Déposé à la SACD
WASHINGTON A YORKTOWN
par Michel Fustier
(toutes les pièces de M.F. sur : http://theatre.enfant.free.fr )
PERSONNAGES
L'historien de service,
Washington, Rochambeau, La Fayette,
de Grasse, Cornwallis, Clinton
Introduction
L'HISTORIEN DE SERVICE - Le 4 juillet 1776, les treize colonies anglaises d'Amérique
firent sécession du Royaume-Uni et signèrent une déclaration
d'indépendance. Il s'ensuivit une longue guerre dans laquelle les Anglais
engagèrent des forces considérables. Pris au dépourvu dans
une première phase, les Américains parvinrent à se ressaisir
et, dans une seconde phase, considérablement aidés par la France,
remportèrent une victoire décisive à Yorktown, le 19 octobre
1781. Quand la pièce commence, le général français
Rochambeau et ses 5 000 hommes viennent, après dix mois d'attente à
Newport, de rejoindre le général en chef américain Washington
à Phillipsburg. Ensemble ils se dirigeront ensuite vers Yorktown où
ils retrouveront La Fayette qui s'y bat déjà et où, avec
l'aide de la flotte française commandée par l'amiral de Grasse,
ils encercleront et déferont le général anglais Cornwallis…
Mais voici justement que Rochambeau vient d'arriver à Phillipsburg…
1 – (à Phillipsburg)
WASHINGTON – Général Rochambeau, vous voilà! Soyez
le bienvenu.
ROCHAMBEAU - Dix jours de marche depuis la côte après dix mois
d'attente… Général Washington, permettez-moi de vous serrer
dans mes bras.
WASHINGTON - Nous voici enfin réunis! Bénie soit la France qui
nous vient en aide si généreusement!
ROCHAMBEAU - Merci, Général, merci. Mais maintenant que je suis
arrivé, je suis impatient de savoir… et d'agir. De combattre! Quelles
sont les nouvelles?
WASHINGTON - Il n'y a pas de nouvelles. Nous sommes là comme de parfaits
imbéciles à attendre… à attendre qu'ils se décident.
Je veux dire que les Anglais se décident… Avec leurs multitudes
de vaisseaux et leurs quelque trente mille hommes, ils sillonnent les côtes
américaines depuis le Canada jusqu'à Charleston et ils peuvent
débarquer là où ils veulent.
ROCHAMBEAU – Evidemment. Et rembarquer aussi sec!
WASHINGTON - Exactement… pour aller nous asticoter ailleurs.
ROCHAMBEAU - C'est comme une partie de chat perché…
WASHINGTON - Tout à fait! Mais en ce qui nous concerne, nous, pour aller
sur terre d'un point à un autre, il nous faut deux mois de marches épuisantes
à travers les forêts et les marécages… Sans parler
de toutes les rivières qu'il faut passer à gué!
ROCHAMBEAU - Alors, qu'allez-vous faire?
WASHINGTON - Je vous avoue que je suis dans l'expectative, je ne sais trop où
me porter.
ROCHAMBEAU - Il faut attendre que les Anglais fassent la faute décisive…
A trop courir sur les mers, cela ne saurait manquer. Ils nous croiront ailleurs
et nous serons là.
WASHINGTON - Je vois que nous sommes faits pour nous entendre! Jusqu'ici, j'ai
toujours eu peur de disperser mes faibles forces. Mais maintenant que nous sommes
réunis, mes 6 000 patriotes et vos 5 000 soldats de métier, nous
sommes capables de coincer les Anglais, où que ce soit qu'ils tentent
un débarquement… Il va nous falloir guetter comme le chat qui attend
la souris.
2 – (des nouvelles de La Fayette)
MESSAGER - Général, une lettre urgente…
WASHINGTON – Donnez, donnez… Des nouvelles de La Fayette!
ROCHAMBEAU - Où en est-il, cet excellent jeune homme?
WASHINGTON - Laissez-moi lire… Ah, les nouvelles sont bonnes! Cet excellent
jeune homme a été sérieusement accroché par les
Anglais… Le général Cornwallis est un de leurs meilleurs
généraux, il commande une vraie petite armée… Mais
La Fayette a pu se dégager, les milices de Virginie sont arrivées
au secours de ses 800 hommes et c'est maintenant Cornwallis qui recule, bien
qu'il ait été en position d'attaquer plusieurs fois. Il a même
évacué Philadelphie… Comme toujours, les Anglais n'aiment
pas s'éloigner de leur flotte. C'est cela qui les paralyse. Ils manquent
d'audace! …La Fayette ajoute que le 4 juillet, qui est le jour anniversaire
de notre déclaration d'Indépendance, ses troupes ont allumé
de grands feux de joie au nez et à la barbe des Anglais.
ROCHAMBEAU - Cela lui ressemble tout à fait… Et si nous nous portions
au secours de La Fayette… pour essayer d'anéantir l'armée
de Cornwallis?
WASHINGTON - Ils se réfugieraient bien vite sur leurs vaisseaux.
ROCHAMBEAU - Attendez, attendez… Avez-vous pensé au comte de Grasse,
qui commande l'escadre française au Cap français, à Saint-Domingue.
S'il y a quelqu'un qui peut empêcher les Anglais de se réfugier
sur leurs vaisseaux, c'est lui. Je vais lui écrire. C'est un excellent
amiral.
WASHINGTON – Pourquoi pas? Essayez toujours…
3 – (à Saint-Domingue, la flotte française)
DE GRASSE - (dictant) Saint-Domingue, le 28 juillet 1781. Au général
Washington, J'ai bien reçu la lettre du comte de Rochambeau… Bien
que je n'aie pas reçu d'ordres pour agir ainsi, je crois que les circonstances
sont assez graves pour que je prenne des initiatives qui me paraissent indispensables
pour le succès de notre opération. J'espère ne pas avoir
à en être blâmé. J'embarquerai donc le 3 août
sur vingt-six vaisseaux de guerre et quelques transports, avec un million de
livres, trois mille hommes d'infanterie, des canons de siège, des mortiers
et des artilleurs. J'espère échapper à la flotte anglaise.
Je compte me trouver aux environs du 30 août à Chesapeake bay,
où je serai capable d'empêcher Cornwallis et ses Anglais de rembarquer,
en attendant que vous arriviez à votre tour pour les prendre à
revers. Mais il faut agir vite, pour que la flotte anglaise n'ait pas le temps
d'intervenir. Tenez-moi au courant de ce que vous faites, pour que nous accordions
nos manœuvres. Votre ami, l'amiral comte de Grasse, lieutenant général
des forces du roi de France.
L'HISTORIEN DE SERVICE – Ce qu'il faut retenir, c'est que, sans la folle
décision de notre amiral de venir de Saint-Domingue au secours des Américains,
l'Amérique n'aurait pas été libérée, ou du
moins pas de la façon dont elle l'a été! Il faut savoir
aussi que toutes ces correspondances n'avaient rien d'instantané et qu'il
fallait des jours et des jours pour qu'une corvette de service porte de l'un
à l'autre les lettres qu'échangeaient Washington, de Grasse et
Rochambeau. Même difficulté pour l'autre partie, comme en témoigne
le dialogue imaginaire qui suit…
4 – (le général anglais Cornwallis dialogue avec son chef,
Sir Henry Clinton)
CORNWALLIS - Ici le général Cornwallis… Je vous parle de
la Virginie. M'entendez-vous, Monsieur?
HENRY CLINTON - Ici Henry Clinton, le commandant en chef des forces anglaises
en Amérique… Oui, de notre base de New York où je me trouve
actuellement, je vous entends. Général Cornwallis, parlez.
CORNWALLIS - J'ai le regret de vous annoncer, Monsieur, que je n'ai malheureusement
pas pu réussir à conserver Philadelphie, qui est une véritable
capitale et le cœur de la rébellion…
HENRY CLINTON - Comment, que me dites-vous, général Cornwallis?
Vos dix mille hommes bien entraînés et bien armés n'ont
pas réussi à disperser ces bandes d'irréguliers américains,
commandées de plus par un freluquet de général français…
CORNWALLIS - A ma grande honte, non, Monsieur.
HENRY CLINTON - A la grande honte de l'Angleterre, vous voulez dire. Comment
l'appelez-vous, déjà, ce freluquet de général français?
CORNWALLIS - La Fayette, Monsieur.
HENRY CLINTON - C'est ça, La Fayette… Maudit soit La Fayette! Donc,
vous n'avez pas…
CORNWALLIS - Ils sont très entraînés et très audacieux.
Ils tourbillonnaient autour de nous, cherchant à nous couper de nos bases.
J'aurais pris trop de risques à les poursuivre et j'ai dû me replier
sur Portsmouth, qui est un port ouvert sur le grand large...
HENRY CLINTON - Un port ouvert sur le grand large!
CORNWALLIS - Où je vais attendre que notre flotte vienne me rembarquer.
HENRY CLINTON - Ainsi, général Cornwallis, vous avez décidé
de vous-même de renoncer à l'occupation de la Virginie!
CORNWALLIS - Monsieur, je n'ai pas agi sans réflexion. Faute d'avoir
pu la conquérir toute entière, un poste de défense en Virginie
ne me paraît d'aucun secours pour la poursuite de la guerre. Il ne servirait
qu'à protéger quelques arpents de terre à fièvre,
que l'ennemi nous reprendrait tôt ou tard.
HENRY CLINTON - Vous n'êtes pas juge de ce qui convent à la poursuite
de la guerre. C'est en haut lieu que se prennent les décisions. Je vous
ordonne expressément au nom de Sa Majesté de faire marche arrière,
de repasser la rivière James et de vous fortifier solidement dans Yorktown.
CORNWALLIS - Mais Monsieur, Yorktown n'est pas ouvert sur le grand large et
il suffirait que quelques bateaux français bloquent l'embouchure de la
Chesapeake pour que… Je serais refait comme un rat. Monsieur, si vous
étiez à ma place…
HENRY CLINTON - Général Cornwallis, si j'étais à
votre place, je ferais ce qui vient de vous être dit.
CORNWALLIS - Ah! (silence) Ai-je bien entendu?
HENRY CLINTON - Vous avez parfaitement entendu.
CORNWALLIS - Bien, Monsieur, je le ferai et j'irai m'enfermer dans Yorktown,
où j'attendrai que les Américains viennent me piéger. (à
lui-même) La stupidité des généraux en chef est proverbiale
et tout le monde n'a pas la chance de se trouver loin de son supérieur.
J'aurais mieux fait de ne pas lui demander son avis.
5 - (la bataille de la Chesapeake: la flotte française contre la flotte
anglaise)
L'HISTORIEN DE SERVICE – Et en effet, après plus d'un mois de navigation,
de Grasse venait d'arriver à pied d'œuvre… Et les Anglais
qui croyaient qu'il faisait voile sur New York!
DE GRASSE - C'est à n'y rien comprendre… J'arrive à la baie
de Chesapeake avec mes trente vaisseaux, j'y mouille, j'y débarque comme
promis mes 3 000 bonshommes, mes canons, mes artilleurs… qui viennent
renforcer Washington et Rochambeau… Et pas un seul bateau anglais en vue.
Auraient-ils perdu la tête?
SECOND – (avec sa longue vue) Vous avez parlé trop vite, Amiral.
Voilà notre frégate d'observation qui rentre de mission!
DE GRASSE - Que dit-elle?
SECOND - Elle dit que précisément nous arrivent dessus, retour
de New York, trente vaisseaux anglais, dont vingt vaisseaux de ligne à
deux et trois ponts…
DE GRASSE - Toute une flotte?
SECOND - Apparemment.
DE GRASSE - Bigre! Donnez-moi le temps de réfléchir… Non,
pas besoin de réfléchir, ne nous laissons pas prendre au mouillage,
il n'y a qu'une bonne solution, aller immédiatement au combat. Il est
dix heures, il faut être sorti de la baie avant midi. Et tant pis si c'est
contre la marée… Donnez l'ordre d'appareiller.
SECOND – (il regarde, un temps!) Voilà! Notre avant-garde est sortie
…
DE GRASSE - Si les Anglais avaient l'audace de nous attaquer maintenant, ils
auraient gagné la partie… Pourquoi hésitent-ils?
SECOND - Ils veulent probablement attendre que nous soyons tous engagés,
pour nous abattre d'un coup!
DE GRASSE - Ils ne savent pas que nous sommes aussi nombreux qu'eux. En tout
cas, profitons du temps qui nous est donné…
SECOND - (il regarde, un temps!) Voilà! Maintenant, il est trois heures
de l'après-midi et toute notre flotte est en ligne.
DE GRASSE - Très bien. Donnez l'ordre d'engager le combat.
SECOND - C'est fait. (un temps… Il regarde avec insistance) …Les
deux flottes sont au contact… Ça canonne de tous les côtés…
Ça canonne beaucoup! …Mais il est maintenant six heures et la brise
tombe. Le combat s'arrête faute de vent. Il y a beaucoup de dégâts
un peu partout, mais aucun vaisseau n'est coulé, ni des nôtres,
ni des leurs…
DE GRASSE - Restons en observation… Que font-ils?
SECOND - Je n'en sais rien. Ils attendent… Un jour, deux jours, trois
jours, quatre jours, cinq jours… Ils sont là à faire des
ronds dans l'eau.
DE GRASSE - Voici le sixième jour… Toujours rien?
SECOND - Si. Cette fois-ci, ils se retirent… Oui, ils se retirent. Ils
ont probablement trop de blessés ou de malades, ou leurs avaries sont
peut-être plus graves que nous ne pensions.
DE GRASSE - Ils se retirent! Pouvons-nous dire que nous avons gagné la
bataille?
SECOND - Je crois que nous le pouvons.
DE GRASSE - Alors, Cornwallis est cuit.
SECOND - D'autant plus cuit que, pendant que nous attendions, une nouvelle flotte
française, sous les ordres de l'amiral de Barras, est arrivée,
chargée de troupes fraîches et d'artillerie.
6 – (le siège de Yorktown)
L'HISTORIEN DE SERVICE – Maintenant, les choses vont aller très
vite… Mais il faut d'abord faire le point. Cornwallis s'est donc retranché
dans Yorktown. Il a sous son commandement la moitié des forces anglaises,
c'est-à-dire dix mille hommes, dont quatre mille mercenaires allemands,
auxquels il faut ajouter huit mille de ceux qu'on appelait "nègres",
pour les gros travaux, le tout couvert par trois ou quatre vaisseaux ancrés
dans la rivière James. Quant aux Américains, ils l'assiègent
avec environ dix-sept mille hommes, dont une bonne moitié de Français.
Ils peuvent de plus ajouter à leur propre artillerie les excellents canons
et mortiers que leur a apportés l'amiral de Grasse… Et au loin,
qui veille, la flotte française avec ses quelque I 500 canons! Quant
à l'arrière pays, il leur est acquis…
WASHINGTON - Il me semble que cette fois nous avons quelques chances! Mon cher
Rochambeau, je n'ai jamais assiégé de ville, moi! Mais vous, qui
venez d'Europe, où l'on joue volontiers à se prendre des places
fortes, vous savez faire cela.
ROCHAMBEAU - Oui, grâce à Vauban, nous avons acquis beaucoup de
savoir-faire… Il faut d'abord, hors de portée des canons ennemis,
fermer l'entrée et la sortie de la ville, la ceinturer pour ainsi dire.
WASHINGTON - C'est fait, depuis hier, 30 septembre.
ROCHAMBEAU - Et maintenant, après avoir ménagé un boyau
d'accès perpendiculaire, il faut creuser une tranchée parallèle
à la ligne de défense ennemie…
WASHINGTON - Le 6 octobre, nous y sommes… Comme une sorte de noeud coulant
autour du cou de l'ennemi. A quatre cent toises de distance.
ROCHAMBEAU - Parfait. Et ensuite glisser des canons dans la tranchée
et… bombarder!
WASHINGTON - J'ai compris. Notre feu est redoutable… Les défenses
ennemies s'effondrent. Et maintenant, 12 octobre, nous allons ouvrir une seconde
parallèle à moins de deux cent toises… C'est bien ça,
Rochambeau? …
ROCHAMBEAU - Oui, le nœud coulant se resserre!
WASHINGTON - Et continuer à bombarder… Vos 60 canons Gribeauval
sont d'une grande précision! Et n'oublions pas de faire sauter deux redoutes
anglaises qui nous gênent dans notre progression.
ROCHAMBEAU - Vous y êtes. Mais cela m'étonnerait que les Anglais
ne tentent pas quelque sortie désespérée.
WASHINGTON - En effet, mais elle se solde par un échec. De toute façon,
Cornwallis n'a plus de vivres, plus de boulets, plus de poudre, nous avons mis
le feu aux quelques vaisseaux qui veillaient sur lui, les blessés et
les morts jonchent les rues. La position va bientôt devenir intenable.
Elle l'est déjà devenue!
ROCHAMBEAU - Regardez! Voilà un drapeau blanc qui s'avance…
WASHINGTON - Nous sommes le 17 octobre. La bataille est terminée. Nous
allons organiser l'opération de reddition. Il faut donner un certain
éclat à cette cérémonie, elle est importante. De
toute façon, après cette terrible défaite nous pouvons
presque considérer que moyennant quelques formalités, la guerre
sera terminée.
ROCHAMBEAU - Mon cher Washington, mes compliments.
WASHINGTON - Mon cher Rochambeau, mes remerciements à la France et à
vous-même…
Conclusion
L'HISTORIEN DE SERVICE - (aux spectateurs) Il restait en effet à liquider
la situation. Les Anglais étaient encore installés à New
York. Ils y avaient toute leur flotte et pas mal de troupes. Ils envisagèrent
un instant de reprendre le combat, en le dirigeant cette fois contre les possessions
françaises des Indes. Mais ils étaient épuisés par
cette longue lutte, si distante de leurs côtes et leurs caisses étaient
vides. Ils préférèrent donc manger leur chapeau et mettre
un point final à l'opération. En 1783, furent donc signés,
à Paris et à Versailles, entre les Etats-Unis, la France, l'Espagne
et l'Angleterre, des traités qui consacraient l'indépendance des
Etats-Unis.
RAPPEL HISTORIQUE
Le récit qui vient d'être fait de la bataille de Yorktown est
assez précis pour qu'il nous suffise ici de donner quelques éléments
du contexte …
Les Etats américains avaient déclaré leur indépendance
en 1776, essentiellement parce que les Anglais voulaient contrôler et
taxer le commerce de ce qui était leur colonie. Mais les Américains
n'avaient évidemment aucune armée. Pour se battre contre les troupes
qui vinrent d'Angleterre, ils durent lever des armées provisoires de
colons plus ou moins volontaires. Washington fut très rapidement nommé
général de cette armée fantôme qui se faisait et
se défaisait au gré des besoins. La difficulté était
encore augmentée du fait que bon nombre de ces colons voulaient rester
fidèles à l'Angleterre et s'engagèrent aux côtés
des Anglais (les loyalistes). Il y en eut même quelques-uns qui combattirent
à Yorktown. Les Américains n'avaient pas non plus d'armes, hormis
leurs fusils de chasse. La France, très ancienne ennemie de l'Angleterre,
leur fournit ce qu'elle put de fusils et de poudre par l'intermédiaire
(inattendu!) de Beaumarchais, horloger, auteur dramatique et trafiquant d'armes!
La situation des Américains était d'autant plus périlleuse
que les Anglais pouvaient d'une part, avec leur immense flotte, menacer toutes
leurs côtes atlantiques, d'autre part faire pression sur eux à
partir de leurs possessions du Canada. La stratégie anglaise ne fut d'ailleurs
qu'une longue tentative pour couper les Etats américains en deux en opérant
la jonction entre leurs troupes de la côte et celles du Canada. Entre
le 4 juillet 1776, date de la déclaration d'Indépendance, et la
prise de Yorktown en 1781, les batailles furent dispersées, nombreuses,
et indécises, à l'exception de celle de Saratoga où, précisément,
partie du Canada pour rejoindre New York, une armée anglaise de six mille
hommes (celle du général Burgoyne) fut faite prisonnière.
La Bataille de Saratoga attira l'attention de l'Europe sur la lutte américaine
et la France, qui avait un donc lourd contentieux avec l'Angleterre, saisit
cette occasion de s'opposer à sa rivale de toujours. Par la suite, sa
participation à la bataille de Yorktown fut, comme on l'a vu, décisive.
L'importance des forces engagées varie beaucoup selon les auteurs, dont
certains cherchent probablement à magnifier des combats qui, à
l'échelle européenne, ne mirent en présence que d'assez
petites armées. Nous avons adopté une position plutôt basse.
Le général Washington n'avait rien d'un militaire de carrière.
Lorsqu'il fut appelé par ses concitoyens à prendre le commandement
des armées américaines, il était un riche propriétaire
terrien. Il s'était distingué précédemment dans
quelques accrochages lors de la guerre qui opposa les Français et les
Anglais entre 1754 et 1763 (Guerre de sept ans). Il venait de se marier et habitait
la demeure, devenue célèbre depuis, de Mount Vernon. C'était
un homme de haute stature, calme, réaliste et audacieux. Il assuma la
difficile tache de conduire une armée qui n'en était pas encore
une et dont il fallait chaque jour assurer le recrutement, la cohésion
et l'entraînement… Après la victoire il devint le premier
président des Etats-Unis.
Le comte de Rochambeau (I725-1807) était âgé de 55 ans lorsqu'il
débarqua aux Etats-Unis à la tête d'une troupe de cinq mille
hommes envoyés par la France. Il avait derrière lui une longue
carrière militaire et avait reçu le grade de lieutenant général.
Il sut se mettre entièrement à la disposition de Washington et
lui apporter l'appui précieux de son expérience.
Le marquis de La Fayette vint deux fois en Amérique. La première
fois à l'âge de vingt ans, de 1777 à I778, comme major général
"volontaire non rémunéré", où il participa
et fut blessé à la bataille de Brandywine. La seconde fois de
I779 à I781 où il prit une part très active à la
défense de la Virginie et au siège de Yorktown. Il avait su conquérir
l'amitié de Washington, qui le considérait un peu comme son fils.
Le général anglais marquis de Cornwallis était un militaire
expérimenté qui avait participé en Allemagne aux combats
de la guerre de sept ans. Après avoir servi en Amérique et malgré
sa défaite à Yorktown, où il fit preuve de beaucoup d'ingéniosité,
il devint successivement gouverneur des Indes et vice-roi d'Irlande