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Déposé à la SACD


LES ACCORDS DE MUNICH (1938)
(Voir en fin de texte une version courte)

Michel Fustier
(site http://theatre.enfant.free.fr


PERSONNAGES
L'historien de service, Hitler, le général Brauchitsch, commandant en chef de l'armée allemande
le général Beck, chef d'Etat-major, le général Halder, successeur de Beck en août 38,
Chamberlain, Premier ministre anglais, Daladier président du conseil français,
Edvard Benès, président de la Tchécoslovaquie, une secrétaire.


1
L'HISTORIEN DE SERVICE - Nous sommes en mai 1938. Hitler a déjà envahi l'Autriche. Mais il n'est pas satisfait et se propose maintenant de... Mais écoutez-le! Il dicte un message...
HITLER - Mademoiselle, veuillez noter... Secret... très secret! Aux généraux de corps d'armée... "Messieurs, Je veux régler définitivement la question Sudète. Afin de pouvoir rattacher pour toujours au Reich les populations allemandes qui sont à l'extérieur de nos frontières, je veux dire précisément les Sudètes, j'ai pris la décision irrévocable d'attaquer et d'envahir la Tchécoslovaquie. L'opération commencera le 1er octobre 1938. Vous voudrez bien établir vos plans de bataille et vous préparer à une offensive-éclair... Blitzkrieg...! quatre jours au maximum, de façon à ne donner le temps ni à la France ni à l'Angleterre d'intervenir. Notre politique est celle du fait accompli, nous y serons fidèles." Signé: Le Führer Adolf Hitler.... Mademoiselle, combien de divisions avons-nous en attente près de la frontière tchécoslovaque?
LA SECRETAIRE - Douze, mon Führer.
HITLER - Vous me communiquerez les noms des généraux qui les commandent. J'y ferai peut-être quelques changements.
LA SECRETAIRE - Bien, mon Führer.
HITLER - Et faites savoir à l'Etat-major que je veux, lorsque j'en donnerai l'ordre, qu'ils puissent intervenir dans un délai de douze heures. Quel jour sommes-nous?
LA SECRETAIRE - Comme si vous ne le saviez pas. Le 16 mai 1938.

2
L'HISTORIEN DE SERVICE - Hitler préparait son offensive, mais l'armée allemande s'inquiétait... A la suite du désarmement imposé par le traité de Versailles, elle ne s'était pas encore complètement reconstituée et les projets du Führer lui paraissaient à tout le moins prématurés. Il se tenait ici et là chez les officiers des conciliabules... secrets. Très secrets!
LE GENERAL BECK - Général, j'ai à vous parler.
LE GENERAL BRAUCHITSCH - Je vous en prie, asseyez-vous, général Beck...
LE GENERAL BECK - Général Brauchitsch, vous êtes le commandant en chef de l'armée allemande et je suis votre chef d'Etat-major... Puis-je vous entretenir confidentiellement?
LE GENERAL BRAUCHITSCH - Vous êtes bien solennel! Oui, bien sûr...
LE GENERAL BECK - Je suis très inquiet des intentions de notre Führer.
LE GENERAL BRAUCHITSCH - (comme s'il s'y était attendu plus ou moins) Ah!
LE GENERAL BECK - Nous sommes tous les deux des hommes de tradition et nous connaissons bien l'histoire de notre Allemagne.... Je considère que c'est une folie que de penser à envahir la Tchécoslovaquie. Les Sudètes sont un mauvais prétexte... Eh bon! Ce n'est pas parce qu'il y a trois millions d'Allemands en Tchécoslovaquie – ils n'y sont pas si mal! - qu'il faut risquer une guerre.
LE GENERAL BRAUCHITSCH - Mais encore...
LE GENERAL BECK - Et surtout, la Tchécoslovaquie a signé des traités avec l'Angleterre, la France et la Russie qui se sont porté garantes de son intégrité.
LE GENERAL BRAUCHITSCH - Le Führer, qui est bien informé, pense qu'en fait aucun de ces trois pays n'interviendra.
LE GENERAL BECK - Il ne suffit pas qu'il le pense... Voici, en ce qui me concerne, les raisons pour lesquelles j'estime que nous devons rapidement faire marche arrière.
LE GENERAL BRAUCHITSCH - Vous y allez carrément! Eh bien, parlez...
LE GENERAL BECK - Tout d'abord, politiquement, rien ne justifie l'agression d'une nation contre une autre. La Tchécoslovaquie ne nous a menacés ni ne nous menace en rien. Il y a tout de même un droit international qu'il faut respecter. Nous serions mis au ban des nations.
LE GENERAL BRAUCHITSCH - Ce ne serait pas la première fois! Et je ne sais pas si le Führer s'en soucie beaucoup.
LE GENERAL BECK - Détrompez-vous. Comme le dit Machiavel, le Prince n'a pas besoin d'être vertueux, il suffit qu'il le paraisse. Et Dieu sait si notre Führer tient à le paraître.
LE GENERAL BRAUCHITSCH - Continuez. Je suppose que vous avez d'autres arguments.
LE GENERAL BECK - En effet... Deuxièmement, Sur le plan militaire, l'opération Tchécoslovaquie mobiliserait la plus grande partie de notre armée, qui est encore en sous-effectifs. En tant que chef d'Etat-major, je suis bien placé pour le savoir... Si l'Angleterre et surtout la France entrent dans la bataille, nous n'aurons plus que cinq ou six divisions à leur opposer. La France peut en huit jours de mobilisation en rassembler quatre-vingt... pour ne rien dire de ce que les Anglais feraient avec leur aviation et leur flotte.
LE GENERAL BRAUCHITSCH - Oui, s'ils entrent en guerre! Ce qui, encore une fois, n'est pas sûr du tout. Ils ont signé des traités qui sont bien difficiles à respecter!
LE GENERAL BECK - Nous ne pouvons pas l'écarter complètement. Ce n'est pas tout... Si, troisièmement, la guerre éclate, elle peut, avec le jeu des alliances et pour la défense de légitimes intérêts, se propager très rapidement à l'Europe entière. Et peut-être même provoquer un conflit quasi-mondial qui serait une catastrophe pour l'Allemagne.
LE GENERAL BRAUCHITSCH - Vous ne voudriez tout de même pas que... C'est tout?
LE GENERAL BECK - J'ai aussi un quatrièmement.
LE GENERAL BRAUCHITSCH - Vous êtes un esprit très bien organisé
LE GENERAL BECK - En effet... Je suis allemand! Quatrièmement, nous sommes tous les deux des chrétiens de vieille souche. Nous ne pouvons accepter qu'une guerre juste. Celle-ci ne le serait pas.
LE GENERAL BRAUCHITSCH - Qu'est-ce qu'une guerre juste? Le savez-vous vraiment? (long silence)Mais je suis sensible à cet argument. Général Beck, puisque vous avez mis cette conversation sous le signe de la confidentialité et de l'amitié... ceci restera entre nous. Mais avez-vous oublié que tous, les uns après les autres, nous avons juré obéissance au Führer?
LE GENERAL BECK - Général Brauchitsch, je ne veux pas jouer les Antigone... Nous avons tous les deux aussi fait du grec et vous savez ce dont je parle! ...il y a des lois éternelles qui surpassent toutes les autres! Ainsi, il y a des limites à l'obéissance due au commandement suprême dans le cas où la conscience d'un soldat et le sentiment de sa responsabilité lui interdisent d'obéir à un ordre qu'il réprouve.
LE GENERAL BRAUCHITSCH - Je ne le sais que trop! C'est d'ailleurs dans la tradition de l'armée Allemande et vous n'êtes pas le seul à vous poser des questions... Mais, croyez-le, si un jour il nous faut agir, nous le ferons. Vous avez ma parole...
LE GENERAL BECK - J'en suis heureux... Permettez-moi maintenant de me retirer.

3
L'HISTORIEN DE SERVICE – Nous sommes maintenant en août 38... Dans une Europe où, après la catastrophe de la guerre de 14, tout aspirait à la paix, Hitler, tout en invoquant lui aussi la paix, préparait donc une nouvelle guerre. Il avait soigneusement décrit son programme de conquête dans le livre qu'il avait écrit en arrivant au pouvoir. Dans ce livre, Mein Kampf, " Mon Combat" tout était vrai, ou plutôt tout allait devenir vrai, mais personne ne croyait vraiment que cela puisse arriver... Malgré tout, l'inquiétude grandissait dans le monde politique, surtout en France et en Angleterre. Et encore plus en Tchécoslovaquie et dans toute l'Europe centrale... Le Premier ministre anglais, Chamberlain, demanda à rencontrer le Chancelier allemand. Il voulait la paix, il était prêt à tout sacrifier pour sauver la paix... Après avoir rencontré Hitler une première fois à Berchtesgaden, il revint une seconde fois à Bad Godesberg... Comme beaucoup de personnages sont ici impliqués, nous allons les faire s'interpeller d'un bout de l'Europe à l'autre... (quatre acteurs se rangent en ligne sur de la scène)
CHAMBERLAIN - Monsieur Hitler, je suis Neville Chamberlain, le Premier ministre anglais... Monsieur Hitler, vous nous faites peur.
HITLER - Peur! Mais pourquoi donc? Vous me connaissez bien mal, cher monsieur Chamberlain...
CHAMBERLAIN - Vous avez de telles ambitions! Nous avons cru comprendre que vous voulez attaquer la Tchécoslovaquie et annexer les Sudètes?
HITLER - En effet, mais c'est une bagatelle... C'est cela qui vous préoccupe...?
CHAMBERLAIN - Nous avons signé des traités d'alliance avec la Tchécoslovaquie. Et nous ne voudrions tout de même pas entrer en guerre contre vous pour cette... bagatelle, selon votre expression. Nous voulons la paix!
HITLER - Mon cher monsieur Chamberlain, je veux la paix, moi aussi. Nul n'est plus désireux de la paix que je puis l'être. Mais les Sudètes, que le traité de Versailles nous a arrachés, sont d'authentiques Allemands. Nous nous devons de les délivrer de l'oppression tchécoslovaque et de les rattacher à notre grand Reich.
CHAMBERLAIN - Nous vous comprenons très bien! Enfin, je veux dire... d'un certain point de vue... oui, les Sudètes! Ça n'est effectivement pas grand-chose. On pourrait s'arranger... Sous certaines conditions nous serions tout à fait disposés à...
HITLER - La guerre ou la paix ne dépendent que de vous.
BENES - Vraiment? Moi, je suis le président tchécoslovaque Edvard Benès... Que dites-vous tous les deux? La Tchécoslovaquie est une nation libre. Elle a signé des traités d'alliance avec l'Angleterre et la France. Avec la Russie aussi.
DALADIER - Moi je suis Edouard Daladier, le président du conseil français... Ne craignez rien, monsieur Benés, nous vous protègerons. Nous respecterons notre engagement. Nous avons déjà commencé à mobiliser notre armée. Nous sommes un peu paniqués, mais si l'Allemagne fait mine de vous attaquer, nous entrerons en guerre. Et l'Angleterre se joindra à nous... N'est-ce pas, monsieur Chamberlain?
CHAMBERLAIN - Oui, bien sûr, tout à fait, vous avez raison, monsieur Daladier... Cela ne fait pas de doute. Cependant pour l'amour de la paix... j'aimerais mieux...
HITLER - Pour l'amour de la paix, nous demandons simplement à monsieur Benès d'être un peu raisonnable. Qu'il nous laisse organiser dans le pays des Sudètes un plébiscite grâce auquel ils feront librement leur choix. Et quand nous les aurons récupérés... vous aurez la paix. La paix, je vous le promets
CHAMBERLAIN - Monsieur Benès, cette suggestion mérite d'être examinée?
DALADIER - Nous autres Français, nous y serions très favorables. S'ils sont d'accord...! Soyez compréhensif. Nous ne tenons pas à faire la guerre. Un petit plébiscite...
BENES - J'ai compris... Vous m'abandonnez?
DALADIER - Mais non, mais non... Il suffirait de renégocier les traités.... Tout serait en ordre alors.
CHAMBERLAIN - Nous devons être réalistes. Monsieur Hitler est un homme qui a une grande puissance de volonté. Les exigences de monsieur Hitler sont incontournables. Il l'a dit lui-même.
BENES – Alors, s'il l'a dit lui-même...! Nous croyons, nous, que notre premier devoir est de contourner les exigences de monsieur Hitler. Pourquoi la volonté de monsieur Hitler, tout incontournable qu'elle soit, deviendrait-elle la règle suprême des peuples de l'Europe?
CHAMBERLAIN – Vous avez raison, mais faites un petit effort, monsieur Benès... Il est si décidé...
BENES - Je refuse. Nous avons mobilisé, notre armée est prête. Nous résisterons sauvagement. Et nous avons construit sur notre frontière avec l'Allemagne, dans le pays des Sudètes, précisément, une formidable ligne de défense. Ils s'y casseront les dents.
DALADIER - Monsieur Benès, il y a des moments où il faut savoir composer.
HITLER - Monsieur Benès, vous êtes le premier responsable de l'impasse dans laquelle nous nous trouvons. Souvenez-vous, lors de la signature du traité de Versailles, c'est vous personnellement qui avez pesé pour que, sans tenir aucun compte du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, le territoire des Sudètes soit rattaché à la Tchécoslovaquie. Nous demandons simplement justice pour les Sudètes. N'est-ce pas une œuvre de paix? Mais méfiez-vous, je ne veux pas la guerre, mais ça commence à me démanger... Je vous donne trois jours... Le mois de septembre touche à sa fin.... et j'ai pris toutes mes dispositions pour que l'attaque de la Tchécoslovaquie puisse commencer le 1er octobre.

4
L'HISTORIEN DE SERVICE - Le nazisme n'avait pas encore réussi à infiltrer l'armée allemande. Quant au général Beck, dégoûté, il avait donné sa démission, mais politiquement, il était resté très engagé...
LE GENERAL BECK - Général Halder, je suis content que vous ayez été nommé à ma place et soyez devenu notre chef d'Etat-major. Nous avons les mêmes idées... Nous devons sauver notre Allemagne du péril qui la menace.
LE GENERAL HALDER - Général Beck, je crois que le moment est venu...
LE GENERAL BECK - En effet. Du fond de ma retraite je vous ai regardé monter votre complot...
LE GENERAL HALDER - Dès que nous serons sûrs qu'Hitler a décidé d'attaquer vraiment la Tchécoslovaquie, sûrs qu'il en a vraiment donné l'ordre... Tout est en place et le général Brauchitsch déclenchera l'opération.... Nous avons des complicités partout, dans l'armée, dans l'université, auprès des Eglises, à la Gestapo même. Les yeux commencent à s'ouvrir. On découvre ce qu'est Hitler!
LE GENERAL BECK - Sans compter que le peuple allemand non plus ne veut pas la guerre... Hitler leur a tellement seriné qu'il est pour la paix... ils y ont cru. Surtout pas la guerre! Hitler a fait défiler hier un détachement de l'armée sur l'avenue Unter den Linden à Berlin... Il voulait impressionner le peuple, mais il n'y avait qu'une vingtaine de badauds pour les regarder distraitement... Un flop! Malgré ses discours tonitruants... Alors que les jardins et les cafés étaient pleins, on riait, on chantait... Je vous le dis, ils ne pensent qu'à la paix... Et alors, quel est exactement votre plan?
LE GENERAL HALDER - Nous avons beaucoup de soutiens... L'amiral Canaris, le docteur Schacht, le général von Kleist, monsieur l'ambassadeur von Hassel, monsieur Goerderer, le maire de Leipzig... D'autres aussi. Opérationnellement, nous pouvons compter sur les engagements inconditionnels du général von Witztleben, qui commande la région militaire de Berlin, du général von Brockdorff qui commande à Potsdam et du général Hoepner qui est à la tête d'une division blindée en Thuringe... Ils entreront en action dès que le signal aura été donné... La première chose à faire étant de neutraliser la Gestapo et les SS - qui pourraient s'opposer... Ensuite, occuper la Chancellerie, et les ministères. Et la radio, bien sûr!
LE GENERAL BECK - Et après...?
LE GENERAL HALDER - Nous emparer d'Hitler et le traduire devant une cour spéciale au nom de toute la nation allemande... Il nous faudra agir exactement dès qu'il aura donné l'ordre d'entrer en guerre, ce qui le rendra effectivement coupable aux yeux de la nation. Mais il faudra aussi le faire avant que la guerre ait réellement éclaté, car c'est nous alors qui serions coupables d'attenter en temps de guerre à la sécurité du pays. Cela ne nous laisse que très peu de temps pour agir. Deux ou trois jours! Et là, faire passer Hitler en jugement ou plus simplement l'exécuter. Personnellement; je préférerais la seconde solution... Il faut savoir quelquefois se mettre au-dessus des lois! Comme le dit l'Ecriture: si tu sais ce que tu fais, tu n'es pas coupable...

5
L'HISTORIEN DE SERVICE - Cependant, le spectre de la guerre planait sur toutes les capitales européennes. On s'y affolait, on y creusait des tranchées, on envoyait les enfants à la campagne... A Berlin comme à Londres ou à Paris! La France avait déjà mobilisé et la flotte anglaise était en alerte. Sur la frontière tchécoslovaque les troupes allemandes faisaient leurs derniers préparatifs... La paix, la paix... comment la sauver? Mais nous sommes le 28 septembre et il me semble que j'entends de nouveau messieurs Chamberlain et Daladier...
CHAMBERLAIN - Monsieur Daladier, il faut trouver une solution... Non, nous ne pouvons pas abandonner la Tchécoslovaquie et nous serons fidèles à nos promesses... Naturellement! Mais vite, vite...Nous devons aussi sauver la paix. En désespoir de cause, allons voir monsieur Hitler, d'homme à homme, et discutons avec lui les yeux dans les yeux. Il nous attend à Munich. Je crois que c'est un homme sincère et loyal. Allons à Munich... Et nous demanderons à monsieur Mussolini de venir nous y soutenir...
DALADIER - Allons à Munich, allons à Munich... Je ne suis pas sûr qu'il soit aussi sincère et loyal que vous le dites... Mais allons à Munich!
HITLER - Messieurs, soyez les bienvenus... Venez vous asseoir à cette table. Nous allons discuter paisiblement de notre affaire... Ah voici le Duce qui vient notre secours...
CHAMBERLAIN - Merci, monsieur Mussolini, de vous être entremis dans cette affaire.
MUSSOLINI - Mais c'est la moindre des choses! J'ai de très bonnes relatons avec monsieur Hitler, et une certaine influence sur lui... me semble-t-il!
CHAMBERLAIN - (regardant autour de lui, étonné) Le président Benès n'est pas des nôtres?
HITLER - Sa présence serait parfaitement inutile. Elle aurait même pu devenir gênante... Il est trop concerné et c'est un homme à perdre son sang-froid.
CHAMBERLAIN - Vous avez raison... Monsieur Hitler, nous sommes d'avance prêts à toutes les concessions.
DALADIER - C'est tout à fait ce que j'aurais dit moi-même... Monsieur Hitler, nous sommes d'avance prêts à toutes les concessions.
CHAMBERLAIN - (Un silence, a parte) Nous sommes tous les deux complètement fous...
DALADIER - (id) Que voulez-vous que nous fassions d'autre, nous avons les mains liées. Et l'armée russe sur laquelle nous comptions, est en pleine décomposition, à cause des purges!...Il nous faudrait un courage...
CHAMBERLAIN - (id) Que nous n'avons pas... Que diraient nos peuples? (haut) Oui, monsieur Hitler, nous avons décidé que vous pouvez avoir immédiatement ce qu'il vous plaît sans faire la guerre
DALADIER - Si vous me permettez de préciser ma pensée... Oui, monsieur Hitler, monsieur Chamberlain a très bien parlé et, ce qu'il vous plaît, vous pouvez sans faire la guerre l'avoir immédiatement...
HITLER - Dois-je comprendre que les gouvernements français et britanniques acceptent que le pays des Sudètes soit rattaché à l'Allemagne?
CHAMBERLAIN - Oui, vous avez bien compris. C'est ça... rattaché!
HITLER – Et qu'en dit le gouvernement tchécoslovaque? Il accepte aussi?
DALADIER - Que peut-il faire d'autre? Nous vous demandons simplement que les traités qui nous lient à la Tchécoslovaquie soient remplacés par une garantie internationale. Cela nous ôterait nos scrupules... et nous mettrait en paix avec notre conscience... Puisque la force prime le droit, nous devons nous arranger pour qu'au moins le droit soit mis en accord avec la force.
HITLER – Excellente formule... Une garantie internationale...? Simple formalité. Accordé.
CHAMBERLAIN - Il faut toujours pouvoir respecter sa parole... Et nous vous demandons aussi que l'entrée des troupes allemandes en Tchécoslovaquie soit retardée de dix jours et reportée au 10 du mois. Nous devons laisser à l'armée tchèque le temps d'évacuer le pays qu'elle vous abandonne.
HITLER - Vous avez raison... Le temps d'évacuer cette fameuse ligne de fortification qui n'aura jamais servi. Quel gaspillage! Mais les Sudètes devront nous laisser leurs canons. Messieurs, je vous donne vos dix jours. Nous avons sauvé la paix. Nos peuples nous en seront reconnaissants... Vous voyez que l'on peut discuter avec moi... Je crois que tout a été dit. Je vous remercie...
DALADIER - C'est nous qui vous remercions...
CHAMBERLAIN – Oui! La paix! C'est nous qui vous remercions...
MUSSOLINI -Vous avez vu? Il a suffi que je m'interpose...
HITLER - Merci, Duce! S'il avait fallu faire la guerre pour conquérir la Tchécoslovaquie, malgré tous mes regrets, je l'aurais faite... Mais puisqu'on me l'offre sur un plateau doré... je prends... (menaçant) Et plus vite que ça, s'il vous plaît! ... (en a parte) Cela me fait oublier à quel point il est réjouissant d'avoir affaire à des interlocuteurs aussi stupides.

6
L'HISTORIEN DE SERVICE - Brauchitsch n'avait pas eu la promptitude et le courage nécessaire pour agir. Mais, comme l'avait si bien vu le général Halder, maintenant que le Führer avait "sauvé" la paix à Munich, il n'était plus possible de le renverser. Renverser l'homme qui avait sauvé la paix! Dans toute l'Europe, Munich était acclamé. Chamberlain et Daladier aussi... La paix était sauvée, mais ce n'était pas pour bien longtemps et on voulut oublier que la Tchécoslovaquie était perdue. L'honneur l'était aussi. Churchill le dit clairement à Chamberlain: "Vous avez voulu éviter la guerre au prix du déshonneur, vous avez le déshonneur et vous aurez la guerre!" Et lorsque Daladier, de retour à Paris, vit la foule qui l'acclamait, il murmura: "Quels imbéciles, s'ils savaient...!" Certains historiens pensent même que si Chamberlain n'avait pas provoqué la rencontre de Munich, le complot contre le Führer aurait abouti et que l'Europe aurait été débarrassée de monsieur Hitler et de sa seconde guerre mondiale.

LES ACCORDS DE MUNICH (1938)
(Version courte)

Michel Fustier
(site http://theatre.enfant.free.fr

PERSONNAGES
L'historien de service, Hitler, deux généraux de l'armée allemande,
Chamberlain, Premier ministre anglais, Daladier, président du conseil français,
Edvard Benès, président de la Tchécoslovaquie

1
L'HISTORIEN DE SERVICE - Nous sommes en mai 1938. Hitler a déjà envahi l'Autriche. Mais il n'est pas satisfait et se propose maintenant de... Mais écoutez-le! Il dicte un message...
HITLER - Aux généraux de corps d'armée... Messieurs, Je veux régler définitivement la question Sudète. Afin de pouvoir rattacher pour toujours au Reich les populations allemandes des Sudètes, que le traité de Versailles nous a enlevées, j'ai pris la décision irrévocable d'attaquer et d'envahir la Tchécoslovaquie. L'opération commencera le 1er octobre 1938. Ce sera une guerre éclair! Vous n'y mettrez pas plus de quatre jours, de façon à ne donner le temps ni à la France ni à l'Angleterre de se manifester. Notre politique est celle du fait accompli, nous y serons fidèles. Signé: Le Führer Adolf Hitler....

2
L'HISTORIEN DE SERVICE - Hitler préparait son offensive, mais l'armée allemande s'inquiétait... Elle n'était pas d'accord. Il se tenait ici et là des conciliabules... très secrets!
SECOND GENERAL - C'est de la folie. Herr General... Les Sudètes, les Sudètes! Nous allons mettre le feu à l'Europe.
PREMIER GENERAL - Politiquement, Herr General, rien ne justifie l'agression d'une nation contre une autre. La Tchécoslovaquie ne nous a menacés ni ne nous menace en rien.
SECOND GENERAL - Il y a tout de même un droit international qu'il faut respecter. Nous serions mis au ban des nations
PREMIER GENERAL - Mais je crains fort qu'Hitler se moque du droit des nations.
SECOND GENERAL - Et notre armée n'est pas encore reconstituée... Pendant que nous serions occupés à envahir la Tchécoslovaquie, les Français et les Anglais nous attaqueraient par derrière. Ils ont signé des traités qui les y obligent.
PREMIER GENERAL - Le Führer ne semble pas penser qu'ils seront fidèles à leur parole.
SECOND GENERAL - En est-il si certain? Les Français peuvent en quelques jours mobiliser 80 divisions. Occupés à envahir la Tchécoslovaquie, nous n'en aurions pas plus de quatre ou cinq à leur opposer.
SECOND GENERAL - De plus, ce ne serait pas une guerre "juste"...Bien que nous ayons juré obéissance au Führer, il y a des cas où la conscience d'un soldat et le sentiment de sa responsabilité lui interdisent d'obéir à un ordre qui ne lui paraît injuste.
PREMIER GENERAL - Oui, c'est la tradition de l'armée allemande. S'il le faut, nous irons jusqu'à nous rebeller!

3
L'HISTORIEN DE SERVICE - Cependant l'inquiétude grandissait... Surtout en France et en Angleterre. Et encore plus en Tchécoslovaquie. La guerre...! Le Premier ministre anglais, Chamberlain, qui voulait la paix, vint voir Hitler et d'un bout à l'autre de l'Europe s'engagèrent des conversations vigoureuses. (les quatre personnages qui suivent arrivent sur scène)
BENES - Moi, je suis le président tchécoslovaque Benès... Que dites-vous? La Tchécoslovaquie est une nation libre. Vous voulez l'attaquer... Elle a signé des traités d'alliance avec l'Angleterre et la France. Avec la Russie aussi.
CHANBERLAIN - Monsieur Hitler, je suis Chamberlain, le Premier ministre anglais... Monsieur Hitler, Nous avons de bonnes relations avec monsieur Benés, et nous voudrions bien la paix.
HITLER - Cher monsieur Chamberlain, je veux la paix, moi aussi. Nul n'est plus désireux de la paix que, moi, Hitler, je puis l'être. Mais les Sudètes, que le traité de Versailles nous a arrachés, sont d'authentiques Allemands. Nous nous devons de les délivrer de l'oppression tchécoslovaque et de les rattacher à notre grand Reich. Après, vous aurez la paix. Juré, promis, la paix.
BENES - Je refuse. Nous mobilisons, notre armée est prête. Nous résisterons sauvagement. Et nous avons construit sur notre frontière avec l'Allemagne, dans le pays des Sudètes, précisément, une formidable ligne de défense. Les Allemands s'y casseront les dents.
DALADIER - Moi je suis Edouard Daladier, le président du conseil français... Ne craignez rien, monsieur Benés, nous vous protègerons. Nous avons déjà commencé à mobiliser. Et l'Angleterre se joindra à nous... N'est-ce pas, monsieur Chamberlain?
CHANBERLAIN - Oui, oui... Très probablement... J'y réfléchirai... sans aucun doute!
HITLER - Pour l'amour de la paix, nous demandons simplement à monsieur Benès d'être un peu raisonnable. Qu'il nous laisse organiser dans le pays des Sudètes un plébiscite grâce auquel ils feront librement leur choix. Et quand nous les aurons récupérés... vous aurez la paix. La paix, je vous le promets. Vous ai-je jamais promis autre chose?
CHANBERLAIN - Monsieur Hitler est un homme qui a une grande puissance de volonté. Les exigences de monsieur Hitler sont incontournables. Il l'a dit lui-même. Faites un petit effort, monsieur Benès... Pour la paix!
DALADIER - Monsieur Benès, il y a des moments où il faut savoir composer.
HITLER - Monsieur Benès, nous demandons simplement justice pour les Sudètes. N'est-ce pas une œuvre de paix?
CHANBERLAIN - Vous voyez, Nous n'avons pas le choix!
BENES – Messieurs, ce que je vois, c'est que je suis trahi.

4
L'HISTORIEN DE SERVICE - Le nazisme n'avait pas réussi à infiltrer l'armée allemande...
SECOND GENERAL - Général, je crois que le moment est venu...
TROISIEME GENERAL - Dès que nous serons sûrs qu'Hitler a décidé d'attaquer vraiment la Tchécoslovaquie, qu'il en a vraiment donné l'ordre... Tout est en place et le général en chef Brauchitsch déclenchera le complot que nous avons mis au point... Nous avons des complicités partout, dans l'armée, dans l'université, auprès des Eglises, à la Gestapo même. Et l'amiral Canaris aussi, et le docteur Schacht... Et bien d'autres! Les yeux commencent à s'ouvrir. On découvre ce qu'est Hitler!
SECOND GENERAL - Oui, et le peuple allemand ne veut pas la guerre... Surtout pas la guerre! Hitler leur a tellement promis la paix
TROISIEME GENERAL - Opérationnellement, nous comptons sur le général von Witztleben, à Berlin, sur le général von Brockdorff à Potsdam et sur le général Hoepner qui commande une division blindée en Thuringe... Ils entreront en action dès que le signal aura été donné... La première chose à faire étant de neutraliser la Gestapo et les SS qui pourraient s'opposer... et ensuite d'occuper la Chancellerie, et les ministères. Et la radio, bien sûr!
SECOND GENERAL - Et après...?
TROISIEME GENERAL - Nous emparer d'Hitler et le faire passer en jugement devant une cour spéciale au nom de toute la nation allemande. Le faire passer en jugement ou plus simplement l'exécuter. Personnellement; je préférerais la seconde solution... Il faut savoir quelquefois se mettre au-dessus des lois! Comme le dit l'Ecriture: si tu sais ce que tu fais, tu n'es pas coupable...

5
L'HISTORIEN DE SERVICE - Le spectre de la guerre planait maintenant sur toutes les capitales européennes. On s'y affolait, on y creusait des tranchées, on envoyait les enfants à la campagne... A Berlin comme à Londres ou à Paris! La France avait déjà mobilisé et la flotte anglaise était en alerte. Sur la frontière tchécoslovaque les troupes allemandes faisaient leurs derniers préparatifs... La paix, la paix... Il faut sauver la paix!
CHANBERLAIN - Monsieur Daladier... allons à Munich et discutons avec monsieur Hitler, d'homme à homme, les yeux dans les yeux. Il nous attend à Munich. Je crois que c'est un homme sincère et loyal.
DALADIER - Allons à Munich, allons à Munich... Je ne suis pas sûr qu'il soit aussi sincère et loyal que vous le dites... Mais allons à Munich!
CHANBERLAIN - Vous avez raison... Monsieur Hitler, nous sommes d'avance prêts à toutes les concessions
DALADIER - C'est presque ce que j'aurais dit moi-même... Monsieur Hitler, nous sommes d'avance prêts à beaucoup de concessions.
HITLER – Toutes ou beaucoup? Méfiez-vous, je ne veux pas la guerre, mais ça commence à me démanger... Je vous donne trois jours... Nous sommes le 28 septembre.... et j'ai pris toutes mes dispositions pour que l'attaque de la Tchécoslovaquie puisse commencer le 1er octobre.
CHANBERLAIN – Le 1er octobre! (a parte) Nous sommes tous les deux complètement fous...
DALADIER - (id) Que voulez-vous que nous fassions d'autre, nous avons les mains liées...Il nous faudrait un courage...
CHANBERLAIN - (id) Que nous n'avons pas... De toute façon, l'armée russe est en pleine décomposition, à cause des purges de Staline... (haut) Oui, monsieur Hitler, nous avons décidé que vous pouvez avoir immédiatement ce qu'il vous plaît sans faire la guerre.
DALADIER - Si vous me permettez de préciser ma pensée... Oui, monsieur Hitler, monsieur Chamberlain a très bien parlé et, ce qu'il vous plaît, vous pouvez sans faire la guerre l'avoir immédiatement...
HITLER - Dois-je comprendre que les gouvernements français et britanniques sont enfin d'accord pour que le pays des Sudètes soit rattaché à l'Allemagne?
CHANBERLAIN - Oui, vous avez bien compris. C'est ça... rattaché! Solidement rattaché!
DALADIER – Je confirme... Nous demandons simplement que les traités qui nous lient à la Tchécoslovaquie soient remplacés par une garantie internationale. Nous devons nous mettre en paix avec notre conscience... et puisque la force prime le droit, nous arranger pour qu'au moins le droit soit mis en accord avec la force.
HITLER – Une garantie internationale...? Simple formalité. Accordé.
CHANBERLAIN - Et que l'entrée des troupes allemandes en Tchécoslovaquie soit retardée de dix jours. Il faut laisser à l'armée tchèque le temps d'évacuer le pays qu'elle vous abandonne.
HITLER - Vous avez raison... Le temps d'évacuer cette fameuse ligne de fortification qu'ils se sont ruinés à édifier et qui ainsi n'aura jamais servi. Quel gaspillage! Messieurs, je vous laisse vos dix jours. Nous avons sauvé la paix. Nos peuples nous en seront reconnaissants... Je crois que tout a été dit. Je vous remercie...
DALADIER - C'est nous qui vous remercions...
CHANBERLAIN – Oui, c'est nous qui vous remercions...
HITLER – (aux spectateurs) S'il avait fallu faire la guerre pour conquérir la Tchécoslovaquie, malgré tous mes regrets, je l'aurais faite... Mais puisqu'on m'offre la Tchécoslovaquie sur un plateau doré... je prends... Les imbéciles! (à ses deux interlocuteurs, menaçant) Et plus vite que ça, s'il vous plaît! (aux spectateurs) Cela me fait oublier qu'il est navrant de traiter avec des personnages aussi stupides.

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L'HISTORIEN DE SERVICE - Comme les généraux allemands le redoutaient, maintenant que le Führer avait "sauvé" la paix, il n'était plus possible de le renverser. Ils n'avaient pas eu la promptitude et le courage nécessaire... Leur complot fit long feu. Renverser l'homme qui avait sauvé la paix! Dans toute l'Europe, Munich était acclamé. Chamberlain et Daladier aussi... Hitler aussi, dans son pays. La paix était sauvée, mais ce n'était pas pour bien longtemps et on voulut oublier que la Tchécoslovaquie était perdue. L'honneur l'était aussi... On ne le comprit que plus tard!