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Déposé à la SACD


JEAN-SEBASTIEN BACH

Michel Fustier
(toutes les pièces de M.F. sur : http://theatre.enfant.free.fr )


PERSONNAGES
Jean-Sébastien Bach, Martin Feldhaus son oncle,
Dietrich Buxtehude, sa femme et ses trois filles,
Le Superintendant de la paroisse d'Arnstadt.

L'HISTORIEN DE SERVICE - Jean-Sébastien Bach a été nommé organiste d'une paroisse d'Arnstadt, une petite ville de Thuringe près de laquelle il est né. Il a vingt ans et appartient à une vaste famille de musiciens, dont beaucoup sont employés ici et là par les municipalités ou les cours princières... Mais, en cette année 1705, à Arnstadt, Jean-Sébastien se sent à l'écart des grands courants musicaux qui traversent l'Allemagne... Il obtient un congé d'un mois pour aller rendre visite à Lübeck au grand Buxtehude, dont il veut recevoir l'enseignement...

1 - (le départ)
L'ONCLE - Une paire de souliers... Tu ne préférerais pas des bottes?
JEAN-SEBASTIEN BACH - Si bien sûr, mon oncle, des bottes...
L'ONCLE - Ça te fait une bonne centaine de lieues, Lübeck... J'en ai une paire que mon frère m'a laissée quand il est mort. Elle est presque neuve. Et qu'est-ce que tu veux faire à Lübeck?
JEAN-SEBASTIEN BACH - Chut, il ne faut pas le dire...
L'ONCLE - Tu as une belle là-bas?
JEAN-SEBASTIEN BACH - Mais, pas du tout!
L'ONCLE - Je me disais que cette pauvre Maria-Barbara...
JEAN-SEBASTIEN BACH - Maria-Barbara est ma fiancée et je ne vais pas là-bas pour une belle... Et dans les affaires de votre frère, vous ne me trouveriez pas aussi un vieux manteau?
L'ONCLE - Si, pourquoi pas? Celui-là? Il t'irait bien! Il n'est pas neuf, mais il est bien chaud.
JEAN-SEBASTIEN BACH - J'ai obtenu un mois de congé. Je dois partir lundi prochain, après le service du dimanche. Cela me fait un grand voyage. La diligence est trop chère et j'en ai pour 12 à 13 jours de marche. Et comme nous sommes en novembre, et que l'hiver arrive... Weichmar d'abord, puis Gotha, Mulhausen, Bad Grund, Lünebourg, pour ne pas parler de toutes les petites villes qui seront aussi sur mon chemin, et enfin Lübeck....
L'ONCLE - Si tu n'y vas pas retrouver une fille, qu'est-ce que tu vas y faire?
JEAN-SEBASTIEN BACH - Je vais y étudier la musique. Je n'ai que vingt ans.... J'ai beaucoup à apprendre.
L'ONCLE – Vingt ans et beaucoup à apprendre! Ton ignorance ne t'a pas empêché d'être nommé organiste ici à Arnstadt, ce qui n'est pas si mal pour un jeunot.
JEAN-SEBASTIEN BACH - Oui, bien sûr, je ne suis pas mécontent de ma position. Mais Arnstadt est une bien petite ville et il ya là-bas un Maître dont je voudrais bien suivre les leçons.
L'ONCLE - Qui donc?
JEAN-SEBASTIEN BACH - Maître Dietrich Buxtehude.
L'ONCLE - Ah, lui! On en parle beaucoup... Oui, c'est un grand maître de chapelle.
JEAN-SEBASTIEN BACH - Et puis, il doit y avoir bientôt à Lübeck de grandes cérémonies musicales. Ce sera très beau... De toute façon, Il y a beaucoup de notes dans la musique, qu'il faut faire courir les unes après les autres, dans l'ordre qu'il faut, pour l'agrément des oreilles et la gloire de Dieu. C'est difficile. Je n'ai pas fini de me perfectionner.
L'ONCLE - Fais courir, mon garçon, fais courir.... Un chapeau aussi te ferait plaisir?
JEAN-SEBASTIEN BACH - Oui, pour tenir au chaud toutes ces notes qui tournent déjà dans ma tête. Mais l'essentiel, mon oncle, serait qu'avant de partir vous m'embrassiez, pour me porter chance. Pour moi, c'est l'aventure, la grande aventure. Et que vous me donniez votre bénédiction.
L'ONCLE - De tout mon cœur.... Au revoir, fiston

2 - (arrivée chez Buxtehude)
DIETRICH BUXTEHUDE - C'est toi qui es Jean-Sébastien Bach?
JEAN-SEBASTIEN BACH - Oui, maître, c'est moi.
DIETRICH BUXTEHUDE - Entre, je t'attendais... Nous avons reçu ta lettre... Ferme vite la porte, la nuit vient de tomber et l'hiver est vraiment là... Entre... Voici ma femme...
JEAN-SEBASTIEN BACH - Bonjour, madame!
MADAME BUXTEHUDE - Bonjour, jeune homme. Tu es le bienvenu.
DIETRICH BUXTEHUDE - ... et mes trois chères filles, Anna, Margaretha-Sophia et Dorothea... Tu m'as l'air d'un jeune homme sérieux... Embrasse-les!
DOROTHEA - Bonjour, Jean-Sébastien...
ANNA - Comme tu es grand, Jean-Sébastien...
MARGARETHA - Tes vêtements sentent encore le froid, Jean-Sébastien. Viens te chauffer...
DIETRICH BUXTEHUDE - Oui, réchauffe-toi, il fait bon ici... As-tu prévu quelque chose pour ton logement à Lübeck?
JEAN-SEBASTIEN BACH - Non, pas encore, je... Je pense que ça doit être possible.
DIETRICH BUXTEHUDE - Si tu veux, nous pouvons te loger ici. Nous avons quelques chambres... Nous avons perdu beaucoup de nos parents qui ont vécu chez nous. Ma belle-mère en particulier, qui a fini ses jours ici. Sa chambre est libre...
JEAN-SEBASTIEN BACH - Cela m'irait très bien.
MADAME BUXTEHUDE - C'est l'heure du souper...Tu dois avoir faim après cette marche. Viens, passons à table, nous pourrons faire meilleure connaissance. Tu t'installeras après. Dorothea, rajoute un couvert. Margaretha, va chercher la soupe...
DIETRICH BUXTEHUDE - Et toi Anna trouve-nous donc une de ces bonnes bouteilles de vin du Rhin que j'ai achetées l'année dernière;
MADAME BUXTEHUDE - Asseyez-vous, asseyez-vous, jeune homme.
JEAN-SEBASTIEN BACH - Je suis très sensible à ...cette chaude atmosphère. Mes parents sont morts alors que j'étais encore jeune et... je me sens si bien reçu! Vous êtes une vraie famille.
DIETRICH BUXTEHUDE - Allons, allons... En bons chrétiens, commençons par la prière... "Dieu, notre Père, avant de prendre ce repas nous vous prions de nous bénir... Faites aussi que le visiteur que vous nous avez amené fasse ici un heureux séjour." ...Ainsi donc, tu es organiste?
JEAN-SEBASTIEN BACH - Organiste... oui. J'aimerais mieux dire musicien.
DIETRICH BUXTEHUDE - Tu ne joues pas seulement de l'orgue?
JEAN-SEBASTIEN BACH - Non, mon premier instrument a été le violon, mais je sais aussi jouer du clavecin, de la flute, de la trompette et de la basse... L'alto aussi. Mais surtout, j'improvise et je compose. Quand je dis que je suis musicien, c'est cela que je veux dire.
DIETRICH BUXTEHUDE - On ne peut pas être organiste autrement. .
JEAN-SEBASTIEN BACH - Précisément et, comme je vous l'ai dit dans ma lettre, c'est l'improvisation et la composition que je voudrais apprendre de vous.
DIETRICH BUXTEHUDE - Nous verrons ça plus tard! Mais sitôt le dîner fini tu iras me montrer au clavecin ce dont tu es capable...

3 - (le lendemain, visite de Lübeck)
DIETRICH BUXTEHUDE - Jean-Sébastien, tu es un garçon merveilleusement doué... Viens, viens avec moi, je vais d'abord te montrer Lübeck. Il faut savoir où on met les pieds! On ne peut pas jouer de l'orgue dans une ville sans connaître la ville... et ses citoyens. Lübeck est d'abord un port, un port de commerce sur la Baltique. Tu vois ici la rivière Trave, sur l'embouchure de laquelle viennent mouiller tous les grands vaisseaux. Et voici les quais, encombrés de marchandises, les belles maisons des marchands, le grenier à sel, le marché, l'Hôtel de Ville...
JEAN-SEBASTIEN BACH - Cela me fait penser à Hambourg. J'y ai séjourné il y a quelques années.
DIETRICH BUXTEHUDE - Oui, tout à fait... Lübeck est une ville qui n'est pas aussi grande que Hambourg, mais elle fait aussi partie de la Hanse et c'est une ville riche... et pour laquelle la religion compte beaucoup. Ce qui fait que nous avons ici beaucoup d'églises, chacune avec ses orgues. Et souvent, de très belles orgues... Et où l'on sait organiser de très belles cérémonies. Et nous voilà maintenant justement devant l'église de Sainte Marie, dont je suis le titulaire... Entrons!
JEAN-SEBASTIEN BACH - Qu'elle est grande, qu'elle est haute, cette église... Et remplir tout ça de musique...!
DIETRICH BUXTEHUDE – Retourne-toi... Et voici l'orgue!
JEAN-SEBASTIEN BACH - Je me disais bien... Oui, il est très imposant. Naturellement...
DIETRICH BUXTEHUDE - Un très bel orgue, et très ancien... Mais dûment entretenu et rénové.
JEAN-SEBASTIEN BACH - Et... Mais dites-moi, est-ce que je ne rêve pas: six tribunes sur les côtés en plus de celle des chanteurs et de celle de l'orgue?
DIETRICH BUXTEHUDE - Oui, j'en avais quatre, mais j'en ai fait construire deux nouvelles pour y placer les chœurs lors de nos soirées musicales. Cela me permet de les faire dialoguer plus distinctement.
JEAN-SEBASTIEN BACH - Que tout cela est impressionnant... Les citoyens de Lübeck sont vraiment très généreux!
DIETRICH BUXTEHUDE - Il faut le dire vite, ils savent si bien compter... De toute façon, Jean-Sébastien, tu tombes à point. La meilleure façon de te montrer ce que je sais faire, c'est que nous préparions ensemble, non seulement notre grand concert annuel, qui aura lieu en décembre dans trois semaines, mais aussi, qui le suivront de peu, les cérémonies exceptionnelles que nous devons organiser en l'honneur de notre défunt Empereur Léopold et de son successeur Joseph I. Non seulement nous y ferons de la belle musique, mais tous les musiciens de la province seront là et tu pourras y faire leur connaissance.
JEAN-SEBASTIEN BACH - Ça me plairait beaucoup... Mais croyez-vous que je serai vraiment capable...?
DIETRICH BUXTEHUDE – Ami, ne plaisante pas! Maintenant, viens essayer l'orgue.

4 - (La grande leçon)
JEA-SEBASTIEN BACH - Maître, les cérémonies sont terminées. Il va falloir que je reparte...
DIETRICH BUXTEHUDE - Mais il n'en est pas question. Nous n'avons pas fini.
JEAN-SEBASTIEN BACH - Comment voulez-vous... Ces messieurs de la paroisse d'Arnstadt ne m'ont donné qu'un mois de congé. Aller et retour! Et j'ai déjà pas mal tiré sur la ficelle!
DIETRICH BUXTEHUDE - Ecoute, Jean-Sébastien...
JEAN-SEBASTIEN BACH - J'écoute...
DIETRICH BUXTEHUDE - Tu es venu prendre ici une leçon de musique... Je vais te donner aussi une leçon de liberté... Peut-être ne le sais-tu pas encore, Jean-Sébastien Bach, mais tu es qui tu es! Conséquemment, considère que les messieurs de ta paroisse sont tes débiteurs et non pas l'inverse. Laisse-les ronchonner s'ils en ont envie. En quinze jours je n'ai pas eu le temps de te montrer tout ce que je sais.
JEAN-SEBASTIEN BACH - Je ne peux pas les contrarier, je n'ai que vingt ans...
DIETRICH BUXTEHUDE - Justement, tu as tout ton temps. Je te parle comme un père à son fils. Tu dois rester ici encore au moins deux mois... Maintenant que les fêtes sont passées, nous allons avoir du temps pour nous! Ce que je peux te montrer en deux mois, tu mettrais des années à de découvrir.
JEAN-SEBASTIEN BACH - Mais quoi donc, que voulez-vous me montrer?
DIETRICH BUXTEHUDE - D'abord, mais c'est presque secondaire, ton jeu de pédalier...Il faut l'améliorer jusqu'à pouvoir faire librement dialoguer le pédalier avec les claviers, à égalité...
JEAN-SEBASTIEN BACH - Ceci n'est que de la simple technique! Je crois que je le pourrai facilement...
DIETRICH BUXTEHUDE – Tu as raison, ce n'est que de la simple technique. En réalité, la première chose importante que je voulais te dire, c'est que, quand tu composes, - et ceci n'est pas de la simple technique - tu dois savoir... comment dire? préserver tout à la fois et l'unité et la multiplicité de l'œuvre... Le même thème, longuement répété, oui, certainement, c'est la base, mais tellement entrecoupé de contre-thèmes, de changements de jeux, de changements de rythme, dans des tonalités si variées, avec des timbres si inattendus que jamais l'auditeur ne puisse se lasser... Toujours le surprendre! Dieu est éternel, mais il n'est pas certainement pas monotone. Du moins c'est comme cela que je me le représente.
JEAN-SEBASTIEN BACH - Pensez-vous que Dieu soit vraiment...
DIETRICH BUXTEHUDE – Il faut bien que nous autres, pauvres hommes, nous nous fassions une idée de Dieu! Dieu, justement... Ce que je vais te dire maintenant, c'est la seconde chose, mais la plus importante. Le pasteur nourrit l'esprit des chrétiens avec des mots qui s'adressent à l'intelligence. L'organiste, lui, nourrit le cœur des fidèles en leur parlant de Dieu dans un langage qui les caresse, qui les enveloppe, qui les pénètre jusqu'au fond d'eux-mêmes... L'émotion, l'invasion, l'extase: le mystère de la Trinité... non pas dévoilé, mais rendu présent, sensible! L'organiste dans sa tribune comme le prédicateur dans sa chaire: entre Dieu et les hommes! Faisant descendre sur les hommes la grâce du Seigneur, leur portant le feu de sa parole...
JEAN-SEBASTIEN BACH - En suis-je digne?
DIETRICH BUXTEHUDE - Sinon toi, qui? ...Et finalement, faisant remonter du cœur des hommes vers le Tout-Puissant ce chant du choral luthérien, qui est comme la réponse de la terre au ciel. L'organiste est un médiateur!
JEAN-SEBASTIEN BACH - Je n'avais jamais été aussi loin dans mes pensées... Mais je crois que ces choses que vous me dites, je les pressentais déjà. Je suis musicien et Dieu a toujours été au cœur de mes pensées.
DIETRICH BUXTEHUDE – Je le savais... Maintenant, viens... La municipalité de Lübeck m'a offert une chambre qui me sert de bureau. Viens, nous nous y installerons, je te montrerai le trésor des partitions que j'y ai accumulées, tu pourras les recopier pour toi, nous les commenterons, je te les expliquerai, tu t'essayeras à les imiter ou à les transposer... Je t'y montrerai aussi ma bibliothèque, mes Bibles, mes catéchismes, mes traités de théologie, tout ce qui parle précisément de Dieu et que tu dois connaître. Viens, c'est là, à droite... Jean-Sébastien, je le savais "un autre viendrait dont je ne suis pas digne de dénouer la chaussure... " Allons...

5 - (le retour à Arnstadt)
LE SUPERINTENDANT - Vous êtes en retard, monsieur Bach!
JEAN-SEBASTIEN BACH - Oui. J'étais tellement fatigué que... Je vous prie de m'excuser, je ne me suis pas réveillé!
LE SUPERINTENDANT - Je ne parle pas des dix minutes pendant lesquelles vous venez de nous faire attendre. Je parle... Nous vous avions très généreusement alloué un mois de congé. Vous en avez pris quatre.
JEAN-SEBASTIEN BACH - En effet, monsieur le Superintendant.
LE SUPERINTENDANT - Etes-vous au moins allé à Lübeck comme il était prévu?
JEAN-SEBASTIEN BACH - Certes oui. A Lübeck...
LE SUPERINTENDANT - Et qu'alliez-vous donc gratter à Lübeck?
JEAN-SEBASTIEN BACH - J'ai été y rencontrer le maître Buxtehude... Je suis encore jeune et j'ai besoin d'apprendre. Ne vous imaginez pas que je me suis rendu là-bas par fantaisie ou désœuvrement. J'ai beaucoup travaillé.
LE SUPERINTENDANT - Travailler! Votre talent – si je peux employer ce mot? – nous suffit largement, nous ne sommes pas une si grande cité. Qu'aviez-vous besoin de vous perfectionner?
JEAN-SEBASTIEN BACH - Je vous avais choisi pour me remplacer mon cousin Johan Ernst, qui est un musicien accompli. N'a-t-il pas bien rempli ses fonctions?
LE SUPERINTENDANT - Nous n'avons rien à dire là-dessus.
JEAN-SEBASTIEN BACH - Alors, je ne vois pas la raison pour laquelle vous me chercher querelle.
LE SUPERINTENDANT - Je ne vous cherche pas querelle. C'est une question de principe... Depuis quand est-il dit qu'un contrat peut être négligé, qu'une permission peut être tournée en dérision. Quatre mois, monsieur Bach, quatre mois au lieu d'un! Vous avez beaucoup travaillé là-bas... Mais encore? Qu'avez-vous fait exactement?
JEAN-SEBASTIEN BACH - J'y ai appris plusieurs choses nécessaires à mon art.
LE SUPERINTENDANT - Voyez-moi ça! Ne pouviez-vous les apprendre ici?
JEAN-SEBASTIEN BACH - Qui me les aurait enseignées? Vous, peut-être? Arnstadt est un désert.... musical.
LE SUPERINTENDANT - N'ajoutez pas l'insolence aux fautes que vous avez déjà commises. Arnstadt n'est pas Lübeck, certes. Mais Arnstadt est Arnstadt, et vous en êtes l'organiste.
JEAN-SEBASTIEN BACH - Je vous demande pardon.
LE SUPERINTENDANT - De plus... est-ce la raison pour laquelle, depuis votre retour, vous ne jouez plus de l'orgue à la façon qui est habituelle et qui nous convenait. Mais vous y ajoutez des audaces et des ornements disgracieux ou dissonants qui font frémir les fidèles. Vous ne respectez plus l'harmonie de toujours.
JEAN-SEBASTIEN BACH - Ici, à Arnstadt, le temps s'est pour ainsi dire arrêté... Mais, monsieur le Superintendant, partout en Allemagne la musique n'a cessé de progresser, de se réinventer elle-même...
LE SUPERINTENDANT - Vous voudriez me faire croire que...
JEAN-SEBASTIEN BACH - C'est cela que j'ai appris.
LE SUPERINTENDANT - Nous n'avons cure des progrès de la musique. Que cela soit dit! Monsieur Bach, la Paroisse par ma bouche vous adresse une remontrance. Vous voudrez bien en tenir compte et veiller désormais à observer un comportement irréprochable. Et plus de dissonances!
JEAN-SEBASTIEN BACH - J'y veillerai, monsieur le superintendant... Dans la mesure où elles ne m'échapperont pas...
LE SUPERINTENDANT - Vous le pourrez. Prenez-y garde!
JEAN-SEBASTIEN BACH - Bien, Monsieur le Superintendant.
LE SUPERINTENDANT - Allez, maintenant.


RAPPEL HISTORIQUE

Nous savons peu de choses de la vie de Bach, si ce n'est quelques données factuelles de sa carrière. (Le voyage à Lübeck a cependant été décrit de la façon la plus documentée par Gilles Cantagrel dans La rencontre de Lübeck. Le texte qui précède lui doit beaucoup.)
Bach, né en 1685 à Eisenach en Thuringe, au cœur de l'Allemagne luthérienne et dans un cercle culturel composé de Weimar, Leipzig, Erfurt ...et non loin de Dresde (Saxe), de Berlin (Prusse) et des villes de la Hanse, Hambourg et Lübeck. Il mourut à Leipzig en 1750.
Principales étapes de la carrière de Bach:
1703 Violoniste à la cour de Weimar, puis organiste à Arnstadt.
1705 Voyage à Lübeck pour y rencontrer Buxtehude.
1707 Démissionne d'Arnstadt et épouse Maria-Barbara. Organiste à Mühlhausen
1708 S'installe comme organiste à Weimar, où il sera nommé en 1714 Concertmeister.
1717 Concertmeister à la cour de Coethen.
1720 Mort de Maria-Barbara qui lui a donné sept enfants.
1721 Mariage avec Anna-Magdelena, qui lui donnera treize enfants.
1723 Cantor à Saint-Thomas de Leipzig... Longue carrière d'organiste à Leipzig, compositeur, maître d'école...
1747 Visite à Frédéric II à Postdam.
1750 Opérations infructueuses de la cataracte. Mort le 28 juillet à Leipzig.

Les plus connues de ses œuvres. Religieuses d'abord:
La Passion selon Saint Matthieu
La Passion selon Saint Jean
La Messe en si mineur.
Le Magnificat.
Et une multitude de cantates d'Eglise...
Instrumentales ensuite, entre autres:
Beaucoup d'œuvres pour orgue (entre autres les préludes et fugues pour orgue)
Le Clavecin bien tempéré.
Les concertos brandebourgeois.
Les sonates pour violon seul et pour violoncelle seul.
Les suites pour clavecin (françaises et anglaises), les partitas.
Les variations Goldberg.

Bach est pour beaucoup le plus grand des musiciens. Le plus mystique aussi et le plus inspiré. Selon le mot de Cioran: "S'il y a quelqu'un qui doit tout à Bach, c'est bien Dieu." On pourrait presque dire que sans Bach, Dieu n'existerait pas.