ne pas faire de zèle. Des clients comme celui-ci! Il est parti, c'est
bien, c'est très bien. Beaucoup de grands personnages le protègent...
Nous rapporterons que nous ne l'avons pas trouvé. Nous avons bien l'honneur...
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ROUSSEAU - Je pars donc. Mais le problème, c'est qu'effectivement, je
ne sais pas où aller. Le Parlement de Paris me fait rechercher... Aller
à Lyon s'imposerait... Malheureusement, Lyon dépend de Paris.
Alors, allons voir à Genève, dont je suis le citoyen? Mais eux
aussi ont déjà lu la profession de foi de mon vicaire savoyard,
et les Genevois sont intolérants en diable... Je vais quand même
obliquer, éviter Lyon et aller en Suisse en passant par Dijon... J'y
prendrai un faux nom! Quel ridicule! Ensuite Besançon... Mais j'y pense:
Yverdon, à l'extrémité du lac de Neuchâtel, qui dépend
de Berne et qui n'est pas trop fanatique, pourrait m'accueillir... Rien à
voir avec Genève. Holà, cocher, en route pour Yverdon.
LE COCHER - Yverdon? Mais oui, je connais...
ROUSSEAU - Yverdon, j'y serai plus tranquille et j'y passerai plus inaperçu.
Mais qu'est-ce que c'est que cela, ils m'attendent et ils m'acclament!
LE COCHER - Vous qui vouliez passer inaperçu...! Ce que c'est que d'être
célèbre!
ROUSSEAU - Je savais bien que j'avais, ici ou là, des amis!
LE COCHER - (aux spectateurs) Savez-vous qu'en réalité ce philosophe
si critiqué est un excellent homme, il est très aimé ici,
il adore les enfants qui se pressent autour de lui, il leur donne des bonbons,
il fait l'aumône aux pauvres, on l'invite au château... Et il a
aussi fait venir sa femme, qui est elle aussi une excellente femme... Mais voici
qu'accourt le pasteur du village...
7
ROUSSEAU - Mais, cher pasteur, que se passe-t-il, après trois mois de
séjour paisible...?
LE PASTEUR - Hélas, monsieur Rousseau, les pressions de Genève
sont telles que... je n'y peux rien, vous devez partir!
ROUSSEAU - Mon pauvre ami, de quoi me plaindrai-je: l'important aujourd'hui
n'est pas d'aimer les hommes et de respecter Dieu, c'est de bien croire dans
les Vérités des Eglises. Faute de quoi... Il y a deux cents ans
ils m'auraient fait rôtir, maintenant ils se contentent de me bannir!...
Donc je vais reprendre encore une fois le chemin de l'exil... Evidemment mon
cocher ne m'a pas attendu et je vais m'en aller à pied... Peut-être
irai-je à Neufchâtel, Aussi étrange que cela paraisse, Neuchâtel
ne dépend que de l'autorité de Frédéric II, le roi
de Prusse. Frédéric, le plus grand libre-penseur de toute l'Europe!
Bien qu'il me soit arrivé de dire du mal de lui, je m'y mettrai sous
sa protection et Genève ne pourra rien contre moi... Six heures d'une
route difficile! J'ai vieilli... On m'accueille et je m'installe dans les faubourgs
de la ville, à Môtiers... Dans les commencements la vie y est agréable
et j'y reçois la visite de nombre de mes admirateurs. Malheureusement
cela ne dure pas... Vient me voir un jour un certain pasteur Montmollin, qui
ne m'inspire pas... Aie!
8
LE PASTEUR MONTMOLLIN - Cher Jean-Jacques, nous avons été heureux
de vous accueillir dans notre paroisse, mais pour lever toute ambiguïté,
venez vous-même au temple assister au Service, ce prochain Dimanche et
recevez-y la communion. Nous saurons alors que vous êtes croyant.
ROUSSEAU - Moi? Au temple? Mais... Cela me coûte, car je n'aime pas composer...
Mais que faire, j'irai et je n'en penserai pas moins... A la condition que vous
n'y parliez d'aucun miracle.
LE PASTEUR MONTMOLLIN - Entendu, pas ce dimanche-là. Pas de miracle...
Je vous promets.
ROUSSEAU - Si c'est le prix à payer pour une chambre bien chauffée...
J'y vais.
LE PASTEUR MONTMOLLIN - Je l'ai eu, quel coup de maître! Il est rentré
au bercail...
ROUSSEAU - Mais à la fin, malgré mon apparence de renoncement,
les pasteurs, peu convaincus, s'acharnent cotre moi et les gens de Môtiers
me font la vie dure. Ils persécutent aussi Thérèse. J'en
ai assez... Je trouve alors un refuge sur l'île Saint-Pierre, au milieu
du lac de Bienne, d'où cependant le gouvernement de Berne ne tarde pas
à m'expulser. On m'assure à ce moment qu'à Paris, au Temple,
qui bénéficie d'un privilège d'exterritorialité,
je ne serai pas inquiété. J'y cours. Mais plus encore que mes
amis, mes ennemis sont nombreux –quoique peut-être m'en exagéré-je
le nombre... De toute façon, craignant soudain pour ma vie et sous la
protection de mon ami David Hume, le philosophe, je m'enfuis en Angleterre.
On y est libre! Voltaire qui est au nombre de mes persécuteurs les plus
perfides, ne cache pas sa jubilation de me savoir parti. Mais je découvre
que Hume, sur qui je croyais pouvoir compter, me trahit. Je renonce et au bout
de six mois, adieu l'Angleterre, je rentre en France en me cachant sous le nom
de Jean-Joseph Renou. Je passe neuf terribles mois à Gisors, chez le
prince de Conti. Puis, toujours avec Thérèse, j'erre dans la région
lyonnaise et en Dauphiné... Ils semblent m'avoir oublié... Je
reprends mon nom et je tente de rentrer à Paris! Mais que vais-je y faire?
L'HISTORIEN DE SERVICE - Ne vous faut-il pas encore écrire vos Confessions?
ROUSSEAU - Hélas oui. Mes Confessions! Mais tant de gens que j'ai connus
redoutent que je n'y parle d'eux et que je ne révèle certains
de leurs troublants petits secrets... Ils complotent. J'ai peur qu'ils ne refusent
mon manuscrit.
L'HISTORIEN DE SERVICE - Il vous reste aussi à écrire vos Rêveries
du promeneur solitaire?
ROUSSEAU - J'ai trop rêvé probablement, beaucoup trop rêvé!
Cependant, oui, je le ferai.
L'HISTORIEN DE SERVICE - Et après?
ROUSSEAU - Après, après... Je revenais d'herboriser et c'est un
carrosse trop pressé, précédé pour lui ouvrir le
chemin, d'un énorme dogue... Je n'ai pas pu l'éviter. Cela a hâté
ma fin.
L'HISTORIEN DE SERVICE - Hélas! Oui, mais après avoir été
enterré à Ermenonville, chez un de vos amis... vous en aviez plus
que vous ne le dites, vous êtes ensuite reconnu comme un des pères
de la Révolution française et vos cendres sont, le 11 octobre
1794, transférées au Panthéon. Le pape n'a rien dit, Dieu
non plus... Qui ne dit mot consent!
ROUSSEAU - Le Panthéon, je n'y songeais plus... Cela me fait une belle
jambe. Voyez-vous, mon ami, j'aurais préféré que durant
ma vie l'on m'eut tout simplement montré un peu plus d'égards.